Le programme de courts métrages La Belge Collection a pour objectif de mettre en valeur comédiens et comédiennes belges, à travers le regard d’une poignée de cinéastes qui misent tout sur leur talent et leur créativité. Au générique de Mieux que les rois et les gloire, réalisé par Guillaume Senez, on retrouve Lazare Gousseau (héros de Baden Baden de Rachel Lang aux côtés de Salomé Richard) et Maialen Arrano.
Un père, en train de renouer avec son fils, est victime d’un incident qui vient soudainement bousculer sa fragile reconstruction.
Guillaume Senez explore dans Mieux que les rois et la gloire une nouvelle facette de la paternité, après les questionnements déjà soulevés dans Keeper et Nos batailles. En écho au poème Si de Rudyard Kipling (connu également sous le titre de l’un de ses autres vers, « Tu seras un homme, mon fils ») , auquel le titre emprunte un vers, le film parle de transmission, et accompagne un homme qui cherche sa place de père, après une séparation.
6 questions à Lazare Gousseau et Maialen Arrano
Pouvez-vous nous parler de votre personnage en quelques mots?
Lazare Gousseau: Witold, un homme qui veut remonter la pente et qu’une humiliation vient frapper sur ce chemin.
Maialen Arrano: J’interprète le rôle de Rose, la trentaine, l’ex compagne de Witold avec qui elle a eu un petit garçon prénommé Ben. Elle sort d’une douloureuse mais nécessaire séparation avec Witold avec qui elle se voyait vivre. Elle doit subvenir aux besoins de la maison achetée récemment quand elle était encore en couple. Elle a un emploi précaire, elle est à son compte, doit trouver des client.es… Elle est courageuse et tient bon. Elle adore son fils et craque littéralement pour lui. Elle souhaite vraiment qu’il puisse vivre avec ses deux parents même séparés mais elle peine à faire à nouveau confiance à Witold.
Quel a été le plus grand défi que vous avez dû affronter pour l’incarner?
Lazare Gousseau: Ça, c’est secret. Mais regardez dans le film.
Maialen Arrano: Que le manque de confiance envers son ex compagnon ne me fasse pas tomber dans un excès de dureté envers le personnage de Witold. Que cela ne soit pas la seule couleur existante. Elle l’a quand même aimé et la tendresse demeure malgré tout d’autant que son but est le bien-être de son fils et d’aller de l’avant. C’est un conflit intérieur qu’elle vit entre sa grande déception en tant que compagne et son rôle de maman célibataire qu’elle ne pensait pas devoir tenir un jour.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette expérience?
Lazare Gousseau: Les défis que j’ai affrontés pour incarner Witold, la délicatesse de Guillaume et la bonne ambiance dans l’équipe.
Maialen Arrano: Je dirais la façon de travailler de Guillaume Senez. Nous recevons en amont le scénario du film mais sans le détail des dialogues. Nous n’avons donc pas de texte à apprendre. Au moment du tournage, il nous rappelle la situation de la scène en nous donnant quelques indications et c’est à nous d’improviser pendant que la caméra filme. Il nous accompagne jusqu’à trouver ensemble le chemin vers la partition finale. Nous contribuons en quelques sortes à l’écriture en direct de ce que traversent nos personnages.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, d’où vous venez, votre parcours?
Lazare Gousseau: J’ai grandi au bord de la mer et je l’ai quittée pour faire des études de philosophie, et ensuite le Conservatoire de Liège.
Maialen Arrano: Originaire du Pays Basque, j’y découvre le théâtre et continue ma formation à Paris. J’intègre l’équipe du TAC et participe à l’écriture plateau des spectacles dans lesquels je joue de 2013 à 2016. Au cinéma, je me forme à la technique Meisner et participe à plusieurs courts métrages.
Arrivée à Bruxelles, je me plonge dans l’univers des cinéastes belges grâce à des stages de rencontres cinématographiques. Lors d’une résidence artistique au Théâtre Poème, je fais la connaissance de la musicienne et compositrice Pauline Oreins et collabore sur un de ses textes qui apparaitra sur son prochain album. Je me produis avec mes textes sur différentes scènes alternatives dont Le Tipi accompagnée entre autres du musicien Raphaël Venin. Actuellement, je démarre un projet d’écriture. Je me questionne sur les origines, la définition de la sensualité et le rapport qui existe entre désir et violence.
D’où vient votre vocation de comédien·ne, quand (et comment) s’est fait le déclic?
Lazare Gousseau: Je ne crois pas vraiment à la vocation, au moment originel, etc.,donc je ne sais pas. Je sais juste que j’ai commencé le théâtre à 15 ans pour être près d’une fille qui en faisait et dont j’étais amoureux. Donc, là comme dans toute chose, ça vient de l’amour (rires).
Maialen Arrano: Je me rappelle d’un court métrage qu’on avait tourné dans mon école quand j’étais en primaire. J’y interprétais une cambrioleuse. J’avais adoré. Il y avait l’atelier théâtre au collège et faire partie d’associations culturelles était de coutume au village. Je baignais dedans depuis toute petite et puis un jour, alors que je répétais avec une troupe de théâtre amateur, j’ai eu envie de pousser plus loin la création, la recherche du personnage et c’est là que je me suis dis que je voulais que cela fasse entièrement partie de ma vie.
Que représente pour vous cette opportunité offerte par « La Belge Collection »?
Lazare Gousseau: Vous voulez dire pour la suite ? Ça je ne peux pas le savoir. Pour moi, il s’est surtout agi de travailler avec Guillaume, de me mettre au service de son regard, de voir si j’en étais capable.
Maialen Arrano: L’opportunité de m’intégrer dans une dynamique collective et cinématographique belge. La chance de travailler avec le réalisateur Guillaume Senez dont je suis le travail découvert avec son film Keeper. L’espoir d’une visibilité auprès de la profession au niveau de la Belgique et de l’étranger.
4 questions à Guillaume Senez
Quelques mots sur les personnages?
J’ai d’abord écrit l’histoire avant de travailler les personnages. J’avais envie de parler de la virilité, de l’héritage de l’éducation patriarcale, de ce que c’est qu’être faillible pour un homme. J’avais déjà commencé à écrire ce scénario il y a quelques années, et l’opportunité s’est transformée. Il fallait un homme qui puisse se montrer assez fragile, maladroit, et en même temps faire preuve d’une vraie tendresse, que l’on puisse faire preuve d’empathie. Et Lazare s’est vite imposé par rapport à ces caractéristiques.
Comment s’est passé le casting?
J’avais donné 2 ou 3 ateliers avec Catherine Salée, j’avais quelques comédien·nes en tête, mais je n’écris jamais pour des comédien·nes en particulier. Ca vient tout le temps à la fin du scénario. J’avais déjà pensé à Lazare, mais j’aime bien confronter mes idées avec d’autres regards. J’ai fait appel au directeur de casting Sebastien Moradiellos, j’avais déjà travaillé avec lui, il connaît bien mon univers, mes goûts en terme de jeu. Il m’a proposé quelques personnes, j’en ai proposé d’autres. On a dû voir une dizaine de comédiens et de comédiennes. On a tout de suite trouvé le couple qu’on cherchait. Un ancien couple plutôt, auquel on pouvait croire. Lazare a vite confirmé mon intuition. Il fallait non seulement former un couple, mais aussi une famille. Ca a très bien fonctionné avec Maialen, que j’ai vue deux fois en casting, et puis il a fallu trouver l’enfant, et la filiation, ce qui n’est pas forcément évident. Un enfant de 7/9 ans, qui sache jouer, à l’aise devant la caméra, et avec une ressemblance physique! Sébastien m’a présenté Lohen, que j’ai trouvé formidable. Ma petite famille était au complet…
Qu’est-qui vous a le plus surpris ou impressionné dans leurs performances?
Tou·tes les comédien·nes sont différent·es, chacun·e a ses méthodes, sa façon de travailler, sa petite « popote interne ». Il faut surtout apprendre à se connaître, et travailler ensemble. Lazare est très professionnel, ça m’a vraiment impressionné, et il est très malléable. Quant à Maialen, elle a un potentiel énorme, il a suffit de la mettre en confiance pour qu’elle le dévoile. Elle monte en puissance au fil des prises.
Ce qui m’a vraiment étonné, c’est que très vite, on c’est rendu compte que la famille fonctionnait, qu’il y avait une évidence dans la façon dont ils l’incarnaient.
Que représente pour vous l’opportunité offerte par La Belge Collection, pourquoi l’avoir acceptée?
J’ai été très séduit par cette idée dès le départ. C’est évidemment un plaisir de retrouver une certaine liberté créatrice en tournant un court métrage, on a moins d’enjeux financiers, ça rend les choses très jouissives. Et j’aime cette idée de faire émerger des comédien·nes moins connu·es du grand public. Ce pays regorge de talents, c’est une belle et noble idée de les valoriser. Dans mes longs métrages, qui ne sont malheureusement pas soutenus par les régions en Belgique, j’ai dû faire face à des contraintes de coproductions, je n’ai pas pu faire appel autant que je le voudrais à des comédien·nes belges. Il y a une quasi obligation de tourner à l’étranger, et de tourner avec des comédien·nes souvent français·es. C’était donc une belle manière de conjurer le sort, et de sortir de cette frustration en participant à cette belle aventure pour mettre en avant nos talents.