Avec La Ruche, Christophe Hermans livre un premier long métrage de fiction sensible et entêtant sur trois soeurs qui portent sur leurs épaules frêles mais déterminées de poids de la maladie mentale de leur mère et ses défaillances.
Alice vit avec ses trois filles dans un petit cocon, un véritable gynécée dont les hommes se seraient absentés pour toujours, un espace intime et de confiance, où les secrets sont bien gardés. Trop bien gardés peut-être.
Car Alice est bipolaire, et ses défaillances de plus en plus nombreuses pèsent lourd sur les épaules de ses filles, à commencer par celles de Marion, l’aînée, qui se retrouve malgré elle en charge du care pour toute la famille. Elle vit un constant conflit de loyauté, partagée entre la fidélité sans faille qu’elle voue à sa mère, et une sororité contrariée pour ses soeurs qu’elle voudrait épargner.
Si Claire, celle du milieu, incarne la rébellion, et Louise la cadette, l’insouciance et la fusion, Marion est le sacrifice. Un sacrifice qui semble inévitable, et la hante jusque dans ses envies d’ailleurs, en l’occurence le Brésil où elle rêve et même projette d’aller, un départ que sa mère ira jusque’à pirater, se l’appropriant, et réduisant à néant ses espoirs d’indépendance.
Ce huis clos intensément féminin met en scène une femme empêchée par la maladie d’être elle-même, d’être entière, et qui par ricochet empêche ses enfants. La ruche, l’appartement aux rideaux clos figure le secret, le pacte de silence passé entre les abeilles et leur reine, qui retient leur émancipation.
Quand les parents ne sont plus en capacité de poser les limites, comment prendre sa liberté? Le rapport parent/enfants est inversé, et ces derniers se construisent sur les ruines de la présence défaillante de leurs parents. Un édifice instable, que seul l’amour tient encore en un morceau.
Dans cet univers feutré, servi par une mise en image délicate et feutrée, les tensions montent, et les rêves explosent pour Marion. La présence d’Alice est une menace pour ses filles, quand son absence est une douleur. Le cinéaste a choisi de concentrer le récit dans cet appartement, où l’atmosphère témoignant au départ d’une réelle complicité se fait de plus en plus étouffante.
Il a travaillé pour cela à mettre en scène une famille plus vraie que nature, incarnée avec une véracité et une sincérité folles par quatre comédiennes sans fards, qui touchent ici à une certaine vérité.
Ludivine Sagnier ose le rôle de cette femme abîmée par la maladie, entre crises maniaques et moments de sincérité pure. Sophie Breyer, héroïne qui porte sa famille comme son récit, laisse entrevoir derrière une carapace à toutes épreuves les rêves d’insouciance qui l’habitent. Mara Taquin, volontaire et décidée, incarne la rébellion, celle qui sort, prend son envol quitte à se brûler les ailes, tandis que Bonnie Duvauchelle est l’ado encore aux portes de l’enfance, qui se retrouve pour quelques temps encore dans la fusion et l’amour inconditionnel.
La Ruche sort ce 1er juin prochain en Belgique.