Si Frédéric Fonteyne a adoré venir au Festival du cinéma belge à Nîmes et en Garrigue et ce n’est pas seulement parce qu’il a pu présenter Tango libre en short lors de la cérémonie d’ouverture, chose pas si courante en Belgique.
Cette halte à Nîmes, parenthèse ensoleillée au milieu d’une période d’écriture avec sa compagne Anne Paulicevich, l’a ramené à ses débuts au cinéma et à s’interroger avec les jeunes cinéastes belges présents au festival sur le processus de création.
Par Maryline Laurin
N’allez surtout pas vous imaginer que le Festival du cinéma belge à Nîmes et en Garrigue est une sorte d’université d’été du cinéma : il s’agit au contraire d’un festival empreint de simplicité, où l’on échange ses savoirs et cultive ses différences dans des lieux festifs où la convivialité et la belgitude prédominent.
Le premier jour, le 16 juillet donc, les Nîmois ont eu droit à deux Magritte pour le prix d’un. Façon d parler, car il s’agissait d’une projection gratuite de Welkom de Pablo Munoz Gomez et de Tango libre.
Précédée d’une leçon de tango donnée par l’association La Milonga del Angel dans la cour de l’hôtel Imperator du centre de Nîmes. Une initiative 4 étoiles… comme l’établissement.
Cette journée fut l’occasion de voir lesquels des jeunes invités étaient assez téméraires pour oser fouler la piste de danse. Mais qu’est-ce qui aurait pu retenir la délégation belge?
Photo : Stephanie Dubus
Pablo Munoz Gomez, Méryl Fortunat-Rossi et Anthony Rey (Helicotronc) au bras d’une partie de l’équipe des Enfants terribles se sont donc laissé aller sous l’œil expert de Frédéric Fonteyne, d’Anne Paulicevich et de Louis Héliot.
Un fort joli spectacle pour débuter ce festival où beaucoup ont été touchés par le regard protecteur de Fred sur cette jeune génération montante… et la fierté de ceux-ci à le compter parmi eux.
Dans cet écrin idyllique, Fréderic Fonteyne nous a longuement parlé – et avec un bel enthousiasme – de sa participation à ce tout nouveau festival du cinéma belge qui n’a probablement pas fini de faire parler de lui.
Céline Masset et Pascal Hollogne: le recette des festivals, ils maîtrisent…
» J’étais heureux et, en même temps, j’étais étonné que Céline Masset et Pascal Hologne investissent un nouveau projet. Ils avaient déjà le Brussel Short Film Festival qui est quelque chose d’énorme, le Be Film Festival etc… Je rigolais en me disant : ‘’ils sont fous, ils n’arrêtent pas’’ et en même temps je trouvais ça super beau qu’ils le fassent, qu’ils recommencent avec quelque chose de nouveau, de jeune, comme lorsque je les ai connus il y a 20 ans au début du BSFF. Ajouté au fait que ce soit à Nîmes avec Méryl (Fortunat-Rossi), avec des gens qui sont du coin, avec une autre fonction a fini de me convaincre qu’il fallait soutenir cette initiative.
Moi, ce qui m’a plu ici, c’est de rencontrer les jeunes réalisateurs de la nouvelle génération, de revoir Laura Wandel (Les corps étrangers en compétition au Festival de Cannes 2014), qui était une de mes élèves quand je donnais cours à l’IAD, de voir le parcours qu’elle avait fait. Je n’avais pas pu revoir Laura avant ou après Cannes et donc nous avons eu une belle discussion ensemble pour évoquer nos parcours respectif et aborder la question fondamentale : qu’est-ce que c’est que de faire des films ?
Tout cela ça m’a beaucoup inspiré moi aussi. Je me suis reprojeté à une étape où moi-même je faisais des courts métrages, alors que là je suis à une l’étape où j’écris un nouveau long et où finalement je me pose les mêmes interrogations qu’eux qui débutent.
Toute cette discussion est partie du fait que Laura m’a demandé : « est ce que tu es content, de ce que tu fais maintenant ? » J’ai alors compris que comme elle, quelque part, même après plusieurs films, je n’étais pas plus loin et que le travail est à reprendre, qu’il est toujours aussi beau et difficile. Chaque film est un eternel recommencement.
Photo : Stephanie Dubus
Entre cinéastes, il y a une effervescence qui ressort. Lorsque je faisais des courts métrages, j’ai côtoyé ou rencontré dans les festivals la plupart des autres cinéastes belges. Et c’est là que tu vois chacun creuser son sillon, sa particularité, ce qui t’encourage toi à creuser la tienne.
Laura se posait certaines questions pour son prochain film et je me disais « tiens, moi pareil ! » (Rire). J’ai trouvé encourageant de se dire qu’en fait, finalement nous sommes tous semblables !
Cela fait du bien de voir des gens qui cherchent … C’est créatif, ce n’est pas de la concurrence. Pas chez nous. Dans le cinéma belge j’ai toujours senti qu’il y avait une curiosité, un respect naturel pour l’autre…l’autre est toujours passionnant, je n’ai jamais senti de chapelle ou de barrière. Un cinéaste se définit parfois en s’opposant au cinéma d’autres mais cela fait partie du jeu de la rencontre, mais c’est une autre histoire.
C’est grâce au fait que l’on s’est retrouvé là-bas entre Belges, pour la projection de notre film ou dans le lieu où tout le monde est logé à Uzès, que l’on a pu se parler de tout ça.
La particularité de ce que font Pascal et Céline, et maintenant Méryl, réside ici dans leur capacité à créer un endroit où des choses de ce type se passent, où c’est inventif. Cela est rare, je ne l’avais plus ressenti depuis longtemps.
Quand on fait du cinéma, on se dit que c’est un truc d’équipe, mais non : les cinéastes sont assez solitaires et les festivals ce sont justement des endroits particuliers pour échanger et partager le cinéma. On parle souvent des cinéastes de la Nouvelle Vague, mais c’était incontestablement des gens qui avaient des échanges de fond sur le cinéma, sur la vie, qui étaient dans de vraies rencontres.
Il y a une grande différence entre le cinéma et le théâtre, car ceux qui sont sur les planches ne s’arrêtent jamais de créer. Lorsque nous faisons des films, nous sommes dans un processus de création pendant l’écriture, le tournage, le montage… puis nous voyageons, nous présentons le film un peu partout. Quelqu’un qui fait du théâtre doit continuer soir après soir à se remettre en question.
Photo : Stephanie Dubus
J’ai eu un goût de trop peu avec ce festival (sourire), car j’ai dû partir. J’aurais vraiment aimé rester plus longtemps, être dans une continuité comme les autres réalisateurs, pouvoir faire connaissance avec ceux que je ne connaissais pas. Il y avait ce garçon qui a fait l’IAD, Pablo. Cela m’a fait super plaisir de voir son film et de pouvoir lui en parler après, lui dire que je l’avais beaucoup aimé. J’ai quand même dû attendre d’être à Nîmes pour le faire, alors que nous étions aux Magritte tous les deux !
Une autre chose est cruciale pour des jeunes cinéastes qui font du court métrage et que l’on trouve dans ce genre de festivals : c’est d’avoir un retour direct sur les films qu’ils font et sur ce qu’ils sont.
Il y a ici la possibilité d’une rencontre avec des gens, un public, qui d’ailleurs ne va pas nécessairement au cinéma. Mais il y a aussi le regard constructif de leurs collèges réalisateurs.
Ils bénéficient de retours autres que ceux qu’ils reçoivent en Belgique.
J’ai pu m’en rendre compte dans d’autres festivals en France qui programmaient des films belges ou qui proposaient une carte blanche au cinéma belge : tout à coup la spécificité belge ressort. C’est l’occasion de nous rappeler que nous sommes différents, qu’il a quelque chose que l’on fait en Belgique mais qui ne peut pas être fait ailleurs. Au Brussels Short Film festival, on voit aussi des films qui viennent de l’étranger mais ce n’est pas pareil. Ici de nouveau nous nous retrouvons confrontés à notre particularisme belge et je pense que nous en avons vraiment un.
Pour moi, ces festivals de courts-métrages sont une école de formation terriblement riche, tout comme déjà le court métrage peut l’être dans le parcours d’un cinéaste, en raison de cette effervescence entre les réalisateurs et l’inspiration que ça peut donner.
Pablo Munoz Gomez et Sébastien Petit : gonflés à bloc par leur séjour cévenole (Photo Maryline Laurin)
Un autre aspect me semble primordial pour les jeunes cinéastes dans tous les retours recueillis au cours d’un festival : tu peux retrouver ce que tu avais rêvé avant de faire le film. Tout d’un coup, tu as quelqu’un qui te dit d’une manière toute simple « Ah ! Oui j ai vu ça dans votre film » et là tu te dis « OK, c’est ça ce que je voulais mettre dans le court métrage que j’ai tourné et le message est passé « .
Dans le court métrage, la particularité est qu’il y a une vraie source d’inspiration car c’est terriblement libre. Il y a de tout dans le court métrage, mais quand il y a des choses intéressantes, elles sont toujours inspirantes. Ça anime d’avoir des retours, c’est essentiel pour avoir le courage de continuer à faire des films, autrement on arrête tout. En tout cas, moi, c’est ce qui m’a fait poursuivre.
Je me souviens d’un type en Russie, complètement saoul, qui m’a dit un truc sur mon film (Bob le déplorable, scénario de Philippe Blasband) qui m’a fait penser : « si un type en Russie a compris quelque chose sur ton film, tu peux donc continuer à en faire, en tout cas il y a quelque chose qui passe! ». J’encouragerais l’équipe du festival à multiplier les échanges avec le public, à trouver des formes dans ce sens là. »
Meryl Fortunat-Rossi, Louis Héliot, Frédéric Fonteyne, Anne Paulicevich
(Photo Maryline Laurin)
L’occasion faisant le larron, nous nous sommes aventurés à demander à Fred Fonteyne des nouvelles de son nouveau projet avec Anne Paulicevich : Le grand cirque, l’histoire émouvante d’un directeur de cirque désespéré par la désertion du public qui retrouve le chemin de l’espérance à la faveur de rencontres improbables.
« Je n’ai pas envie de parler du film, avec Anne, nous sommes en plein approfondissement, nous cherchons des thèmes. La seule chose que je peux dire c’est que nous faisons un film qui parle de gens qui bougent et nous nous bougeons en l’écrivant. Nous nous sommes installés 3, 4 jours dans le Sud Est, nous avons été à Nîmes, puis j’ai dû partir à Paris pour rencontrer quelqu’un parce que nous avions des questions à lui poser sur le film que nous écrivons et puis nous sommes allés au Festival d’ Avignon voir Sergi (Lopez) qui jouait et qui sera dans notre film et puis nous avons vu aussi Sacha Bourdo …
Ce que je veux dire c’est que parfois écrire ce n‘est pas juste rester chez soi avec son cul dans un fauteuil, il faut bouger, rencontrer des gens, vivre des aventures. Il y avait notre petite fille, la famille, tout ça a fait parti de l’écriture. On n’écrit jamais que sur ce que l’on traverse.
Et être à Nîmes ça faisait aussi partie de ce voyage : je suis sûr qu’il y a de petites choses qui se sont déclenchées par rapport à ça, là bas. Tout comme le fait d’avoir vu Sergi, ou ses potes circassiens à Avignon… C’est chouette, nous sommes contents, nous avions prévu de prendre des vacances et en fait nous sommes en train de travailler. »