Samedi le palmarès de la 32e édition du Festival Tous courts d’Aix-en-Provence, festival de catégorie A, a été dominé par deux films : Être vivant d’Emmanuelle Gras et Le temps d’un sablier de notre compatriote Michaël de Nijs.
Ce dernier a remporté le prix du public, doté de 1000 euros et le très convoité prix France 3 Libre Court, concrétisé par l’achat et la diffusion télé du film par France 3 dans l’émission éponyme qui, le dimanche soir, célèbre le court métrage.
Michaël de Nijs a également reçu une mention spéciale pour le prix Cinémas du sud pour la mise en scène et le jeu des acteurs.
À l’annonce de son 3e prix, le jeune cinéaste ne contenant plus sa joie a dévalé les escaliers de la Cité du livre, en criant, bras levés en l’air en signe de victoire.
Article, photos et interview par Maryline Laurin, notre correspondante sur place
Un cimetière. Robrecht est venu pour fleurir sa mère, Sara pour pleurer son jeune fils. Lui est captivé par l’émotion sincère qu’elle dégage; elle est dérangée par sa présence. L’instant d’après, il lui propose spontanément d’aller voir la mer…
Au moment du tournage, les acteurs et réalisateurs de Le temps d’un sablier ne s’attendaient sans doute pas à voir aussi la Provence.
Et à y être aussi bien accueillis.
Ce bonheur belge a d’ailleurs été complété par une mention spéciale du jury pour la Traversée de Thibaut Wohlfahrt. Mais celui-ci était rentré à Bruxelles vendredi et n’a donc pas pu recevoir sa récompense en direct.
Le jury – Photo Maryline Laurin
Durant une semaine la cité du roi René fut très belge avec Genevieve Kinet du WBI au sein du jury, Céline Masset et Pascal Hollogne (responsables du Bruxelles short film, du Be Film Festival et du Festival du cinéma belge de Nîmes) au Marché du film et SIX films belges en compétition internationale. On y a vu Elena de Marie le Floch et Gabriel Pinto, La part de l’ombre d’Olivier Smolders, le multi primé Solo Rex de François Bierry accompagné par son producteur Anthony Rey (Helicotronc), Avec Lou d’Isabelle Schapira, présente avec son producteur Lucas Tothe (Punchline Cinema). La réalisatrice avait fait la surprise de venir avec une de ses comédiennes, bien connue du public, Zoé Heran, fabuleuse actrice de Tomboy de Céline Sciamma.
Plus, naturellement, les deux lauréats déjà cités.
L’équipe de “Avec Lou” d’Isabelle Schapira, accompagnée de son coproducteur français, Lucas Tothe de Punchline Cinema, et de Zoé Heran. – Photo Maryline Laurin
Pour ponctuer la fête, Maryline Laurin a réalisé une interview à chaud de Michaël de Nijs, un réalisateur comblé et excité pendant le buffet de clôture où le traiteur avait eu la riche idée de servir des cornets de frites!
Le Sud de la France semble de plus en plus prendre la belge attitude !
Michael, premier coup, coup de maître ? Pour votre première participation à un festival, vous revenez avec deux prix et une mention ! Ça commence fort, non ?
J’ai beaucoup de chance, car c’est effectivement le premier vrai festival auquel je peux personnellement assister. J’avais déjà été sélectionné au Court en dit long à Paris en juin, mais je n’avais pas pu m’y rendre.
Là, c’est très agréable parce que j’ai passé une semaine incroyable. J’ai fait des rencontres incroyables et je m’apprêtais gentiment à rentrer chez moi demain avec un grand sourire. Puis, tout d’un coup, voilà que France 3 m’attribue le prix » Libre court » qui donne accès à la diffusion sur la chaîne. Et ensuite je récolte le prix du public, ce qui est quand même un grand coup de pouce, en tout cas pour moi. C’est un des prix les plus sympathiques qui me donne envie de continuer à écrire et de concrétiser d’autres projets, de réaliser d’autres courts et peut être, plus tard, un long. Qui sait…
Récemment, vous avez été deuxième assistant sur le film La French, ce n’est pas tout à fait le même budget et le même type d’équipe que pour votre court ?
De manière générale, je suis assistant-réalisateur. On va dire que c’est ma vraie vie, mon vrai métier. La French cela a représenté 6 semaines de tournage à Marseille et 7 en Belgique. J’étais deuxième assistant pour la partie belge, c est à dire que je préparais toute l’arrivée des Français en Belgique. Sur place, j’assurais le plateau. J’y ai pris beaucoup de plaisir, c’était un super film à faire.
Grâce au tax-shelter nous avons l’occasion de pas mal travailler et de le faire sur des films plutôt sympathiques.
Et puis là, avec le temps d’un sablier, c’était un coup d’essai. C’est une autre casquette que j’ai aujourd’hui : réalisateur. C’est rigolo, elle est un peu trop grande encore pour moi et je ne la connais pas très bien, mais ça me fait très plaisir.
Vous avez des projets ?
Disons que je suis en cours d’écriture d’un autre court métrage. Après, on verra bien, il faut beaucoup se battre pour y arriver.
Avant Le temps d’un sablier, j’avais écrit un premier court qui a été refusé en commission.
Alors, pour celui-ci, j’avais tellement envie de réaliser un truc que je m’y suis pris différemment. J’ai fait les choses un peu à l’envers. J’ai tourné ce film avec une bande d’amis du cinéma, car j’ai cet avantage-là d’avoir une chouette famille de cinéma, composée au cours des tournages auxquels j’ai participé.
Ainsi, nous avons tourné ce film en 4 jours, sans budget. Dans un deuxième temps, j’ai proposé ce court à Patrick Quinet (Artemis) qui a été génial. Il m’a ouvert la porte de sa maison de production alors qu’il ne fait plus beaucoup de courts métrages (NDLR. Mais que des bons…).
Ensemble, nous avons déposé le dossier pour l’aide à la finition auprès de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de Voo. Nous l’avons obtenue ce qui est formidable, car ainsi nous avons eu l’argent pour finir le film dans des conditions professionnelles. Et ça, c’était magique !
Les lauréats – Photo Maryline Laurin
Vous avez choisi une actrice wallonne et un acteur flamand. Vous vouliez délivrer un message ?
C’était une envie de confronter deux mondes différents, d’essayer d’avoir deux acteurs qui au départ paraissent différents dans leur culture, dans leur petit microcosme. Je crois encore, naïvement ou pas, à la Belgique unie et à la rencontre que peuvent générer deux personnages comme ça qui ont deux langues différentes, mais qui passent une journée formidable ensemble et qui ont des choses à s’apporter l’un à l’autre.
Ce que je voulais marquer c’était que cette différence est un vrai bagage et une richesse. C’est-à-dire que je crois sincèrement que la différence de langue est, en tout cas pour le film, un atout.
Le film a été tourné en Flandre occidentale, à Wingene (entre Gand et Bruges), à Damme et à la mer du nord à Duinbergen .
Vous avez travaillé comme chef de file, responsable de la figuration sur pas mal de films. Comment avez-vous fait le casting de votre propre film ? Est-ce que vous avez écrit pour les acteurs ?
Non je n’ai pas du tout écrit le scénario pour quelqu’un de précis.
Une fois qu’il a été terminé, j’ai cherché.
Erika Sainte s’est très vite imposée à moi. Je la connaissais à travers pas mal de courts métrages, de films et du théâtre où je l’avais vue. Je la trouvais incroyable parce qu’elle arrivait tous les soirs à pleurer sur scène, ce que je pense être un exercice assez compliqué. J’avais besoin pour ma scène d’ouverture de cette émotion et toutes les comédiennes ne peuvent pas procurer cette intensité.
Au-delà de son talent, c’est une personne que je trouve super généreuse et très juste dans le non verbal. J’ai croisé les doigts pour qu’elle dise oui. Nous nous sommes rencontrés, nous avons parlé deux heures et elle était séduite par le scénario. Voilà, ça c’était un point sur deux. Je me suis dit : « Yes, j’ai trouvé ma comédienne ! ».
(NDLR. Après ce formidable plaidoyer, vous comprendrez que Michael est désormais notre ami pour la vie 😉 )
Repérer l’acteur flamand était plus compliqué. Je voulais surtout éviter de choisir un comédien qui tourne tout le temps.
J’avais vu Hasta la vista de Geoffrey Einthoven et j’ai adoré ce film. J’ai d’abord pensé à Robrecht Vanden Thoren pour le rôle, mais il n’était pas disponible. J’ai quand même donné son prénom à mon personnage. L’autre acteur n’était pas dispo non plus.
Il restait le troisième Tom Audenaert. Au début, ce choix me paraissait pas évident. Puis, en réfléchissant un petit peu, je me suis dit « mais en fait c’est complètement con, car il a un physique assez particulier et il est beaucoup plus intéressant que les deux autres. »
À ce moment-là, j’ai eu une espèce de révélation. Comme il était intéressé par le scénario que je lui avais envoyé, j’ai déplacé le tournage d’une semaine pour qu’il puisse le faire.
Je n’ai que des raisons de me réjouir de ma décision.
Tom est venu se greffer au milieu de notre bande d’amis du cinéma, nous qui étions presque tous francophones et il a été génial, il était aussi très généreux.
Erika et Tom ne se connaissaient pas précédemment (NDLR. Heureux hasard, Ils sont aujourd’hui, ensemble, à l’affiche de Brabançonne). Ils ont été formidables. Ils se sont rencontrés deux heures avant de tourner et au moment de se lancer ils étaient déjà les personnages.
Je suis conscient que j’ai eu beaucoup de chance et je les remercie.