Dans une plaine infinie balayée par le vent, Cochise (Albert Dupontel) et Gilou (Bouli Lanners), deux inséparables chasseurs de prime, sont à la recherche d’un téléphone volé au contenu sensible.
Leur chemin va croiser celui d’Esther (Aurore Broutin) et Willy (David Murgia), un couple en cavale.
Willy possède le portable sécurisé, mais il n’a pas conscience que celui-ci présente beaucoup d’intérêt pour certaines personnes.
Il a aussi un revolver à la ceinture.
Un western ? Un film d’aventures ? Une histoire d’amourS ? Un conte philosophique ?
Les Premiers Les derniers est sans doute tout cela en même temps. Et bien plus.
L’œuvre déjà majeure d’un cinéaste qui n’a pas transigé pour écrire, puis tourner le film dont il rêvait. Et advienne que pourra. Un film ambitieux, fascinant, hypnotique qui a en outre le mérite de ne ressembler à rien de ce qui a jusqu’ici été produit dans nos contrées.
Cet homme c’est Bouli Lanners, qui, au classement des personnalités préférées des cinéphiles cinevoxiens, trône tout en haut de la liste. Logique ! L’homme est gentil, ouvert, humble, il a des convictions humanistes très fortes, il est passionné… Et surtout il est très talentueux.
Il possède en outre une double carte rare : il est un des seuls par chez nous à être aussi bon réalisateur que comédien. Et inversement. C’est également un scénariste très personnel et un meneur d’hommes qui sait fédérer les énergies sur un tournage. Quelqu’un qui donne envie de l’épauler. Un leader, presque malgré lui.
D’Ultranova aux Géants en passant par Eldorado, Bouli Lanners a imposé un style et des préoccupations assez uniques dans notre cinéma : il aime parler de l’homme et de la nature, de la petite place de l’homme au cœur de mère Nature, et ses films possèdent systématiquement trois axes très forts : une image à couper le souffle, un son plus soigné que chez la plupart de ses congénères, et des bandes originales oscillant généralement entre folksongs bucoliques et sonorités plus mélancoliques.
Quatrième long métrage de sa formidable filmographie, Les Premiers Les derniers ne fait bien sûr pas exception à cette exigence. Mieux : il repousse les limites un peu plus loin encore, révélant un artiste moins ligne claire que d’habitude, plus sombre aussi sans doute. En apparences au moins…
Les Premiers Les derniers suit en fait la quête de quatre personnages, leur fuite en avant vers… la lumière.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : les quatre (cinq même, si on compte… Jésus) héros du film cherchent l’humanité dans un univers qui en manque singulièrement, l’humanité qu’ils ont en eux et que ce monde a, d’une manière ou d’une autre, étouffée.
Dans un décor post-apocalyptique (l’époque et le lieu ne sont pas clairement définis), ils vont entrer en contact avec la nature et renouer avec leurs plus profonds instincts, se révéler enfin à travers les yeux soudain bienveillants des autres.
Le niveau d’interprétation collégiale dans ce film est très élevé. Ce n’est pas une surprise quand on voit le casting.
Outre Dupontel et Lanners, fidèles à ce qu’on attend d’eux, on croise ici la douce Québécoise Suzanne Clément ou, là, un duo de comédiens mythiques composé de Michael Lonsdale et Max Von Sidow réunis dans une scène (un plan en particulier) qui fera date dans l’histoire. Sans oublier la jeune Aurore Broutin et David Murgia qui propose ici une prestation … extra-terrestre. Dans la lignée du rôle qu’il tenait dans Rundskop, mais sur un autre mode et avec nettement plus de temps pour installer son personnage, David signe une interprétation qui restera dans les annales au cinéma. On voit mal, par exemple comment le Magritte du meilleur second rôle pourrait lui échapper en février prochain.
Film d’ambiances, lent et sombre, qui remonte progressivement vers la lumière, mélancolique en diable, Les Premiers les derniers est aussi illuminé par le travail de quelques collaborateurs exceptionnels de Bouli : le fidèle Jean-Paul De Zaetijd nous offre une image somptueuse, son équipe son (Jean Minondo, Marc Bastien, Thomas Gauder) nous plonge au cœur de la nature comme jamais, son décorateur de génie (Paul Rouschop) et sa costumière hors pair (Élise Ancion, compagne de Bouli dans la vie) achèvent de créer l’ambiance unique du film.
Comment ne pas évoquer non plus la bande originale exceptionnelle composée par Pascal Humbert ? Ce nom n’est peut-être pas très connu du grand public, mais Humbert est à la base de quelques groupes mythiques dans un univers folk aux intonations gothiques. Il fut ainsi le bassiste de Sixteen Horsepower, de Wovenhand et du duo Lilium. Il est également un des membres de Detroit avec Bertrand Cantat qui pousse ici quelques vocalises sur un morceau éthéré et marquant.
On retrouve dans la première partie du générique une chanson connue de Wovenhand avec la voix de son charismatique leader David Eugene Edwards et, pour conclure, un titre de Micah P. Hinson.
À la fois intime et universel, tendu et lumineux, Les Premiers les Derniers se pose résolument comme un des chocs esthétiques de 2016, tous pays confondus. Le film que Bouli voulait faire. Le film qu’il a réalisé.
L’homme peut être serein, sa mission est accomplie.
Si vous avez manqué le film en salles, ce qui est dommage, car il est destiné à être savouré sur grand écran, vous pouvez dès à présent le savourer chez vous en format numérique. C’est dire que nous sommes ravis de vous offrir cinq exemplaires de cet authentique chef-d’œuvre que vous pourrez dorénavant regarder en boucle jusqu’à en découvrir les plus intimes subtilités.
Le concours est ICI. Bonne chance.