Avec son premier long métrage, Krump, Cédric Bourgeois livre une comédie noir foncé, sur la déchéance d’un ex-acteur porno transformé malgré lui en petit malfrat pas franchement compétent pour sauver sa fille.
Frank a connu des jours meilleurs. Dans sa jeunesse, c’était une star. Une star de niche certes, mais une star quand même. Frank était alors plus connu sous le nom de Ronald Krump, acteur de films de genre, plutôt dénudé, le genre. Alors qu’il est au sommet de sa gloire, un malheureux accident de travail vient le priver de son outil de production. Il se retrouve alors sur la touche, et la chute, en plus d’être dure, est franchement rapide. De mauvaises rencontres en plans foireux, il se retrouve criblé de dettes, jusqu’à celle de trop, qui provoque le kidnapping de sa fille. Frank n’a plus le choix, il va devoir réunir la somme nécessaire pour payer la rançon.
Seulement voilà, c’est pas parce qu’on a été acteur (même porno) qu’on sait jouer les gangsters. Malgré sa carrure, Frank n’a pas franchement les épaules pour cette vie de petit malfrat. Et ce n’est pas son association avec Bobby Boobs, son ancien partenaire de jeu qui va arranger les choses.
Les deux hommes s’embarquent dans un combat presque perdu d’avance, qui les entraine dans le monde poisseux d’une petite pègre pas si friquée, qui infuse le monde de la nuit, mais une nuit un peu glauque, qui ne fait plus vraiment la fête.
Sous la couche d’humour noir, gentiment gore, on ressent au passage une certaine mélancolie, notamment dans le tendre portrait de la relation qui unit Frank, père gauche mais aimant, à sa fille qu’il voit peu. Une mélancolie un peu désespérée même, face à la situation inextricable dans laquelle s’enlise Frank, situation provoquée par des malfrats, mais nourrie surement par une certaine misère sociale. Cette énergie un peu bancale dont fait preuve Frank, c’est surement celle du désespoir. La franche comédie laisse peu à peu place à un regard aussi désabusé qu’amusé sur la situation.
Cette mélancolie est savamment portée par le comédien et cinéaste Jean-Benoît Ugeux, qui incarne Frank, et qui a co-écrit le film avec Cédric Bourgeois. L’occasion pour celui qui enchaîne les petits rôles marquants (dans Poissonsexe, Rien à foutre, SpaceBoy, I Feel Good, Le Fidèle) de jouer les têtes d’affiche, et composer un personnage touchant par son inadaptation totale à cette vie de combats perdus d’avance.
Face à lui, on retrouve une pléiade de comédien·nes belges qui s’essaient avec une jubilation communicative à cet univers éclectique qui mélange les tons et les genres. Jean-Jacques Rausin joue Bobby Boobs, l’ex-collègue de travail gentiment à la ramasse; Ingrid Heiderscheidt joue la mère de Sophie, ex-star du porno elle aussi reconvertie dans les bars de nuit, bien décidée à prendre les choses en main quand elle constate l’inefficacité de son ex-conjoint; autre guerrière, Babetida Sadjo incarne elle aussi une ancienne collègue retombée sur ses pattes, pour qui la vengeance est un plat qui se mange froid, voire congelé; la jeune Elise Havelange, révélée par le court métrage Les Dauphines, apporte une petite touche d’espoir dans le rôle de Sophie. À leurs côtés, Philippe Grand’Henry, Jo Deseure, Alain Eloy, Mathilde Rault, Guillaume Duhesme…
Le plaisir de retrouver toustes ces comédien·nes s’explique en partie car le film fait partie des projets aidés dans le cadre des productions légères, soutenues par le Centre du Cinéma, dont son sortis des films comme Une vie démente, Aya, Losers Revolution ou Fils de Plouc. Des films à petit budget, mais grande liberté artistique, ce qui se confirme encore une fois avec Krump, comédie désespérée.