Samira El Mouzghibati présente en Compétition Nationale au Brussels International Film Festival son premier long métrage documentaire, Les Miennes, portrait de famille consacré aux femmes de sa vie, sa mère et ses soeurs, et qui s’interroge le lien maternel
On ne nait pas mère, on le devient. Avec Les Miennes, Samira El Mouzghibati se penche sur la délicate question du lien maternel. Tout commence par un coup de téléphone qui vire à l’engueulade, puis à la menace d’excommunication, jusqu’à la rupture. Une rupture qui pourtant semble impossible, entre une mère et son enfant. Fastforward sur une réunion de famille. La mère est invitée à s’exprimer, par ses enfants et son mari, mais les mots ne lui viennent pas. Elle ne parvient pas à verbaliser un manque qui pourtant semble assombrir ses jours. Il faut dire que dans la famille, le dialogue intergénérationnel est au point mort.
« Je suis la petite dernière, j’ai été élevée par mes soeurs », explique la réalisatrice. Quatre soeurs, et autant de visions du devenir femme. L’une mariée trop jeune, l’autre libre, une autre encore divorcée. Mais toutes achoppent quand il s’agit de définir la famille. Cette sororie, c’est en partie ce qui les sauve, ou les maintient. Alors un jour Samira sort sa caméra, et commence à filmer leurs échanges. Devant son oeil, les soeurs s’épanchent: « La famille, elle a une grande place dans mon coeur, mais je ne lui donne pas une assez grande place dans ma vie, et je sens que je vais le regretter. »
Le documentaire aurait aussi pu s’appeler Comment j’ai rencontré ma mère. La cinéaste revient avec beaucoup de douceur sur l’arrivée de sa mère en Belgique, alors qu’elle vient tout juste d’être mariée à un cousin, son père, qui voudrait qu’elle s’assimile. Il l’emmène au cinéma, mais ce qu’elle y voit, la guerre, l’amour libre la dégoûte. Elle va choisir sa voie, celle de la religion et de la pudeur. C’est là qu’elle va trouver sa liberté, grâce peut-être aussi à un mariage qui à la fin, aura surement été heureux. Il aura fallu du temps à Samira et ses soeurs pour l’identifier, cette liberté qui reste la colonne vertébrale de leur vie, et comprendre qu’à sa manière, c’est ça aussi que leur mère leur a transmis. En filigranes, le film raconte aussi le parcours de ces villageoises déracinées, qui toute leur vie auront la nostalgie de leur terre.
En parallèle pourtant, le film raconte aussi l’improbable libération, à 50 ans passés, de la soeur aînée mariée de force alors qu’elle est encore adolescente. Ce sont ces zones grises que la cinéaste explore, comment on peut tout à la fois aimer son enfant, et accepter pour elle un destin de souffrance et de frustration. Ce faisant, c’est un travail de d’acception qui s’opère, qui mène à une possible réconciliation. Entre elles, les soeurs parlent de « ta » mère, plus que de « ma » mère. Et le film devient, à la grâce de moments suspendus, un outil de ré-appropriation. Quand Yuma devient enfin « ma » mère pour Samira et ses soeurs.