Fien Troch présente ce soir en ouverture du Film Fest Gent Holly, son cinquième long métrage, une échappée fantastique dans tous les sens du terme dans les contrées mystérieuses de la foi et de la pression du groupe.
Film après film, Fient Troch dessine les contours d’un cinéma aussi ample que précis, saisissant que singulier, qui plonge en profondeur dans les tourments de ses personnages, dessinant un monde âpre, sauvé par d’éblouissantes salves d’humanité. Holly n’échappe pas à la règle, à la fois sidérant, et bouleversant, glaçant et chaleureux. Un matin, Holly se lève et ne veut pas aller à l’école. Elle appelle le secrétariat pour prévenir. Il faut dire qu’à l’école, elle est plutôt du côté des marginaux, celles et ceux qu’on harcèle au calme, pour le sport. Une bonne raison pour rester à la maison en soi, mais ce n’est pas ça, pas aujourd’hui. Elle a un pressentiment. Et elle a raison.
Avance rapide, quelques mois plus tard. La petite communauté de l’école et du quartier pleure les 10 victimes de l’incendie qui s’est déclenché ce jour-là. Il n’y a pas de fumée sans feu, et dans un premier temps, les prémonitions d’Holly la rendent suspecte. Un jour pourtant, l’une de ses enseignantes l’invite à prendre part à un groupe de soutien pour les familles des victimes. Un mystérieux lien se noue entre ces familles et la jeune fille. Elle se voit investie par celles et ceux qui pensaient avoir perdu la foi d’un étrange pouvoir.
Holly déploie au fil des scènes une étrange tragédie, autour d’une héroïne sanctifiée malgré elle. Dépassée par le poids qu’on lui fait peser sur les épaules, enivrée aussi par le fait de se sentir enfin utile et considérée, Holly, au nom prédestiné, voit son don se muer en malédiction. A travers le destin chaotique de son héroïne, Fien Troch interroge notre rapport aux autres et à la foi: qu’est-ce qui nous fait croire, qu’est-ce qui nous fait douter? Comment le regard des autres nous conditionne et nous donne forme?
Dans un monde en mal d’idoles, Holly et son sourire de Mona Lisa se voit transmuter en madone des temps modernes, à la grâce non pas de Dieu, mais d’une femme qui part en croisade car elle a plus que jamais besoin de croire. Qu’est-ce qui fait d’Holly une sainte? Est-ce sa prémonition, ou bien la foi aveugle que l’on place en elle? La sincérité d’Holly est interrogée par le récit, mais notre propre réponse, notre propre rapport au miracle compte surement plus que les réponses que n’avance d’ailleurs pas le film.
Pour traiter cet intemporel questionnement, la cinéaste convoque deux figures vibrantes de la culture populaire: la sainte, déjà évoquée, mais aussi la sorcière. L’adolescente aux portes de l’âge adulte, en franchissant la frontière, entre aussi en contact avec l’occulte. Sa féminité en devenir est une bénédiction autant qu’une menace. Elle est aussi la victime expiatoire des péchés du monde.
A l’image et au son, Fien Troch se réfère au cinéma de genre. Holly est tendu comme un film d’horreur. Le début du film, dans un parc à l’orée des bois et à la tombée du jour nous invite à pénétrer d’étranges territoires de fiction. La musique de Johnny Jewel nous entraine du côté du des héroïnes possédées, de chez Carrie ou L’Exorciste, quand le contexte lui est des plus réalistes. Holly est magnifiquement interprétée par la jeune Cathalina Geeraerts, dont c’est le premier rôle. A ses côtés, on retrouve Bart, personnage clé qui reste néanmoins dans l’ombre d’Holly, jusqu’à la fin majestueuse qui le révèle. Il est incarné par un autre débutant Felix Hermans, et l’on saluera en passant l’incroyable direction d’acteur de Fien Troch, déjà remarquable dans Home et Kid.