« Invisible », série fantastique et existentielle

Préparez-vous à être surpris·e! C’est ce dimanche que débarque sur vos petits écrans Invisible, la nouvelle série fantastique (à tous les égards) de la RTBF.

En effet, avec Invisible, la chaîne aborde de nouveaux territoires, aussi bien de fiction que de tournage. Exit les Ardennes et Bruxelles, Invisible nous entraîne à Creux, petite ville belge imaginaire qui ressemble fort à une bourgade du Brabant wallon, cité paisible, où bruissent d’imperceptibles fausses notes. Ici au pied d’une antenne-relai colossale, quelques citoyen·nes militent, là, au sein d’un foyer, une famille se délite…

Une vie tranquille, rapidement troublée par d’étranges évènements. Tout irait bien pour Laurence Deconde, brillante chirurgienne ophtalmologue, si elle n’était rongée par un phénomène invisible qu’elle peine à faire entendre. Electro-sensible, elle vit au rythme des ondes magnétiques qui crispent son quotidien. Exilée dans la cave de sa demeure cossue, constamment vêtue d’un chaperon bleu qui fait d’elle une drôle d’héroïne, elle lutte pour préserver sa qualité de vie, et dépasser cette condition que d’aucuns imaginent imaginaire.

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Alors quand un jour, au beau milieu d’une opération menée sur son propre père, les machines semblent s’emballer et aveuglent le vieil homme sous ses yeux effarés, elle prend conscience qu’un phénomène qui la dépasse est tapi dans l’ombre, et pourrait surgir à n’importe quel instant. D’autant que sa fille, Lily, adolescente forcément hyper-sensible, disparait sans crier gare, après avoir été victime d’un cyber-harcèlement destructeur. Malade d’avoir été trop vue, elle n’aspire plus qu’à l’invisibilité. Et justement, il se pourrait que quelqu’un puisse l’aider.

On l’aura donc compris, en plus de changer de terrain d’expérimentation, la série belge change aussi de genre avec Invisible, qui relève le pari un peu fou de décliner ce personnage quasi mythologique qu’est l’homme (et ici aussi la femme) invisible.

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Evidemment, on n’est pas dans un blockbuster hollywoodien, et si les effets spéciaux, réalisés par la société wallonne benuts, sont brillamment à la hauteur des enjeux, c’est surtout la thématique de l’invisibilité que décline la série tout au long des 8 épisodes.

Qu’est-ce qu’être visible, qu’est-ce qu’être invisible? Voit-on réellement les gens pour ce qu’ils sont, et existe-t-on seulement hors du regard des autres? La métaphore est filée avec précision et virtuosité, de la cécité du père de Laurence, à l’invisibilité des ondes qui la rongent en passant par l’hyper-visibilité de sa fille sur les réseaux sociaux, la notion de vue est déclinée à l’infini.

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Bien sûr, la série n’évite pas son sujet. Elle prend le temps de l’amener. Au fil des épisodes apparaissent, ou plutôt disparaissent les premiers invisibles, laissant penser qu’une épidémie pourrait être en train de se propager. Les invisibles ici ne sont pas des super-héros, et sont vite confrontés à cette question existentielle: cette invisibilité, est-ce un pouvoir, ou un handicap?

La force d’Invisible est d’aborder de front son sujet fantastique, sur un ton réaliste, en lui offrant de nombreuses chambres d’écho explorant les recoins les plus sombres de notre quotidien. A travers les destins croisés de deux familles, celle de Laurence et celle d’Ayoub, c’est la société belge contemporaine, ses faiblesses et ses contradictions qui sont passées au crible, et même au microscope de la série, et de sa créatrice, Marie Enthoven.

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Sans compter, hasard des hasards, que la pandémie qui s’abat sur la ville de Creux n’est pas sans évoquer une autre pandémie, bien différente dans la forme, mais soulevant des enjeux similaires, à laquelle nous faisons actuellement face.

Une fois de plus, une série permet de braquer les projecteurs sur de brillant·es comédien·nes belges. Dans le rôle de Laurence, l’excellente Myriem Akheddiou apporte son intensité à cette femme volontaire mais poussée dans ses retranchements, soupçonnée de folie, Cassandre des temps modernes. Face à elle Fabio Zenoni sème le trouble grâce à son interprétation de Nathan, l’époux de Laurence, scientifique brillant, mais rongé par son ambition. Roda Fawaz, déjà aperçu dans Unité 42, interprète Ayoub, un rôle fort et surprenant, à mille lieux des stéréotypes.

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Invisible est une série transgénérationnelle, qui fait également la part belle aux anciens (Luc Van Grunderbeeck dans le rôle de Victor, le père atteint de cécité de Laurence et Jacqueline Bollen, magnifique dans le rôle d’Angèle, son ange, ou plutôt son démon gardien) comme aux plus jeunes (Elisa Echeverria campe une Lily fougueuse et déterminée, tandis que Jérémy Gillet prête à Pierre l’ambivalence de l’adolescence). Face à eux on croisera également Bérénice Baoo, Raphael Lamassaab, Gilles Vandeweerd, Stéphanie Van Vyve, Christelle Cornil…

Réalisé avec talent et ingéniosité par Geoffrey Enthoven (et il en fallait pour mettre en scène l’invisibilité loin des budgets d’Hollywood), et co-écrite par Marie Enthoven, Bruno Roche et Nicolas Peufaillit, Invisible est porté, avec le soutien du Fonds série de la RTBF et du Centre du Cinéma de la FWB, par la productrice Annabella Nezri (Kwassa Films), à qui l’on doit récemment Losers Revolution ou encore Jumbo.

Les deux premiers épisodes seront diffusés ce dimanche soir dès 20h30 sur La Une, et rattrapables dans la foulée sur Auvio.

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