Wallimage fête cette année son 15e anniversaire.
Difficile de l’ignorer si vous suivez un peu l’actualité cinématographique belge : La Libre a salué l’événement avec une double page très visuelle (lire ici) et Trends Tendances a proposé de son côté un article fouillé, naturellement basé sur les chiffres, rien que les chiffres.
Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Wallimage n’est pas là pour soutenir spécifiquement la culture cinématographique wallonne, mais pour aider à développer le tissu économique wallon lié à l’audiovisuel. C’est assez différent. Explications…
Wallimage n’est pas né par hasard. Il a été créé à partir d’un constat déroutant.
Tout commence lorsque les frères Dardenne remportent leur première Palme d’or au Festival de Cannes, en 1999. Sur la Croisette, la colonie belge sabre le champagne, mais une fois l’euphorie passée, on revient vite les pieds sur terre : si la Belgique compte de vrais talents primés un peu partout comme Gérard Corbiau, Jaco Van Dormael ou les frères Dardenne, ceux-ci ne peuvent pas s’appuyer sur une industrie technique structurée dans le Sud du pays.
Photo AFP
Pourtant, on le sait, les écoles de cinéma belges sont réputées. Oui, mais, à l’époque, nos meilleurs techniciens et de nombreux acteurs sont souvent obligés d’émigrer pour travailler, car ici l’offre n’est pas suffisante pour leur assurer des revenus suffisants.
Une réflexion politique se déclenche alors et elle va conduire à la mise en place de mesures concrètes (et efficaces, si si). Le premier mécanisme économique destiné à renverser la vapeur est la création en Wallonie d’un fonds régional : Wallimage. (Depuis le système a fait l’objet de deux copiés-collés à Bruxelles et en Flandre).
Juillet 2012, tous les producteurs sont réunis au musée Hergé à LLN pour la présentation des nouvelles perspectives proposées par Wallimage en matière de transmedia
Pour concevoir ce fonds wallon, les spécialistes regardent ce qui fonctionne ailleurs. Wallimage sera un mixte des meilleurs exemples récoltés à travers l’Europe, mais contrairement à certains fonds il ne s’occupera que de l’économique, des investissements consentis en Région wallonne. Le mécanisme est simple : la région investit dans des films qui s’engagent à dépenser de l’argent dans la région.
Le choix des films cofinancés par Wallimage se fait plusieurs fois l’an (cinq fois actuellement) lors de sessions animées par un comité d’experts constitué de quatre personnes : le directeur de Wallimage, Philippe Reynaert, la responsable des coproductions, Stéphanie Hugé, et deux « extérieurs » : un expert financier, Benoit Coene, et votre serviteur, en place là-bas bien avant la création de Cinevox.
Les dossiers choisis par le comité sont alors soumis à l’aval du conseil d’administration qui valide la sélection. Ou pas… Dans les faits, ce Conseil se réfère quasiment toujours aux avis des experts mais comme il y a toujours plus de dossiers à financer que d’argent en caisse, c’est aux Administrateurs de poser les choix douloureux qui font qu’un dossier sur 4 en moyenne est retenu.
La Walliteam au sens large exceptionnellement réunie à Mons
Depuis la naissance de Wallimage la région a investi 60 millions d’Euros… pour des retombées estimées à 200 millions. Soit un ratio positif de 350%, comme l’explique Trends Tendances.
En quinze ans, le nombre de sociétés spécialisées dans l’audiovisuel a explosé en Wallonie, des centaines d’emplois ont été créés, et une industrie est née autour du cinéma d’animation.
En 2008, le fonds wallon a créé Wallimage Entreprises, destiné à soutenir le développement et la pérennisation de sociétés implantées au Sud du pays. Huit ans plus tard, elles sont 54 à avoir bénéficié des conseils et des capitaux wallons. Lorsqu’elles peuvent fonctionner seules, elles reprennent leur indépendance totale en rachetant les parts de Wallimage, qui naturellement profite de la plus-value : des succès comme iMovix, Memnon ou Digital Graphics resteront longtemps dans les mémoires.
L’arrivée du Tax Shelter en 2003, mais aussi d’autres fonds régionaux ont largement contribué à attirer en Belgique des projets étrangers faisant appel à des acteurs et des techniciens locaux. Le monde à l’envers…
L’équipe de Rien à déclarer réunie à Mons autour de Philippe Reynaert. C’était pour fêter le 10e anniversaire de Wallimage en 2011
Ces films sont d’ailleurs de plus en plus importants, de plus en plus rentables : les blockbusters français qui ont été en partie ou totalement tournés chez nous sont nombreux, mais ils ne s’imposent pas au détriment de la production locale et c’est ça le plus important.
Ainsi Les Visiteurs 3 (une coproduction Nexus) cohabitent aujourd’hui avec Souvenir de Bavo de Furnes et Raid dingue de Dany Boon (une coproduction Artemis) n’empêchera jamais les frères Dardenne de produire leur nouveau long métrage dans un certain confort (La fille inconnue). Car si le nombre de films a largement augmenté, les conditions de tournages et de postproduction sont aussi devenues nettement plus enviables.
En 2011, Wallimage a organisé à Paris une rencontre entre producteurs wallons et français, histoire de favoriser les coproductions francophones. Une réussite.
Alors oui, même si ça énerve quelques puristes, le cinéma en Belgique est considéré comme une industrie au même titre qu’un art. Les deux sont d’ailleurs totalement indissociables. En Belgique francophone, le Centre du cinéma de la fédération Wallonie-Bruxelles aide les films sur des critères artistiques tandis que Wallimage le fait sur des critères économiques. Mais c’est grâce à la combinaison de ces deux leviers et au sacro-saint Tax Shelter que notre cinéma résiste vaillamment à la toute puissance du cinéma anglo-saxon.
Le magazine professionnel français Écran Total ne s’y est pas trompé : il vient de consacrer sa Une à l’anniversaire de Wallimage, considéré un peu partout en Europe comme un exemple à suivre (voir ci-dessous).
Tout le mérite en revient à son directeur, l’inoxydable Philippe Reynaert, en place depuis la création du fonds, mais aussi à ses collaboratrices Stéphanie Hugé, responsable des coproductions et Virginie Nouvelle en charge des entreprises. Chacune étant entourées de collaboratrices tout aussi zélées. Car oui, à part, le nouveau venu Domenico La Porta qui s’occupe du nouveau département Creative, s’intéressant plus spécifiquement aux nouvelles technologies et au transmedia, toute l’équipe réunie autour de Philippe Reynaert est 100% féminine.
Une autre preuve de l’avant-gardisme de ce fonds qui n’a pas fini de secouer la Wallonie.
La liste des films cofinancés par Wallimage est ICI
L’historique des sessions de production est ICI