« Le Jeu », ou l’art du thriller amical

Stéphane de Groodt excelle dans Le Jeu, comédie chorale de Fred Cavayé pile dans l’air du temps, petit règlement de comptes entre amis autour de l’objet du délit par excellence: le smartphone. Et si nous menions tous une double vie digitale?

Le temps d’un diner, des couples d’amis décident de jouer à un « jeu » : chacun doit poser son téléphone portable au milieu de la table et chaque SMS, appel téléphonique, mail, message Facebook, etc. devra être partagé avec les autres. Il ne faudra pas attendre bien longtemps pour que ce « jeu » se transforme en cauchemar.

Les premières notes de musique donnent le ton: on s’attend à une comédie chorale, mais celle-ci pourrait bien s’avérer grinçante, et plus encore inquiétante. Car que peut-il y avoir de bon à dévoiler son intimité au grand jour? Le portable, véritable extension de soi, décèle tous nos secrets, des plus triviaux aux plus profonds. A ce petit jeu, amour et amitié pourraient bien être les grands perdants.

C’est qui ce collègue qui t’envoie des SMS à 11h du soir? C’est qui cette fille qui te fait coucou sur Facebook? C’est quoi cette photo?!

Fort de ce postulat de départ d’une limpide simplicité, Fred Cavayé déroule le dispositif classique de la comédie de boulevard à la française, ambiance Le Prénom. Le film est d’ailleurs une adaptation d’un carton italien du box office (Perfetti Sconosciutti de Paolo Genovese), qui a également été adapté en Espagne par Alex de la Iglesia, qui s’y connaît en comédies sanglantes. Ajoutez à cela un casting 5 étoiles d’acteurs au talent sûr venus d’horizons cinématographiques différents, tous impeccables (Bérénice Béjo, Suzanne Clément, Grégory Gadebois, Roschdy Zem, Vincent Elbaz et Dora Tillier), et vous avez la recette d’un succès.

Et en tête de ce casting, on retrouve le comédien belge Stéphane de Groodt, hôte de la soirée, qui derrière un scepticisme qui pourrait presque passer pour du cynisme, cache une sensibilité qui va peu à peu faire surface. S’il débute le film dans un registre qu’on lui connaît, le comédien dévoile au fil du film une palette inattendue, qui laisse espérer de futurs beaux rôles dans toutes sortes de registres.

D’autant que le réalisateur ne se contente pas d’exploiter le filon, à travers son petit jeu de massacre grandeur nature, il en profite pour poser quelques questions fondamentales: comment vieillit l’amour, si tant est qu’il puisse vieillir? Nos amis sont-ils nos meilleurs ennemis? Jusqu’où pousser l’exigence de transparence en amour et en amitié? Ce qui débute comme une farce se termine comme une réflexion assez fine et émouvante sur l’amour et l’amitié. 

Comédie hyper efficace, servie par des dialogues ciselés et un sujet dans l’air du temps, le film a tous les ingrédients pour rencontrer le succès, à l’image des versions italienne ou espagnole.

Présenté en avant-première ce mercredi au Festival International du Film Francophone de Namur, Le Jeu sort le 17 octobre prochain dans les salles belges.

Check Also

Une-part-manquante

« Une part manquante », Tokyo blues

Guillaume Senez présente en avant-première belge au Festival de Namur Une part manquante, son nouveau …