Les Géants
I feel good !

Que du bonheur ! Un film belge francophone qui soulève un enthousiasme unanime et presque sans nuances, c’est tellement rare qu’il convient d’inscrire absolument la date du 12 octobre 2011 dans les livres d’histoire. Quelque chose est-il en train de changer? Va-t-on connaître dans nos régions ce que les Flamands ont vécu il y a une dizaine d’années : une révolution culturelle, la prise de conscience par les communicateurs de la qualité de leur cinéma? Leur enthousiasme va-t-il attirer les spectateurs; inciter, par ricochet, les producteurs à (un peu) plus d’ouverture vers le  public; faire naître un cinéma à la fois unique (nous ne ressemblons à personne) et apprécié de tous,  excitant et populaire ? Rêvons un peu…

Rêvons que Les Géants, parfaite incarnation de cette osmose parfaite, vienne enfin changer la donne. Et que Bouli est le prophète que nous attendions.  Il a déjà la barbe fleurie, non?

 

Dans Moustique, Jérome Colin pointe d’ailleurs avec beaucoup de pertinence l’importance de l’enjeu:  » On parle beaucoup des Géants de Bouli Lanners. Et c’est tant mieux, car c’est un très beau film. Mais aussi parce qu’à l’instar des Barons de Nabil ben Yadir il y a deux ans, notre cinéma belge a besoin d’un vrai succès populaire. Car si tout le monde s’accorde à dire que le cinéma belge a d’immenses qualités, il faut avouer que le public continue de le bouder, préférant les blockbusters américains et les comédies qui tachent à la française. C’est une erreur. Car ce 7e art dont nous sommes si fiers ne pourra survivre que s’il rencontre bien plus massivement le public. »

 

L’accueil réservé aux Géants de Bouli Lanners dans les différents médias francophones est en tout cas on ne peut plus excitant. Il s’agira peut-être d’un phénomène marginal, d’une réaction sans lendemain, mais n’empêche… Impossible de ne pas y goûter avec délectation. Alors, plongeons dans les pages et sur les sites des journaux et magazines et réjouissons-nous pour Bouli, ses ados, son équipe… En espérant que le public suivra…

 

« L’adolescence, ce n’est pas toujours une partie de plaisir. Encore moins quand on vit dans le fin fond des Ardennes et que nos parents n’en ont que le nom. »  7 sur 7 débute son article consacré aux Géants de Bouli avec un pitch simple, direct, efficace et juste. Le film, tout entier, tire son sens et son énergie de cette observation.

 

 

Même enthousiasme dans Le Soir Fabienne Bradfer amorce la théorie du conte qui est au centre de nombreux articles cette semaine : « Après Ultranova et Eldorado, Bouli creuse de mieux en mieux son sillon de cinéaste et réussit un pas de géant dans l’approche de sa mise en scène. Dans son conte, il y a la forêt, des cabanes abandonnées, une rivière. On croise une brute épaisse, un fou, un substitut de mère. On se perd, on se cherche et on rêve à tous les possibles. Ce qui s’y passe est infiniment petit et infiniment grand. Comme la vie. »

Sur ce même sujet, 7 sur 7 précise que « Le conte de Bouli n’a rien d’un conte de fées. La réalité est dure comme une bise de novembre. Mais comme poussés par l’énergie du désespoir, les trois jeunes vont parfois trouver un moyen de sourire, voire même de s’esclaffer franchement, face à leurs problèmes. On pense ainsi à ce fou rire grandissant à l’écran et s’emparant des spectateurs quand ils se réveillent les cheveux teints en blond platine après avoir passé une soirée animée dans une belle villa sans autorisation. Le rire, l’absurde et leur impertinence sont la carapace qui les protège de ce que la vie leur sert de pire. »

 

 

De l’avis général, Les Géants est donc bien un conte.  Bouli n’en fait d’ailleurs pas mystère et s’en explique à Patrick Laurent dans la DH : “Ce n’est pas un film social, mais un conte, dans un univers magnifié, loin de la réalité. On ne voit pas de voiture : toute la logistique de la vie y est absente. Comme dans un conte : il y a trois enfants, perdus, dont on ne sait rien, si ce n’est que leurs parents ne sont pas là. C’est les trois petits cochons. Angel, c’est le loup. Bœuf, l’usurier. Sa femme, c’est la sorcière. Marthe Keller, c’est la fée. Et les déménageurs sont un peu comme les chasseurs dans Pierre et le loup. Ce sont les archétypes du conte. Sur une thématique qui aurait pu amener un film social. À savoir l’absence ou la démission parentale. Mais je voulais rester au niveau des adolescents.”

 

De l’émotion, un peu de frissons et beaucoup d’éclats de rire: la recette fonctionne. Portée, il est vrai ,par une photographie sublime qui a emporté la mise à Namur et un travail absolument formidable sur le son (nous y reviendrons avec une interview de Bouli la semaine prochaine). Sans oublier les jeunes acteurs qui ont décroché un prix collectif au FIFF namurois : « les trois ados qui interprètent les rôles principaux portent littéralement le film et sont d’un naturel désarmant », pointe Jérome Colin dans Moustique.

 

 

Tout aussi dithyrambique est l’accueil de Jean-François Pluygers dans Le Vif qui offre aux Géants sa cote maximale, quatre étoiles donc. Nous ne résistons pas au plaisir de citer in extenso son paragraphe de conclusion. Il dit tout, il l’écrit bien. Ça donne envie. « S’il suggère encore par endroits un Stand By Me sous le ciel de Wallonie, le film porte avant tout la marque de son auteur. S’agissant d’une œuvre aquatique qui plus est, on ne s’étonnera pas du caractère flottant d’une narration osant des lignes de fuite, ce en quoi elle rejoint les opus antérieurs de Bouli Lanners, encore qu’insensiblement, le propos semble s’y resserrer. À la parenté thématique s’en ajoute une autre, esthétique, où les plans apparaissent comme autant de compositions picturales ayant le don de sublimer l’environnement naturel, alors que la musique, hantée, de The Bony King of Nowhere achève d’inscrire Les Géants dans un horizon incertain. On s’y glisse avec bonheur à la suite de son attachant trio de gamins, pour un voyage riche en péripéties et guère moins en questions en suspens, et dont la seule certitude voudra que demain ne soit pas comme avant -perspective enivrante, jusqu’au vertige. »

 

Reste à cette aventure à se trouver un public. Quel public? Mais tous les publics sont susceptibles d’aimer Les Géants : depuis les quadras nostalgiques qui reviront leurs escapades d’ado (sur un ton moderne) jusqu’aux plus jeunes spectateurs qui ne se déplacent habituellement que pour voir des blockbusters.

 

Dans Moustique encore, Jérome Colin met d’ailleurs violemment le doigt… là où ça fait du bien : « … Les Géants a toutes les qualités d’un film d’auteur capable de séduire le grand public. C’est un film qui n’a rien à envier au cinéma américain ou aux grosses productions à la française. La photo est aussi belle (en fait, elle l’est bien plus), les personnages aussi travaillés, le rire et l’émotion aussi présents. Pour faire simple, Les Géants est un film dont on sort avec un merveilleux sentiment de bien-être. Un « feel good movie » comme ils disent là-bas. »

 

Vous n’avez pas envie d’être heureux, vous?

 

 

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