General score : tout pour la musique (au service de l’image)

Lorsque les frères Dardenne remportèrent leur première Palme d’or au Festival de Cannes, en 1999, tous les professionnels belges se réjouirent de cette consécration qui focalisait l’attention des cinéphiles internationaux sur notre cinéma. Un constat moins euphorique naquit aussi de ce triomphe : si la Belgique comptait de vrais talents, ceux-ci ne pouvaient pas s’appuyer sur une industrie technique structurée. Résultat : nos producteurs devaient systématiquement faire appel à des prestataires étrangers pour louer le matériel, fignoler la postproduction, etc.

Plus grave encore : nos techniciens et de nombreux acteurs étaient souvent obligés d’émigrer pour travailler.

 

 

Suite à cette réflexion, on créa des mécanismes économiques destinés à renverser la vapeur : un fonds régional wallon (il y en a trois aujourd’hui à travers le pays) et le fameux tax-shelter furent mis en place pour attirer chez nous des projets étrangers faisant appel à des acteurs et des techniciens locaux. Le monde à l’envers.

 

Au fil des années, ces dispositifs ont permis à des sociétés spécialisées de se structurer. Certaines sont nées en Belgique, d’autres ont été implantées chez nous par des prestataires étrangers qui ont recruté dans nos régions. Seize ans plus tard, le bilan est incroyablement positif : certaines sociétés moins performantes, moins bien gérées, ont bien sûr disparu, mais beaucoup ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à s’imposer dans le concert européen pour devenir des références.

Et surtout, les artistes belges peuvent désormais travailler ici sans brader leur talent.

 

L’industrie de l’animation quasi inexistante il y a 10 ans encore est aujourd’hui devenue très active chez nous, des studios sons se sont développés, des structures spécialisées dans la postproduction et les effets spéciaux ont émergé. Tous les domaines ou presque de l’activité cinématographique ont ainsi gagné une assise belge.

Bref, on croyait avoir à peu près fait le tour de la question, mais la structure qui vient tout juste de naître est pourtant inédite sur nos terres.

 

 

General Score se présente comme une coopérative réunissant huit collaborateurs : sept sont des musiciens et compositeurs avertis, le huitième, Paul Englebert (aujourd’hui en charge de la numérisation des archives à la Sonuma), est une vieille connaissance du 7e art belge, jusqu’ici plus connu pour son travail dans la postproduction image, mais pourtant ingé son de formation et batteur invétéré. C’est lui qui a eu l’idée d’appliquer à la musique de films, les recettes éprouvées dans d’autres domaines.

 

 

L’idée de base qui a présidé à la naissance de General Score est l’envie d’offrir aux producteurs de cinéma un interlocuteur unique, professionnel et responsable, capable de prendre en charge la bande originale de leur production, de la composition au mixage en passant par l’enregistrement tout en assurant la production exécutive du travail. Une proposition alléchante dans un créneau par essence plutôt individualiste et en marge de la filière cinématographique classique. Un créneau qui n’est en général pas gâté dans le budget global d’un film, parce qu’il arrive en bout de course et que (air connu) : « il n’y a plus d’argent !».

Plus d’argent pour un poste aussi important que la musique ? Une ineptie bien sûr. Qu’on peut facilement corriger en professionnalisant le secteur.

 

Concrètement un producteur qui se tournera vers General Score trouvera forcément dans l’écurie le musicien adéquat pour composer la partition attendue et des personnalités capables d’enregistrer et de mixer cette bande originale. Le producteur exécutif du projet prendra en charge toutes les relations entre la production et le musicien, s’assurera que les délais et les devis sont clairs et respectés. Comme dans une société de postproduction ou d’effets spéciaux.

 

Tout cela à très peu de frais puisque General Score est éligible chez Wallimage et/ou au prochain screenbrussels, mais peut aussi être financé par le Tax shelter : tous ceux qui le composent sont belges (wallons et bruxellois jusqu’ici).

C’est simple, évident ; on se demande presque pourquoi personne n’y avait pensé jusqu’ici.

Sans doute parce que le créneau est individualiste…

 

Encore faut-il, bien sûr, que le produit final, la bande originale soit à la hauteur de l’attente. Un petit coup d’œil au line-up de General Score devrait immédiatement rassurer les plus sceptiques. Pour avoir eu la chance d’assister à un showcase privé, proposé par les compositeurs, plutôt une masterclass d’ailleurs, et nous pouvons affirmer que le niveau est très (mais alors très) élevé et l’offre fort complète.

Certains noms figurant au générique de General Score sont connus, d’autres le sont moins. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont moins performants. Loin de là…

 

Les sept musiciens ici réunis ont l’avantage de couvrir tout le spectre ou presque de la musique et de pouvoir proposer un produit ciblé, ou plus hétéroclite. L’originalité de General Score, sa grande force, est en effet de proposer des interactions incessantes entre les différents musiciens capables de travailler ensemble et d’apporter aux autres leur expertise ou leur virtuosité. La structure coopérative de la société n’est pas qu’un vain mot : les valeurs défendues sont très collaboratives et foncièrement éthiques.

 

Trois des musiciens de General Score sont plutôt catalogués, pop et rock. Ce sont sans doute les plus connus de la troupe :

 

 

Guitare en bandoulière (Machiavel, Vaya Con dios…), pourvoyeur de tubes imparables (Fly, notamment), Thierry Plas est, depuis des années, compositeur de spots de pubs et de prestigieux films corporate. C’est également un ingé son exigeant.

 

 

Auteur de la musique de quelques longs métrages (Parasol, L’année prochaine) et de nombreux courts, Manuel Roland est déjà un compositeur prisé par la nouvelle génération des cinéastes belges. Quand il n’enregistre pas pour le cinéma, il s’exprime sur scène avec différents projets.

 

 

Jeune rock star sauvage qui a atteint les sommets des charts avec Mud Flow, reconverti en auteur-compositeur mixant chanson française et pop progressive, Vincent Liben rêvait de se fondre dans un collectif et de composer pour le cinéma. Autant dire qu’il est très motivé à l’idée de faire partie d’une écurie aussi talentueuse.

 

L’univers des quatre autres oscille du classique au jazz, en tutoyant l‘électronique.

 

 

Arnaud Blampain est un pianiste doué. Compositeur aventureux, friand des séances d’improvisation, cet amoureux des arts de la scène est le visage jazzy de General score.

 

 

Pianiste averti, lui aussi, compositeur, producteur, professeur, framboise frivole à ses heures, Yves Gourmeur surfe sur l’arc-en-ciel musical : classique, contemporain, jazz…. Tout y passe

 

 

Tim Gouverneur est un OVNI : il écrit des partitions que personne (ou presque) ne comprend tant elles sont complexes et innovantes, hétéroclites et imprévisibles : c’est le Ludwig Amadeus Bartok de la structure, une des potentielles révélations de l’aventure.

 

 

Responsable de la B.O. de L’homme qui répare les femmes (Magritte 2016 du meilleur doc), du court métrage de Stéphane De Groodt Palais de Justesse, de Zero Zero Belgique (Pascal Rocteur) ou de la musique additionnelle de Dead man talking, Michel Duprez est un des cofondateurs du concept. C’est sa rencontre avec Paul Englebert dans une salle de répète qui a fait jaillir l’étincelle. Il s’est en outre fendu du formidable site internet de présentation.

 

L’idée de General Score n’est pas de faire main basse sur tout le marché de la B.O. belge. Loin de là. Non, la volonté de ses huit membres est de… s’amuser (si, si), en proposant aux producteurs et réalisateurs un produit top niveau réalisé dans des conditions professionnelles ; pour un prix correct, amorti par les différentes aides. Et ainsi de permettre à chaque musicien (y compris ceux qui ne font pas partie de la structure) de retrouver une place décente dans la filière cinématographique.

 

 

Une volonté réfléchie, car même s’il sort de terre aujourd’hui, General Score a lentement mûri pendant plus d’un an : un laps de temps indispensable pour préciser les contours de la structure, ses objectifs, sa philosophie et, surtout, pour recruter des compositeurs et musiciens complémentaires, pouvant se fondre dans un collectif innovant.

Chaque pièce du puzzle semblant avoir trouvé sa place idéale, General Score déboule dans l’arène. Avec une proposition aussi novatrice qu’impressionnante.

 

Toutes les informations et le CV complet de chaque musicien, démos à l’appui sont disponibles sur le site internet (ICI) qui est bien plus qu’une jolie carte de visite : un outil ludique, mais instructif, qui devrait vous donner envie d’en voir et d’en entendre plus.

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