Joachim Lafosse vient d’achever le tournage de son dixième (!) long métrage, Un silence, pour lequel il a réuni Emmanuelle Devos et Daniel Auteuil.
Quelques mois à peine après la sélection sélection officielle dans la Compétition au festival de Cannes de son magnifique Les Intranquilles, avec Leïla Bekhti et Damien Bonnard, tourné au lendemain du premier confinement, Joachim Lafosse était déjà de retour sur les plateaux à la fin de l’été pour tourner son dixième film, Un silence.
Depuis ses débuts, le cinéaste belge creuse un cinéma de l’intime scrutant notamment les dysfonctionnements des sphères amoureuses ou familiales, sondant nos failles et nos contradictions. Et plus que jamais aujourd’hui, l’intime est politique.
Le cinéaste souhaite garder la discrétion quant au pitch du film, mais a néanmoins accepter d’évoquer certaines des interrogations qui le traversent. Si l’on ne sait rien du scénario de ce nouveau film, son titre nous donne néanmoins un élément de réponse: « Le film tourne notamment autour de la libération de la parole dont on parle beaucoup aujourd’hui. Avec Un silence, je souhaite essayer de faire voir pourquoi malgré la place que prend cette profitable préoccupation, le silence reste si puissant. Je souhaite essayer de faire voir et entendre pourquoi il est si compliqué de raconter. »
Joachim Lafosse se remémore notamment sur l’un de ses précédents films, Elève Libre, sorti en 2008, une toute autre époque. Le film décrivait la façon dont un adulte soumettait un adolescent à une situation d’emprise et d’abus. A l’époque, beaucoup jugent la victime avant même de juger l’agresseur. Et plongent le cinéaste à son tour dans « un silence effrayant »: « ce silence a nourri mon écriture, cela fait plus de six ans que ces questions me travaillent. Je me suis une fois de plus inspiré d’un fait divers, comme j’avais pu le faire dans A perdre la raison ou Les Chevaliers Blancs, mais ce qui m’intéresse, ce n’est pas le fait divers lui-même, c’est la façon dont celui-ci éclaire une réalité partageable par toutes et tous. La parole a toujours un coût, les êtres qui racontent connaissent cette vérité. Sur ces questions, l’oeuvre de Christine Angot me semble fondamentale. Depuis 20 ans, elle décrit avec une lucidité magnifique et précieuse les enjeux liés au dévoilement du crime. On sait aussi depuis peu que dans de très nombreux cas, quand la parole est libérée, ce n’est pas le criminel qui est exclus du cercle familial ou social, mais la victime. Ce que j’ai voulu faire avec Un silence, c’est raconter une histoire juste, avec des personnages justes, autour de cet aspect extrêmement complexe de l’existence. »
Pour ce faire, il retrouve une grande partie de son équipe artistique, notamment le chef opérateur Jean-François Hensgens, avec lequel il collabore pour la 7e fois, ou encore sa chef décoratrice Anna Falguères. L’équipe s’est réunie pour deux semaines de répétition sur le plateau avant le tournage, permettant ainsi aux comédiens « d’entrer en scène », afin d’explorer « la complexité des personnages et des situations, de veiller à trouver la juste nuance, pour fuir toute tentation de manichéisme. Prendre le temps de comprendre et d’expliquer, car la justesse demande un temps long. » D’autant plus pour que face à Emmanuelle Devos et Daniel Auteuil, on retrouve dans le rôle d’un adolescent le jeune Matthieu Galoux, qui n’avait jamais joué, et qui a pu ainsi prendre la mesure de l’ampleur de la tâche de ce qu’il aurait à accomplir sur le plateau.
Un dispositif déjà mis en place sur le film précédent, qui permet non pas tant de poursuivre l’écriture (même si la coscénariste du film Chloé Duponchelle était présente sur le plateau) que de préciser les intentions et la profondeur des personnages.
Comme Les Intranquilles, Un silence est produit par Anton Iffland Stettner et Eva Kuperman pour Stenola Productions (Belgique). On a hâte découvrir le film en 2023!