« Lucie perd son cheval »: actrice en quête

To be or not to be une actrice? Claude Schmitz propose avec Lucie perd son cheval un conte onirique, ode à la vie théâtrale, déambulation libre dans la psyché d’une actrice à la veille d’un nouveau rôle. Découvert l’année dernière en Compétition Nationale au BRIFF, le film est programmé dans le cadre du Kinoféroce, le 16 novembre au Kinograph à Bruxelles, le 21 novembre à Liège au Grignoux, le 22 novembre au Caméo à Namur, le 3 décembre à la Fondation Naya à Bruxelles et le 13 décembre au Quai 10 à Charleroi.

Alors qu’elle s’apprête à quitter sa toute jeune fille pour partir en tournée, Lucie s’interroge sur son métier d’actrice, la place que celui-ci prend dans sa vie, de femme et de mère. Son esprit s’évade dans une chevauchée onirique qui lui fait remettre en perspective ses engagements, et passer de l’autre côté du miroir, accéder aux coulisses du théâtre, lieu magique et vivant même hors des représentations.

Propulsée dans le monde des rêves, Lucie est chevaleresse. Elle chevauche sur la plaine sa monture, quand soudain celle-ci disparait. S’ensuit le début d’une errance qui lui fera croiser le chemin de deux autres chevaleresses, elles aussi en quête de leur monture.

Au bout de leur chemin, une étrange scène, celle d’un théâtre, où l’on retrouve nos trois actrices, endormies (par le confinement peut-on penser), alors qu’elles jouaient le Roi Lear. Atterrir chez Shakespeare, ce n’est pas un hasard. « Nous sommes de l’étoffe dont les rêves sont faits et notre petite vie est entourée de sommeil, » écrivait-il dans La Tempête.

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« J’étais partie travailler, il ne faut pas perdre le fil, » se répète Lucie. Et de fait, le fil du récit serpente au gré des associations d’idées et des rencontres de l’héroïne. Sur la plaine, elle croise les chevaleresses qui répondent à sa soif d’indépendance et d’aventure. Dans les coulisses du théâtre, elle échange avec le metteur en scène, le régisseur, l’apprenti comédien, dans une joyeuse mise en abîme.

Le film se vit comme un rêve, une errance au plus profond de laquelle il est bon de se perdre aux côtés de Lucie, comédienne en plein questionnement, elle-même à la recherche de son cheval… et de sens. Mais finalement, la quête elle-même n’est-elle pas le sens? Et peut-on vivre sans se raconter d’histoires?

Remarqué avec ses moyens métrages au style affirmé (Rien sauf l’été, Braquer Poitiers, Prix Jean Vigo 2019), il passe donc au long métrage avec un objet cinématographique hybride, déclinaison d’une oeuvre théâtrale.

Lucie perd son cheval s’inscrit dans un double contexte, celui de l’oeuvre cinématographique de Claude Schmitz, et celui de la fermeture des théâtres. Alors qu’il répétait sa nouvelle pièce, Un Royaume, une oeuvre déjà hybride, mêlant performance théâtrale et vidéo, se profile la menace du confinement. Bien malins ceux qui savent si, quand et comment les théâtre seront ouverts.

Finalement, Un Royaume est bien représenté au Théâtre de Liège, du 14 au 18 octobre, mais la tournée est ajournée. Et le projet se décline sous forme cinématographique avec ce long métrage atypique, qui tout à la fois dresse le portrait de son héroïne, et questionne sa pratique.

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Judith Williquet et Lucie Debay

On retrouve d’ailleurs les accents de vérité déjà palpables dans les moyens métrages de l’auteur. Lucie est Lucie Debay, incarnée et créée par la comédienne, c’est son expérience qu’elle partage, sa fille, sa grand-mère, sa vie, et surement, ses interrogations.

Cette entame hyper réaliste n’empêche pas le récit de s’égarer avec délectation sur des chemins de traverse. Lucie questionne son statut et son métier, à la fois combat et errance. Le costume, qui fait office de travestissement, permet de prendre du recul, et de laisser libre cours aux pensées et à l’imagination.

La comédienne, qui porte le projet comme l’armure sur ses épaules, surprend une fois de plus, à l’aise dans des univers ludiques et expérimentaux, comme peut la voir également dans Une vie démente d’Ann Sirot et Raphaël Balboni qui sort cette semaine en Belgique, ou dans une version plus primale, dans Cosmogonie de Vincent Parronaud.

A ses côtés, on retrouve également une autre comédienne belge, Judith Williquet, elle-même multifacettes, puisqu’en plus de ses performances au théâtre et au cinéma (on l’a vue récemment dans Pompéi de John Shank et Anna Falguères), elle s’exprime également en tant que musicienne, sous le nom de scène de Judith Kiddo.

Lucie perd son cheval est produit par le Théâtre de Liège (Belgique), où a été montée la pièce originale.

 

Crédit photos: Elsa Stubbé

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