Avec Lukas, thriller bien dense dans les règles d’un art du film noir volontairement suranné redécouvre l’incroyable objet cinématographique que peut être Jean-Claude Van Damme, qui dévoile ici une facette assez inédite de son talent.
Lukas, ancien garde du corps, enchaine les petits boulots de sécurité dans des boites de nuit pour pouvoir élever sa fille de 8 ans. Suite à un incident, il se retrouve contraint de collaborer avec la police. Sa mission: infiltrer l’organisation d’un dangereux chef de gang flamand, s’enfonçant ainsi dans une spirale de violence inextricable.
Lukas est un polar aride et minimaliste, où les scènes d’action, finalement plutôt rares, plutôt que de s’enchaîner, ont un impact dense et d’une sombre violence sur le piège dans lequel s’enfonce toujours un peu plus le taiseux protagoniste incarné par Jean-Claude Van Damme. Si le reste de la distribution (Sami Bouajila, Sveva Alviti, le rappeur Kaaris, ou encore les comédiens belges Sam Louwyck et Kevin Janssens) ne démérite pas, Van Damme s’impose vite comme le héros absolu du récit. Son épaisseur ne vient pas tant de son passif ni de sa carrure que de son incroyable opiniâtreté quand il s’agit d’offrir à sa fille les meilleures conditions de vie possibles.
Derrière la caméra, Julien Leclercq signe un polar tenace et musclé, recentré sur une intrigue simple mais efficace, servi par une vraie énergie visuelle au diapason de celle du héros de son film.Si l’on a déjà vu le comédien belge dans des exercices d’auto-dérision plus ou moins réussis, comme dans le cultissime JCVD de Mabrouk El Mechri, ou encore récemment dans la série Amazon Jean-Claude Van Johnson, on l’a rarement (jamais?) vu dans un rôle aussi dense, opaque et sombre. Si son corps, sculpté par les entrainements intensifs, reste aux avant-plans du récit, son visage, buriné et creusé par le temps, acquiert une force cinématographique inédite, et insuffle au personnage de Lukas une puissance inattendue. Lukas est un survivor, pire encore, un mort vivant dont la seule étincelle de vie subsistante est l’amour inconditionnel qu’il porte à sa fille orpheline (sa mère a disparu dans de sombres circonstances). De plus en plus fermé alors que l’étau se resserre, sa seule force vitale, l’amour paternel, le porte toujours un peu plus loin, vers l’inespérée résilience. Si le comédien a souvent semblé endosser des rôles qui l’amenaient à livrer des caricatures de lui-même (« lui-même », terme sous lequel il apparait d’ailleurs dans de nombreux génériques de film), Lukas lui offre enfin un personnage hors de lui-même, tout en s’appuyant sur son incroyable cinégénie.
Lukas, réalisé donc par Julien Leclercq (L’Assault, Gibraltar, Braqueurs), et scénarisé par Jérémie Guez (dont le premier long, Tu ne tueras point, avec Veerle Baetens et Lubna Azabal, est attendu pour la fin de l’année), est coproduit en Belgique par Umedia et 1080 films, la structure de production créée par Nabil Ben Yadir et Benoît Roland (créateur également de Wrong Men), à qui l’on doit notamment également la coproduction de Patser. Tourné à Bruxelles et dans la région namuroise, avec le soutien de Wallimage, le film s’ancre largement en Belgique, offrant ainsi au comédien belge un salutaire retour aux sources, géographique et artistique.