Neige sur la Belgique. Neige sur Bruxelles. La température est glaciale, mais la nuit est sèche et accueillante.
Les deuxième Magritte du Cinéma de l’histoire se déroulent le 4 février 2012 et ils seront forcément très particuliers.
Le long des marches sont massés des artistes, pomme à la main, qui se livre à un happening social : leur statut est mis en danger et ils tiennent à le signifier. Une manif silencieuse, digne et amusante.
Deux ans plus tard, les pommes seront d’ailleurs de retour. Mais c’est déjà une autre histoire.
Celle-ci débute à la fin de l’année 2011 avec quelques infos qui introduisent le premier tour de scrutin de cette deuxième édition des Magritte du Cinéma
Pour consolider leur ancrage belge, les Magritte inaugurent un nouveau trophée: celui du meilleur film flamand en coproduction.
« Notre envie a toujours été de collaborer avec l’autre communauté du pays, explique Frédéric Delcor, secrétaire général de la Fédération Wallonie-Bruxelles. « On note d’ailleurs un grand nombre de personnes éligibles qui appartiennent à la communauté flamande. Si le film dans lequel ils apparaissent est coproduit dans la région francophone, tous les acteurs, réalisateurs et techniciens sont éligibles dans leur catégorie. Il n’y a par ailleurs aucune distinction linguistique par rapport aux inscriptions des membres de l’Académie Delvaux. »
Autre nouveauté : la cérémonie sera placée sous la présidence d’une personnalité du cinéma français: le réalisateur Bertrand Tavernier.
IN NOMINE MAGRITTE
Début janvier, le premier rendez-vous important est la (désormais) traditionnelle conférence de presse où les responsables de l’Académie André Delvaux annoncent la liste des nominés. Excitation? Et pas qu’un peu, car le line-up est très relevé cette année encore.
Avec un incroyable total de douze nominations, Les Géants de Bouli Lanners se taille la part du lion. C’est quatre de plus qu’Illégal qui détenait le record l’année précédente. Quatre de plus aussi que Le Gamin au Vélo, précédé par Rundskop/Tête de Bœuf qui a emmagasiné neuf nominations. Faramineux pour un film produit en Flandre.
Comme attendu, La Fée de Fiona Gordon et Dominique Abel complète ce quatuor enchanté avec cinq glorieuses citations.
Les trois stars qui se sont illustrées au Festival de Cannes 2011, au coude à coude avec le phénomène du box-office flamand : la lutte sera féroce.
Pour le premier tour, un peu plus de 400 professionnels de l’audiovisuel belge ont voté. À ce stade, les favoris étaient tous présents, mais comme d’habitude dans ce genre de configuration, on note quelques apparitions moins prévisibles parmi les nominés des différentes catégories.
Dans la section généralement considérée comme la section phare, celle du meilleur film, Rundskop production majoritairement flamande ne pouvait être retenu: La Fée, Les Géants et Le Gamin au Vélo seront donc confrontés à un gros outsider, Beyond the Steppes.
Comme l’an dernier, on retrouve les auteurs de trois des films nominés dans la section « meilleure réalisation ». La seule différence est l’apparition de Sam Garbarski pour Quartier Lointain qui supplante Vanja d’Alcantara (Beyond the Steppes) dans le quatuor final.
Chez les actrices, la compétition promet d’être fantastique entre Cécile de France (Le Gamin au Vélo), Yolande Moreau (Où va la nuit), Lubna Azabal (Incendies) et une des plus belles révélations de l’année, Isabelle De Hertogh qui a illuminé Hasta La Vista.
Chez les acteurs aussi la lutte sera fascinante. En l’absence (surprenante) de Thomas Doret, cantonné à la division Meilleur Espoir, Benoit Poelvoorde (Les Émotifs Anonymes) se mesurera à Dominique Abel (La Fée), au tenant du titre Jonathan Zaccaï nommé cette fois pour Quartier Lointain et à la star flamande de l’année, Matthias Schoenaerts (Rundskop).
Mais ce qu’on retient surtout de ces préliminaires, c’est qu’on va assister à un grand match entre Liégeois: Bouli vs les frères Dardenne, Le gamin au vélo vs Les géants. Oufi !
C’EST QUOI, CES MACHINS?
Cette saison 2012 des prix et récompenses sera marquée par une autre nouveauté. Les tout jeunes Magritte héritent déjà de remuants petits cousins : la veille de la manifestation, Les Machins débarquent avec de la morve aux nez et un vilain petit rictus moqueur.
Les Machins? Ni un contrepied ni une raillerie féroce. Ni même une parodie.
Les Machins sont que chose comme un tour de chauffe non officiel, une before party qui pourrait virer à la party tout court, mais cela est une autre paire de manches. Rien à voir officiellement avec les Magritte. Mais tout le monde aux Magritte semble beaucoup s’amuser de cette compagnie.
Les petits prix du cinéma belge, sont attribués « dans la plus grande partialité par une académie absolument arbitraire ». Et distribués lors d’une soirée animée par Catherine Detry en fourrure léopard. Parmi les trophées (en forme de moules) : le « Machin Standards & Poors de la Crise », le « Machin de l’assistant de prod le plus endurant » et le très désiré « Love Machin ».
Patatras ! Le soir de la remise, le pays est paralysé par une tempête de neige digne du Grand Nord canadien. Ça n’empêchera pas la fête d’avoir lieu : certaines petites mines rencontrées le lendemain à Square en attestent à l’évidence.
LA CÉRÉMONIE
Malgré la neige, malgré le froid, malgré les pommes, la deuxième soirée des Magritte du Cinéma toujours placée sous la houlette d’Helena Noguerra, plus fofolle et amusante que jamais, commence avec la mise en valeur des meilleurs espoirs.
Thomas Doret pour le Gamin au vélo et Erika Sainte pour Elle ne pleure pas elle chante remportent logiquement leur premier Magritte. Ces deux-là sont deux de nos chouchous que nous ne cesserons jamais de suivre de très près.
Un premier titre pour Le gamin ! Mais pour les frères Dardenne, l’espoir initial de dominer la soirée va vite virer… au cauchemar.
Les Géants et Rundskop commencent à empiler les Magritte techniques, Michael Roskam est récompensé pour son scénario, Matthias Schoenaerts est élu meilleur acteur et Lubna Azabal à sa surprise ravie est couronnée pour le film québécois Incendies au nez et aux frisettes de Cécile de France.
Restent les Magritte du meilleur réalisateur et du meilleur film, souvent indissociables. Ils le seront cette année encore, récompensant Bouli Lanners et son film Les Géants.
Cinq trophées pour Les Géants, quatre pour Rundskop: les deux grands vainqueurs de la soirée sont évidents. Ce sont de magnifiques lauréats qui illuminent le Palmarès de la manifestation.
Le grand perdant est bien sûr Le gamin au vélo avec un seul prix.
Certains se sont offusqués de cette disparité qui, c’est vrai, sur le papier glacé d’un palmarès apparaît terriblement injuste et cruel. Mais ce genre de verdict est totalement inhérent au mécanisme même des votes.
Pas question d’un jury ici qui pourrait diplomatiquement décider de panacher les récompenses.
Chacun vote dans son coin en son âme et conscience, selon ses affinités électives. Seuls quelques initiés savent si les écarts de voix étaient minimes ou si le fossé était particulièrement important.
La cruauté de cette disparité est en partie compensée par le fait que le Gamin au Vélo fut récompensé à Cannes d’un prix du scénario et qu’il a par ailleurs largement dominé Les géants au box-office. Un domaine où Rundskop réalisait pour sa part, essentiellement en Flandre, un carton exceptionnel.
Le film de Michael Roskam accomplira aussi un parcours formidable en festivals. Sa réputation le mènera jusqu’aux Oscars où il sera nommé parmi les meilleurs films en langue étrangère, battu par le film iranien, Une Séparation, universel triomphateur cette année-là.
PALMARÈS 2012
Meilleur film : Les géants de Bouli Lanners
Meilleure réalisation : Bouli Lanners pour Les géants
Meilleur film flamand en coproduction : Artemis Productions (Patrick Quinet) pour Tête de boeuf – Rundskop de Michaël Roskam
Meilleur film étranger en coproduction Climax Films (Olivier Rausin) pour Les émotifs anonymes de Jean-Pierre Améris
Meilleur scénario original ou adaptation : Michaël Roskam pour Tête de boeuf – Rundskop
Meilleure actrice : Lubna Azabal dans Incendies
Meilleur acteur : Matthias Schoenaerts dans Tête de boeuf – Rundskop
Meilleure actrice dans un second rôle : Gwen Berrou dans Les géants
Meilleur acteur dans un second rôle : Jérémie Renier dans Potiche
Meilleur espoir féminin : Erika Sainte dans Elle ne pleure pas, elle chante
Meilleur espoir masculin : Thomas Doret dans Le gamin au vélo
Meilleure image : Jean-Paul Zaetijd pour Les géants
Meilleur son : Fred Meert, Hélène Lamy-Au-Rousseau et Emmanuel De Boissieu pour
La fée
Meilleurs décors : Véronique Sacrez pour Quartier lointain
Meilleurs costumes : Claire Dubien pour La fée
Meilleure musique originale : Bram Van Parys (The Bony King of Nowhere) pour Les géants
Meilleur montage : Alain Dessauvage pour Tête de boeuf – Rundskop (deuxième en partant de la gauche sur la photo du clan Rundskop – photo : Cinevox)
Meilleur court métrage : Dimanches de Valéry Rosier
Meilleur documentaire : LoveMEATender de Manu Coeman
Magritte d’honneur : Nathalie Baye
Prix du public : Virginie Efira
A l’occasion de la deuxième cérémonie des Magritte, les spectateurs belges ont également remis une récompense, le Prix du Public. Le vote s’est fait en partenariat avec Ciné Télé Revue. Chacun a pu choisir son acteur ou actrice préféré parmi les différents nominés via le site internet du magazine ou celui des Magritte, et élire le meilleur interprète belge toutes catégories confondues..