Jérémie Renier, flic à la dérive… au sommet de son art.

Leo Woeste est inspecteur de la brigade criminelle. Il habite avec Katleen et Jack, leur fils de 5 ans. Jour après jour, son boulot force Léo à explorer les bas-fonds de la ville. Sa famille lui permet de garder les pieds sur terre, mais cet équilibre devient encore un peu plus précaire le jour où Katleen tombe accidentellement enceinte. Alors qu’il doit enquêter sur l’étrange meurtre rituel d’un jeune Congolais avec un nouveau collègue bon vivant, Johnny Rimbaud, Léo a une aventure avec la sœur de la victime… Tout semble désormais éloigner le flic de ses responsabilités de père. Peu à peu, il s’enfonce dans le waste land.

 

Le Waste Land, c’est cet interstice obscur qui s’étend entre la vie et la nuit, la twilight zone où l’homme peut sombrer en oubliant tous ses choix de vie antérieurs, en sacrifiant tout ce qu’il aime. Le Waste Land c’est également une vision nocturne quasi apocalyptique de Bruxelles, partagée entre petits coups tordus et manifestations presque surnaturelles qu’ignorent la plupart des habitants. Dormez bonnes gens, la police veille… Ou pas.

 

 

Waste Land est aussi le nouveau long métrage du très passionnant Pieter Van Hees (à gauche sur la photo), un film qui aurait pu/dû ne jamais exister, un projet qui revient de loin, presque d’entre les morts, grâce à l’acharnement de ses producteurs qui l’ont soutenu avec une hargne peu commune.
Chacun en parle assez librement aujourd’hui, ce n’est donc plus un secret : au départ, c’est Matthias Schoenaerts qui devait incarner Leo. Le tournage était prévu à la rentrée 2012. Mais voilà, la star flamande, complice de Peter Van Hees sur Linkeroever, renonça provisoirement puis définitivement à son engagement… à deux semaines du premier coup de manivelle. De graves problèmes familiaux l’empêchaient de se lancer dans cette aventure éprouvante.

 

 

Une équipe technique et des acteurs en stand-by (notamment Bouli Lanners qui avait un rôle important dans cette version), un projet développé et financé soudain en péril, c’était un coup très dur pour la jeune société Epidemic.
D’autres options furent alors recherchées. Un acteur flamand de premier plan? Un inconnu talentueux ? Ou… Jérémie Renier.
L’idée semble incongrue a priori, car le Bruxellois n’est pas une star en Flandre et ne garantit donc pas un ramdam médiatique sur son seul nom. Autre inconvénient: selon les standards flamands, et même si son cachet n’a rien à voir avec celui qu’il toucha sur des tournages récents, Jérémie Renier reste cher par rapport aux comédiens flamands. Or, le budget du film déjà étriqué avait été reconsidéré à la baisse passant sous la barre des deux millions.

 

 

« C’est un petit budget », admet la jeune et sympathique productrice Eurydice Gysel. « Il est encore inférieur aux productions flamandes classiques. Vu l’ambition esthétique de ce polar, c’est peu, mais nous n’avions pas le choix. A ce stade, j’attends encore un financement important qui nous permettrait de voir les choses plus sereinement. Cela dit, nous ne voulions pas sacrifier la qualité aux contraintes et nous avons opté pour Jérémie, car le rôle de Léo est tellement complexe qu’il nous fallait un comédien exceptionnel sur qui nous pouvions compter les yeux fermés. »

 

Et le moins qu’on puisse dire est que Jérémie n’a pas déçu ceux qui lui ont fait confiance.

 

« Il est incroyable », s’enflamme la productrice. « Non seulement il est toujours juste, de la première à la dernière prise, très impliqué dans son rôle et dans le film, mais il est aussi adorable, au service du projet. Les autres acteurs le découvraient, mais l’alchimie a immédiatement fonctionné. En termes de qualité de jeu et de charisme, il est évident que nous n’avons absolument pas perdu au change. Le film sera sans doute différent de ce qu’il aurait été avec Matthias mais aujourd’hui je pense vraiment qu’il sera… mieux. »

 

 

De fait, sur le tournage, on retrouve un Jérémie extraordinairement décontracté. Concentré, mais courtois et blagueur dès la fin de la scène et disponible pour tous. Sur un plateau, on voit (très très) rarement un acteur venir vers les journalistes et demander à la cantonade : « qui veut une interview? ».
Incontestablement, on le sent heureux de se frotter à ce personnage complexe et de découvrir un nouvel univers: après une plongée en apnée dans le cinéma argentin, voici le cinéma… flamand.

 

« C’est incroyable », confirme-t-il, « mais je ne connaissais pas la plupart des acteurs avec qui je joue aujourd’hui. Et pourtant, on tourne tous en Belgique. On habite parfois à quelques kilomètres l’un de l’autre. Cette séparation est totalement artificielle et Waste Land le montrera: c’est un film bilingue, un vrai film belge en phase avec la réalité sociale bruxelloise. J’adore cette ambiance conviviale et je pourrais y replonger très vite. »

Car, oui, un producteur flamand vient tout juste de lui proposer un autre projet qui traite directement de l’identité belge. L’idée de ce film lui plaît beaucoup et il n’est pas du tout impossible du tout qu’il le tourne.

D’ici là, Jérémie Renier sera Pierre Berger dans le biopic d’Yves Saint-Laurent écrit et dirigé par Bertrand Bonello et terminera l’écriture du long métrage qu’il va bientôt réaliser en France avec son frère Yannick. « On est enfin arrivé à une version qui nous plaît », sourit-il. « Un premier aboutissement après cinq ans de travail ».

 

Là-dessus, Jérémy qui s’est considérablement musclé sans rien perdre de son charisme retourne sur le plateau.

 

 

Aujourd’hui, la scène complexe est filmée par deux caméras derrière lesquelles on retrouve le chef opérateur de Waste Land Menno Mans mais aussi un certain Nicolas Karakatsanis (Rundskop, Linkeroever), initialement pressenti, mais qui vient de tourner Animal Rescue premier long métrage américain de Michael Roskam (Rundskop). À peine libéré de ses obligations, il s’est empressé d’accourir donner un coup de main à ses amis. Ce qui est assez révélateur du formidable élan qui porte ce film.

 

 

Devant nous, un sous-sol où une centaine de figurants blacks sont massés autour d’un ring où s’affrontent des catcheurs bigarrés. Les combats sont clandestins, l’ambiance assez lourde. Et bruyante. Rythmée par une fanfare.

Leo trouvera-t-il le précieux indic qu’il est venu rencontrer en ces lieux secrets ? Réponse sur les écrans courant 2014. L’attente risque d’être longue.

 

[Photos ©PPierquin/Cinevox 2013, sauf Jérémie Renier en interview ©Kaos/Cinevox 2013]

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