Alors que Fils de, la toute nouvelle série de la RTBF, débarque aujourd’hui en intégralité sur Auvio, on a rencontré 4 de ses protagonistes: Marka, qui tient ici son premier rôle; Antoine Négrevergne, co-créateur et showrunner de la série; Mara Taquin, qui interprète Sarah; et Camille Pistone, co-créateur de la série, dont il tient aussi le rôle pivot.
Mais de quoi ça parle, Fils de? Les auteurs l’ont pensé comme une épopée urbaine, mythologique et bruxelloise. Le récit d’un père gangster, Franck Pistone, parti en cavale au Maroc après un casse il y a 17 ans, qui revient à Bruxelles pour se réconcilier avec son fils, Camille, qui découvre en passant qu’il n’est pas si fils unique que ça, et va devoir s’allier à sa soeur Sarah, et son frère César pour démêler des affaires d’héritage.
« Le coeur de la série, confirme Antoine Négrevergne, ce sont les relations entre Frank et ses enfants, et entre ses enfants eux-mêmes, Sarah, Camille et César. Bon, évidemment quand il y a quatre kilos de cocaïne et quelques diamants en jeu, tout prend des proportions plus grandes, mais finalement, les enjeux ne sont pas si différents que pour un père lambda qui aurait trouvé un joint dans la chambre de son fils, non? » Si, un peu quand même si l’on en juge le nombreuses scènes d’action qui émaillent la série, et les seconds couteaux plutôt patibulaires qui rodent dans l’ombre, entre la mafia hollandaise et les néons clignotant du Lupinaria.
« C’est vrai, continue-t-il, mais je pense que ce qui caractérise Fils de, c’est que c’est une série de famille dans ses enjeux et ses problématiques, dans ce qu’elle raconte, mais aussi dans la façon dont on l’a conçue. »
« C’est un projet qui est né il y a plus ou moins 5 ans, nous explique Camille Pistone. J’étais au conservatoire avec Salim Talbi, on s’entendait super bien. On a fait une pièce et plein d’autres trucs, et puis on s’est dit qu’on avait aussi envie d’écrire ensemble. Au même moment, je jouais avec Antoine (ndlr: Négrevergne) au Théâtre du Parc, qui avait aussi envie de raconter une histoire sur la famille, sur Bruxelles. Comme on était tous les trois comédiens de formation, on s’est entouré de scénaristes professionnels, on a déposé une Bible à la RTBF, et c’était parti! Il y a des choses qui nous ressemblent beaucoup, en même temps ce n’est pas autobiographique. C’est une fiction, avec une forte part de réel. »
Ce qui leur ressemble, ce qui vient du plus profond d’eux, c’est peut-être Bruxelles, qui de fait, est presque l’un des personnages de la série. C’est presque devenu un poncif d’écrire ce genre de chose, mais on voit la capitale belge sous un nouveau jour, parée de nouveaux atours, « plus belle, dynamique, colorée, et bigarrée que jamais », comme le dit Marka. Ce qui a touché aussi la jeune comédienne Mara Taquin, « 100% bruxelloise! », heureuse de faire partie d’un projet qui « montre d’autres quartiers que ceux que l’on a l’habitude de voir ».
« Camille et Salim ont grandi à Bruxelles, commente Antoine Négrevergne, ils avaient vraiment envie que la ville soit au coeur du récit, qu’elle soit un personnage. On ne voulait pas opposer des quartiers, on voulait plutôt proposer un cheminement. Au début de l’écriture d’ailleurs, on parlait presque d’une chasse au trésor dans la ville. Que les gens déambulent. Et puis est arrivé le réalisateur, Frank Devos, qui lui aussi connaissait bien Bruxelles, avait très envie lui aussi de la filmer autrement. » Camille Pistone complète: « On voulait montrer Bruxelles sous toutes ses formes, sous tous ses aspects, que ce soit les strates sociales, les milieux sociologiques, les différentes langues. Bruxelles en 2022, son côté un peu underground aussi, une Bruxelles actuelle. »
L’autre marqueur fort de Fils de, c’est le recours à des talents reconnu·es ou émergent·es du rap, hip hop ou r’n’b, qui viennent conclure les épisodes, leurs performances s’intégrant au récit, comme pour en livrer un commentaire, une chronique, un autre point de vue. « Lors des premières séances d’écriture avec nos co-scénaristes s’est très rapidement dégagée la piste de la tragédie grecque, explique Antoine Négrevergne. Les tragédies grecques, c’était déjà des histoires de famille. On s’est dit qu’on allait fusionner les genres, et que notre choeur grec, qui chanterait les thématiques du récit, ce serait nos rappeurs et rappeuses. » Il faut dire que le jeune auteur et comédien « traine » comme il le dit plus dans le milieu du rap et du hip hop que dans celui du cinéma. Ses potes, ce sont les gars de L’Or du Commun. C’est d’ailleurs l’un de leur DJs, Junior Goodfellaz, également directeur artistique du label TopNotch, qu’il contacte quand il s’agit de réfléchir à la BO et plus encore de la série. « Il a suivi de près le processus d’écriture, c’était vraiment passionnant. On n’a retouché aucun texte, j’ai eu l’impression que les auteurs et les autrices nous avaient instantanément compris. »
Fils de est une série bruxelloise, intrinsèquement musicale, c’est aussi une série d’action, c’est d’ailleurs ce qui a attiré Mara Taquin dans un premier temps. « J’adore ça depuis que je suis gamine, les films d’action, et on me propose rarement ce genre de rôles. Manier des flingues, les poursuites en voiture… Ca m’a tout de suite parlé! J’avais quelques références en tête, comme le personnage de Nathalie Portman dans Leon, ou encore le dernier Mad Max avec Charlize Theron. Et puis c’était aussi un peu une mission, de faire exister le personnage de Sarah dans cet univers très masculin. Les femmes dans la série sont confrontées de plein fouet aux très nombreuses conneries que font les hommes de leur vie, et elles s’en sortent grâce à leur force, qui leur donne la capacité de s’affirmer dans ce monde souvent hostile. Sarah est bien décidée à en finir avec cette pression paternaliste. »
Et le père, dans la série, c’est Marka. Qui s’étonne encore de cette chance qui lui est tombée dessus. « J’ai eu trois moments clés dans ma vie: quand on m’a demandé de jouer de la basse dans le groupe Allez Allez; quand m’a femme m’a demandé de sortir avec elle; et puis là, quand m’a proposé de jouer dans la série. Le reste du temps, c’est moi qui vais sonner chez les gens! C’était une trop belle opportunité pour ne pas la saisir. »
N’empêche que le musicien n’était pas forcément rassuré au début. « Moi je n’avais jamais joué de ma vie, alors quand on est venu me chercher, j’étais flatté et intrigué. Mais je n’avais pas envie de passer un casting, et qu’on me dise: « Ah ben non en fait, ça va pas ». A mon âge, je me suis pris assez de claques dans ma vie de musicien. Mais finalement, ma femme et ma fille m’ont convaincu de tenter le coup. J’ai fait des tests, j’ai suivi des cours, et voilà! »
L’avantage, « à 60 piges », c’est qu’on prend les choses comme un bonus, en quelque sorte. Par contre, jouer devant la caméra représente un nouvel exercice, qui exige de trouver ses marques. « J’avais un vieil ami qui faisait la prod sur la série, et qui m’a pris à part à la fin du premier jour pour me dire que ça servait à rien de donner tout, à chaque prise. « Concentre-toi sur les gros plans, » il m’a expliqué, « ne t’épuise par sur les plans larges, ou quand tu es de dos ». J’ai dû apprendre ça, mais ce qui est chouette, c’est qu’on m’a beaucoup fait confiance. Et Frank (ndlr: Devos, le réalisateur) me parlait de façon très claire. En fait, j’ai beaucoup fermé ma gueule, le contraire de ce que je fais sur scène, ça m’a fait des vacances (rires). »
La camaraderie aide aussi. « Mara, du haut de sa grande expérience malgré son jeune âge, le premier conseil qu’elle m’a donné, c’est de prendre un agent! Elle était très attentive, m’a beaucoup soutenu, aidé, on a beaucoup échangé. Avec Béatrice Dalle (ndlr: qui joue le rôle de Wafah dans la série), c’était encore autre chose. Quand on joue au tennis avec quelqu’un qui joue bien, en général on joue mieux. C’était comme ça avec Béatrice. Elle aide à renvoyer la balle. »
On a cité Béatrice Dalle, il faudrait citer aussi Salim Talbi, N’landu Lubansu, Isha, Bwanga Pilipili, Tibo Vandenborre, Sam Louwyck, Aurora Marion…
Rendez-vous dès aujourd’hui sur Auvio, et à partir du 15 mai sur Tipik.