« Lola vers la mer »: remonter le temps pour aller de l’avant

Avec Lola vers la mer, Laurent Micheli dresse le portrait d’une jeune fille transgenre qui va devoir se réconcilier avec les fantômes du passé pour faire la paix avec son père, et avec elle-même.

En 2016, on découvrait au Festival de Namur (où il recevait d’ailleurs le Prix de la Critique) Even Lovers Get the Blues, premier long métrage de Laurent Micheli, portrait décomplexé d’une bande de trentenaires qui décidaient de récrire les règles du jeu de l’amour et du sexe. Avec son nouveau film, il dresse l’émouvant coming of age d’une jeune fille, tout en signant un film militant, porté avec fougue et détermination par Mya Bollaers, jeune comédienne transgenre qui fait ses premiers pas à l’écran.

Lola, jeune fille transgenre de 18 ans, apprend alors qu’elle va enfin pouvoir se faire opérer que sa mère, qui devait la soutenir financièrement, vient de mourir. Afin de respecter ses dernières volontés, Lola et son père, qui ne se sont pas vus depuis deux ans et que tout oppose, sont obligés de se rendre jusqu’à la côte belge. En chemin, ils réaliseront que l’issue du voyage n’est peut-être pas celle à laquelle ils s’attendaient…

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Car si le film adopte un format classique de road movie, ce n’est pas tant un voyage dans l’espace que dans le temps qu’il offre à ses protagonistes. Alors que le conflit qui oppose Lola et son père atteint son apogée lors des funérailles, les deux parents devenus viscéralement étrangers l’un à l’autre vont se retrouver malgré eux forcés à co-voiturer pour partir disperser les cendres de la mère. La succession de lieux clos, l’habitacle de la voiture, la chambre d’hôtel, puis la maison d’enfance, force entre eux une intimité dont ils n’ont plus les codes. 

Pour faire non seulement leur deuil, mais aussi la paix avec eux-mêmes, ils vont devoir se réconcilier non pas tant entre eux qu’avec leur passé. Exorciser ses fantômes du côté de Lola, en découvrir une autre lecture du côté de son père. Si chacun a écrit sa propre version du roman familial, ce road-trip imprévu va contribuer à faire se rencontrer leurs deux récits.

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Tous deux peu à peu vont panser leurs plaies. D’un côté la fille, profondément meurtrie par le rejet de son père, qui refuse de la reconnaître, mais aussi par ce petit garçon qui revient sans cesse sur les photos de famille, comme s’il avait vécu son enfance à sa place. De l’autre, le père, marqué par la disparition successive du fils qu’il s’était rêvé, de son épouse, mais aussi du père qu’il aurait rêvé d’être, sans en avoir jamais eu le logiciel.

Le film bien sûr met en scène les interrogations de Lola, sa colère, et en même temps sa folle énergie, mais aussi les blessures du père, confronté à l’échec de sa vie de famille, et à son impuissance à réussir sa paternité. Cette tension donne du relief au parcours singulier de la jeune fille, tout en l’inscrivant dans un conflit universel, les relations problématiques au père.

Si le film tient beaucoup à la dynamique de cette relation, il repose évidemment fortement sur le personnage de Lola. Laurent Micheli a imaginé une jeune femme moderne, libre de choisir sa féminité, et même de l’inventer. On est loin des clichés des ongles de tigresse et du maquillage appuyé. Profondément femme, elle transgresse pourtant les clichés du genre. Lola a assez souffert pour ne pas se donner de nouvelles entraves.

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Elle est incarnée à l’écran par Mya Bollaers, jeune comédienne transgenre dont c’est le premier rôle, auquel elle apporte sa fougue et sa détermination, d’autant que l’on retrouve face à elle le toujours impressionnant Benoît Magimel (Une fille facile, Nous finirons ensemble, La Douleur). Un choix militant de la part du réalisateur, de donner à voir des corps et des visages que l’on ne voit que trop peu à l’écran. De créer une fiction par et pour une minorité. Car si le cinéma relève de l’art, la fiction, elle, peut être politique. 

Lola vers la mer, projeté en avant-première cette semaine au Festival du Film Francophone d’Angoulême, est produit en Belgique par Wrong Men, et coproduit par Lunanime. Il sera distribué par Lumière. On en reparlera sans aucun doute lors de sa sortie. 

 

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