Dans King of the Belgians, l’aventure totalement dingue qui emmène notre bon roi Nicolas III dans une odyssée balkanique, Lucie Debay découvre le cinéma de Peter Brosens et Jessica Woodworth. Elle incarne Lucie Vancraeyenest, une cheffe de communication totalement dépassée par les événements loufoques mais tout autant dramatiques qui arrivent au roi et à son équipe.
A l’occasion de la promo du film (qui sort le 30 ovembre), nous avons rencontré Lucie Debay, maman depuis quelques jours et rayonnante.
Bonjour Lucie, dites-moi, vous êtes arrivée de manière assez singulière dans l’aventure King of the Belgians, non ?
Je suis une des dernières de l’équipe. J’ai rencontré Jessica Woodworth un mois à peine avant le début du tournage. Sa directrice de casting lui avait parlé de moi et, sur ce fait, elle avait visionné Mélody. Elle a souhaité me rencontrer dans l’optique d’un casting. On s’est donc vu dans un aéroport, le temps d’un café, juste avant que Jessica ne reparte pour les derniers repérages en Bulgarie. J’avais juste lu le synopsis. Ce fut une chouette rencontre et, alors que j’attendais la date du casting, Jessica m’a rappelée en me disant: « Pas besoin de casting, tu seras Louise Vancraeyenest ». C’est parti comme ça.
On a l’habitude de voir des acteurs/actrices avec un agenda full. Mais parfois, mieux vaut avoir une petite place de libre, donc ?
On ne sait jamais ce qui peut nous arriver. Et ce, d’autant plus au cinéma qu’au théâtre où les saisons sont bouclées très vite. Au cinéma, certaines choses peuvent se décider au dernier moment. Ici, un mois plus tard, je partais pour une folle aventure de plusieurs semaines de tournage.
Complètement folle. Ça se voit à l’écran, j’imagine que sur le tournage, ce fut pareil.
C’était dingue. D’ailleurs, on s’est demandé à un moment si ce qu’on vivait allait pouvoir se ressentir à l’écran. Tout a été tourné dans l’ordre chronologique et on a vraiment vécu un road trip avec toute l’équipe. Pas seulement, les acteurs. Il y avait quelque chose de très intense. Et je pense que Peter Brosens et Jessica Woodworth sont très forts pour souder les gens et que tous soient hyper-investis. C’était beau.
Dès la lecture du synopsis, vous êtes-vous rendue compte que ce film allait être totalement à part.
Le scénario cachait beaucoup de choses, puis il était impossible de dire comment il allait évoluer. Ça fait partie de la méthode de travail de Peter et Jessica. On voit qu’ils viennent du documentaire et, en faisant des repérages, ils continuent à s’inspirer de faits réels. C’est aussi pour ça qu’ils tournent de manière chronologique. La plupart des seconds-rôles sont des non-comédiens croisés en cours de route et dont ils se sont inspirés.
Et si, au début, tout était chorégraphié, écrit et minutieux, d’autant plus qu’ils fonctionnaient par plan-séquence, il y a eu de plus en plus de place laissée à l’improvisation. Mais tout était préparé pour que la magie surgisse pendant les impros. On a souvent été surpris.
La porte d’entrée sur cette aventure, c’est la caméra de Duncan Lloyd, un ex-reporter de guerre qui a un peu perdu de sa grandeur.
C’est intéressant que tout soit vu à travers son regard et, du coup, il y a quelque chose de très documentaire. Il ne cesse de chercher au plus profond des personnages. Et Peter et Jessica ont tout mis en place pour que le spectateur se retrouve très près des personnages. Le Roi peut ainsi s’humaniser.
Puis, le fait que ce soit tourné comme un faux-documentaire, ça rend le rapport à la caméra complètement différent. Pour mon personnage de cheffe de communication, la caméra était un ennemi. Surtout, dans les premières dizaines de minutes. Après, il y a quelque chose qui lâche. Cette manière de filmer au plus près permettait d’avoir plein de points de vue différents. Parfois, même, nous – enfin nos personnages – étions filmés à notre insu, enfin soi-disant. Parce que ça reste une fiction.
Rapprochons-nous un peu de votre personnage, Louise Vancraeyenest, c’est la stressée de service. Elle frôle le burn-out à chaque problème supplémentaire.
C’est son premier job important et elle est carriériste, alors oui, elle veut vraiment bien faire. Elle est en charge de l’image du roi, tout lui incombe à ce niveau et tout va partir en sucette. C’est un stress permanent. Elle conçoit la caméra comme son ennemi, le témoin de ce qu’il ne faut absolument pas montrer. Après, petit à petit, elle lâche et est changée par ce qui lui arrive et ce qui arrive au roi.
Vous avez eu peu de temps, comment vous y êtes-vous prises pour préparer ce rôle ?
J’ai eu un peu peur. Louise, c’est un personnage éloigné de moi. Le protocole, le guide de bonne conduite avec un roi, la manière de lui adresser la parole, je n’y connaissais rien. Il fallait y aller à l’impro et, en même temps, je n’avais pas l’habitude de ces codes-là. Il y avait plein de choses auxquelles je devais être hyper-attentive. Il y a eu des répétitions, pour mieux nous mettre dans nos rôles mais aussi pour que nous nous rencontrions et fassions connaissance, histoire d’être plus à l’aise.
Je me suis aussi documentée comme j’ai pu, des lectures, des documentaires. Comme j’avais peu de temps, j’ai chopé tout ce que j’ai pu. J’en ai fait un mix pour être bien présente en tant que cheffe de com’ du roi. Restait à se faire emporter par cette histoire tout en faisant confiance aux réalisateurs. Après, dans toutes les situations burlesques, ils nous ont demandé d’être toujours au plus près, au plus juste. Chaque bémol de cette histoire devait arriver comme une nouvelle catastrophe pour cette fine équipe. Mon personnage et celui de Bruno Georis en chef du protocole sont là pour rendre le personnage du roi crédible.
Peter et Jessica ne désacralisent-ils pas la fonction du roi pour aller chercher l’homme en lui ?
Moi, je conçois plus ce roi comme une marionnette. On va le rendre plus vivant et bien plus attachant. Après ce film, on a envie de rencontrer le vrai roi. (Rire). Il y a cet effet de surprise et cette prise de conscience que ce personnage est né roi et doit l’être pour toute sa vie. Alors que la majorité des gens choisissent leur métier et ce qu’ils veulent faire plus tard. Pour un Philippe ou un Nicolas III, ce n’est pas le cas. Il est catapulté dans cette vie-là. Et comme on n’est pas forcément fait pour être roi…
Comment s’est passée la rencontre avec les autres comédiens ? Vous les connaissiez ?
Pas du tout. Mais cette aventure vraiment intense nous a permis de nous connaître et de bien nous marrer. En plus, le fait de ne pas rentrer chez nous pendant autant de temps a conforté l’idée d’une bulle dans laquelle nous nous retrouvions, en Bulgarie, dans ce décor. Les réalisateurs y sont pour beaucoup.
Le noyau constitué autour du roi existait donc aussi dans la vraie vie ?
Oui, complètement. D’ailleurs, durant tout le tournage, que ce soit pendant ou après les prises, on n’a pas arrêté d’appeler Peter Van Den Begin… « Koning ». On ne restait pas coincés dans nos rôles mais il y avait quelque chose qui persistait. Et le fait d’être à quatre, tout le temps ensemble et amenés à rencontrer des personnes extérieures, ça renforçait notre noyau dur et notre complicité qui s’intensifiait.
Quand on voit ce film polyglotte et alliant des acteurs de différentes nationalités mais aussi de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles, on se dit que même si la Wallonie proclame son indépendance dans le film, il y a une espèce d’union sacrée entre les comédiens, quel que soit leur terroir.
C’est vrai qu’il y a quelque chose de fédérateur autour des différentes identités. Et si tout s’est fait assez simplement, c’est fou de se dire à quel point il est compliqué de travailler d’un côté et de l’autre de la frontière. Alors qu’une fois réunis, ça se passe super bien ! Quelle énorme richesse d’avoir un pays avec des langues, des cultures différentes. Et pourtant, c’est scindé. C’est dingue à quel point c’est scindé, d’autant plus que ça ne se justifie pas.
C’est un film de voyage qui voyage puisqu’il a déjà été vu dans quelques très chouettes festivals.
J’ai pu seulement aller à Venise. Après, j’étais trop enceinte. (Rires). Je suis allés à Gand aussi. C’est un beau parcours, encore.
… comme Mélody.
Oui, mais là aussi, je n’avais pas vraiment suivi la trajectoire du film. Et quand j’ai reçu mon prix d’interprétation au Canada, c’est par sms que j’ai été mise au courant. J’étais dans mon lit à Bruxelles, pas invitée.
Finalement, malgré son ouverture sur les Balkans, King of the Belgians est un film très belgo-belge. Comment expliquez-vous qu’il plaise autant à l’étranger ?
C’est la grosse question. On se l’est aussi posée avec les autres acteurs, au moment de la première mondiale à Venise, avec 1 500 spectateurs. Certains ont applaudi pendant le film, et après il y a eu une standing ovation d’une dizaine de minutes. Très émouvant. Donc, non, ce n’est pas un film uniquement pour les Belges.
Comment cela s’explique ? Je pense que c’est un film malin qui part de la situation belge pour s’implanter dans un climat européen global. Puis, Peter et Jessica ont été un peu visionnaires. Notre parcours, ce n’est rien de moins que le trajet des réfugiés alors que, à l’époque du tournage, on n’en parlait pas tant que ça. Et la Turquie, les événements dramatiques de ces derniers mois se sont passés après le tournage. Ça s’inspire de tout le climat actuel en Europe, et c’est ça qui parler à tout le monde.
Puis, il y a cette crise d’identité et d’appartenance, cette rencontre des voisins, ça ne parle pas qu’aux Belges.
Avant ce film, il y a eu ce Magritte pour votre rôle dans Mélody. Il a amené des répercussions ?
Ce qui est sûr, c’est qu’avant ce film, je me consacrais au théâtre. J’avais fait un long-métrage en 2005 avec une toute petite équipe et un très petit budget. Mais sinon, outre quelques courts-métrages, j’étais essentiellement sur les planches. Jusqu’à ce que Bernard Bellefroid vienne me chercher et me demande de passer le casting de son film. Bien sûr, le Magritte a joué, mais le film de Bernard aussi. J’ai commencé à faire plus de cinéma.
Quelle sera la suite ?
J’ai plusieurs projets en attente de financement, on attend impatiemment ! Des chouettes projets ! Mais, j’ai tourné dans Villeperdue, un court-métrage de Julien Gaspar-Oliveri qui a reçu deux prix au FIFF. Puis, il y a un film bulgare, de Konstantin Bojanov.
Vous vous exportez.
Donc, je vais faire carrière en Bulgarie, n’est-ce pas ? (Elle rit). C’est un petit rôle en anglais. Le film racontera le voyage initiatique d’un pré-ado/ado à la recherche d’un peintre dont il est obsédé. Et à un moment, il passe en Belgique et croise deux auto-stoppeurs.
Il y a aussi un film de Nicolas Boukhrief, non?
Oui, La confession avec Romain Duris, Anne Le Ny, Solène Rigot. Il se passe à la fin de la seconde guerre mondiale. C’est le dialogue entre une résistante et un prête. Et je joue la meilleure amie du personnage principal.
On suivra ça avec intérêt, un grand merci Lucie!
AS