Lorsque nous avons rencontré Benoit Mariage durant le FIFF namurois, il nous a parlé de son nouveau projet qu’il comptait tourner en Côte d’Ivoire. Si le sujet du film est resté le même, le scénario a été réécrit et les acteurs principaux choisis. Akwaba (titre provisoire) sera illuminé par un certain Benoit Poelvoorde qui donnera la réplique au jeune Marc Zinga.
José est agent de joueurs de football. Sa spécialité : la Côte d’Ivoire qu’il connaît par cœur. Son talent : dénicher des diamants bruts qu’il ramène en Belgique. A Charleroi ou Tirlemont, comme à Beveren dans le temps, ces guerriers des rues sont préparés au football occidental. S’ils sont brillants, ils partent alors vers des championnats plus prestigieux: en France, en Italie, en Espagne ou en Angleterre. Surtout, José n’est pas un négrier. C’est un véritable amoureux de l’Afrique, mais personne ne peut lui faire prendre des vessies pour des lanternes. Quand un gars a le niveau international il le voit, si c’est un jongleur précieux et fragile, il lui conseille plutôt de postuler chez Bouglione. En Afrique, José a ses habitudes, son chauffeur, ses contacts et sa maîtresse. Là-bas, il se sent chez lui. Mais chez lui, c’est ici et s’ils sourient largement à ses euros, la plupart des Africains qui croisent sa route ne lui disent jamais autre chose.
Chose rare au cinéma : Akwaba évoque magnifiquement l’univers actuel du football. Mais ce n’est pas pour autant un film sur le football. Comme d’habitude chez Benoit Mariage, l’histoire parlera d’amitié et de filiation, de rapports paternels et un peu de paternalisme. De l’exploitation de l’homme par l’homme, mais aussi de ceux qui sont prêts à tout pour échapper à leur condition et aider leurs proches à vivre un peu mieux. Alors s’ils donnent l’impression de se laisser manipuler, il convient de n’être pas dupe.
Pour Benoit Mariage, après une absence de quelques années, il s’agit d’une suite logique et d’une rupture. Pour la première fois, il prendra la route avec de nouveaux producteurs : Boris Van Gils et Michaël Goldberg succèdent à Dominique Janne. Ce duo atypique au look quasi cinématographique a fait ses dents en Afrique sur Viva Riva! Avec le succès que l’on sait. Ce polar sanglant a marqué de son empreinte le cinéma africain. Viva Riva ! a notamment dominé les Africa Movie Academy Awards 2011 : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure photographie, meilleur décor, meilleur second rôle masculin (Hoji Fortuna) et meilleur second rôle féminin (Marlène Longage) : le film y a raflé la majorité des prix. Une reconnaissance concrétisée au 20th Annual MTV Movie Awards organisés au Gibson Amphitheatre à Universal City, California. Aux States, le réalisateur Djo Munga décroche le prix du Meilleur Film africain. Pas une surprise, car Viva Riva! signe l’arrivée du cinéma africain dans l’ère MTV : un cinéma flamboyant, totalement décomplexé, et, il faut bien l’admettre, violent.
Ensuite, Boris et Michaël ont opté pour une rupture de ton. Ils ont produit Le monde nous appartient, le deuxième long métrage de Stephan Streker après Michael Blanco. Le monde nous appartient est un drame puissant qui s’appuie sur un casting assez phénoménal: Vincent Rottiers (photo ci-dessous) qui illumine Avant l’Aube, L’hiver dernier et Qu’un seul tienne et les autres suivront où il se partageait déjà l’affiche avec Reda Kateb (découvert dans Un prophète) présent ici aussi.
Ymanol Perset, qu’on retrouvera bientôt dans le Colt .45 de Fabrice du Welz, complète cette distribution de talents bouillonnants, chapeautés par le seul et unique Olivier Gourmet. Soutenu par la musique d’Ozark Henry qui s’est impliqué corps et âme dans le film, Le monde nous appartient vous sera présenté par le menu dans le prochain Grand Écran de Cinevox qui sera dans les salles en avril.
Le tournage d’Akwaba prévu en 35mm se déroulera en Afrique et en Belgique avec même un détour en Italie du côté de Gènes. Ce sera une expérience inédite pour le jeune Marc Zinga qui incarnera donc Yaya, la nouvelle star que José déniche en Afrique. Dans la vraie vie, Marc ne court pas sur les gazons : il est le chanteur du groupe Peas Project. C’est aussi un comédien qui s’est révélé dans le téléfilm Mister Bob où il campait un saisissant Mobutu.
Benoit le connaît depuis belle lurette puisqu’il a fait ses études à l’IAD où le réalisateur enseigne. C’est sur le plateau du film de fin d’études de son étudiant Maxime Pistorio qu’il l’a découvert à l’œuvre pour la première fois. Un choc ! Depuis, ces trois-là sont restés en contact et Maxime accompagnera d’ailleurs l’équipe pour s’occuper du coaching des acteurs. Maxime est scénariste, réalisateur de courts métrages et saxophoniste au sein de… Peas Project. Tout est dans tout. Et inversement…
Au-delà de la réunion des deux Benoit, coachés par un duo de producteurs « qui en ont », Akwaba est donc un projet captivant qui devrait déboucher sur un film humaniste, drôle, grinçant aussi , dépaysant, cruel, réaliste et tragique. Oui, tout cela à la fois.
Alléchés, nous sommes.
Photos noir et blanc © P.P.