L’économie… du cinéma belge

La collection 11 questions +1, aux éditions de CEP, a pour ambition de fournir les éléments d’information, de connaissance et d’appréciation nécessaires à l’analyse des grands enjeux. Le dernier numéro paru concerne de près notre domaine de prédilection puisque Jacques Bredael y interviewe Philippe Reynaert pour du cinéma belge, et plus spécifiquement du cinéma wallon.

 

Le titre de l’ouvrage « Par ailleurs, le cinéma est une industrie » est tiré d’un essai paru pour la première fois en 1940 et intitulé Esquisse d’une psychologie du cinéma. La phrase est signée André Malraux qui sera, plus tard, Ministre de la Culture de la République française, un poste créé tout exprès pour lui par le Général de Gaule.

 

Cette citation correspond parfaitement au livre puisque Philippe Reynaert nous y dévoile tout ce qu’on ne lit pas habituellement dans les ouvrages qui traitent de cinéma : les enjeux financiers, les modes de financement, les mécanismes de Wallimage, le fonds dont il a inventé la structure et qui aide les producteurs wallons à monter leurs (co)productions depuis quinze années maintenant.
Autant dire, qu’on y apprend beaucoup de choses fort intéressantes, sans langue de bois, avec quelques succulentes anecdotes à la clef.

 

 

Les deux premiers chapitres (les deux premières questions) nous racontent le personnage Philippe Reynaert. Parce qu’on ne peut comprendre quelqu’un sans le connaître. Même ceux qui le côtoient depuis longtemps découvriront ici des étapes de son parcours qu’ils ignorent probablement. Ils saisiront aussi l’implacable logique qui sous-tend tout cet itinéraire et les différents changements de cap qui ont enrichi sa personnalité, les rencontres décisives, les opportunités relevées comme autant de défis qui l’ont amené, in fine, vers le poste qu’il occupe aujourd’hui avec une efficacité que personne ne penserait à mettre en doute.

 

Car les neuf chapitres suivants le prouvent évidemment, Philippe Reynaert maîtrise totalement son sujet et, en bon pédagogue qu’il est, parvient à le vulgariser avec une vraie maestria.

 

 

On apprend ainsi pourquoi et comment Wallimage a été créé, comment il s’est développé et ce qu’il recouvre effectivement. Une lecture indispensable pour tous ceux qui critiquent parfois les choix effectués lors des sessions de financement, mais qui ignorent en fait la véritable nature du fonds, ses objectifs et son mode de fonctionnement.
On découvre aussi les mécanismes de coproductions, spécialité belge s’il en est, et on comprend comment d’autres mécanismes ont été mis en place, complétant et amplifiant les effets bénéfiques du fonds wallon.

 

Philippe Reynaert et son homologue flamand Pierre Drouot au 10e anniversaire de Wallimage

 

 

Le livre explore notamment le principe du Tax Shelter, les dérives de sa première mouture qui auraient pu coûter cher à tout le cinéma belge et les progrès réalisés dans sa deuxième version pour le remettre essentiellement au service des producteurs. Croustillantes anecdotes à l’appui …

« Chez Wallimage, où on s’est fait une spécialité de la vérification des dépenses, on s’est très vite aperçu que des producteurs commençaient à « gonfler » leurs budgets. (…) En ce qui concerne Wallimage, la réplique est facile, mais pas indolore Si au bout des vérifications des factures et des fiches de salaires, et après avoir rejeté tout ce qui ne nous semblait pas juste, on s’aperçoit que le producteur n’atteint pas le pourcentage de retombées audiovisuelles wallonnes auquel il s’est engagé on proratise la dernière tranche de notre investissement !

La fraude la plus courante consiste à demander à un fournisseur d’émettre une facture que l’on va exhiber au Tax Shelter at aux fonds régionaux, suivie d’une note de crédit qu’on va « oublier » de signaler à qui que ce soit… Mais cela ne fonctionne pas toujours comme prévu : un jour on a reçu tout un classeur de dépenses à vérifier dans lequel des notes de crédit étaient restées agrafées aux factures !!! Depuis, on se méfie beaucoup des factures que l’on reçoit quand elles ont deux trous d’agrafe en haut à gauche… » (P. 56 et 57)

Surréalisme… à la belge !

 

 

 

Le petit miracle du livre qui pourrait être théorique, ennuyeux, réservé à une élite, est de se déguster comme un délicieux paquet de popcorns croustillants. Le ton est enlevé, plein d’humour, ce qui n’ôte rien à la précision du propos. Du coup, qu’on soit un professionnel du 7e Art, un étudiant en cinéma, ou un simple candide, curieux d’en savoir un peu plus sur l’envers du décor cinématographique, on passe ici deux heures très agréables et fort instructives.

 

Un livre qui ressemble à une balade passionnante dans les coulisses du cinéma belge…où personne ne nous avait invités jusque-là.

 

« Par ailleurs, le cinéma est une industrie », un entretien avec Philippe Reynaert mené par Jacques Breydael –  Les éditions du CEP, 14 euros

 

 

 

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