Felix Van Groeningen: « L’amour inconditionnel qui unit ce père et son fils est tellement inspirant »

Rencontre avec le cinéaste flamand Felix Van Groeningen en octobre dernier, alors qu’il présentait son nouveau film, Beautiful Boy, en clôture du Festival de Gand. Il revient pour nous sur cette toute première aventure américaine…

Comme a débuté pour vous l’aventure américaine?

J’étais à Los Angeles pour faire la promotion de mon film The Broken Circle Breakdown qui était dans la course aux Oscars, l’occasion pour les réalisateurs étrangers de rencontrer l’industrie américaine. J’y ai rencontré les représentants de la société Plan B, la structure créée par Brad Pitt, qui m’ont parlé d’un projet qui leur tenait à coeur, l’adaptation de deux livres, deux mémoires d’un père et son fils, David et Nic Sheff, et de leur combat contre l’addiction à la drogue du fils, Nic. En lisant les livres ça m’a ouvert les yeux sur pas mal de choses, j’ai ressenti beaucoup d’amour pour cette famille, et j’ai décidé que j’étais la bonne personne pour faire ce film. Ca a pris assez longtemps finalement, mais je suis très content du film.

Adapter non pas un, mais deux livres, c’était un défi?

Travailler sur l’adaptation d’un seul livre, c’est déjà une gageure, il faut beaucoup élaguer, du coup évidemment, quand on en a deux, c’est drastique. Mais le trajet du père était très clair dès le début. C’était lui qui était au coeur du récit, mais le fait d’accéder dans le même temps à la tragédie de Nic de l’intérieur permettait d’enrichir considérablement la narration. Je voulais que le spectateur ait de l’empathie pour le personnage de Nic, et donc le montrer dans les moments pivots, pas seulement quand il se drogue, mais aussi quand il va mieux, ou quand il rechute, pour mieux comprendre l’engrenage au coeur duquel il se trouve. Et mieux comprendre du coup la détresse du père.

Les livres m’ont vraiment ouvert les yeux sur ce que représente cette lutte, pour les malades, mais aussi pour leurs accompagnants. L’amour inconditionnel qui règne dans cette famille, c’est tellement inspirant. C’est une histoire vraie, dure et authentique.

La famille est une fois de plus au coeur de votre film?

Oui, je viens d’une très belle famille, mais où les choses étaient compliquée. Ma famille nucléaire, mon père, ma mère, mon frère et moi, ça a peu duré, car mes parents se sont séparés quand nous étions assez jeunes. Je leur suis reconnaissant de toutes les vies que j’ai vécues à cause de ça. C’est vrai que j’ai tendance à créer des familles idéales dans mes films… et puis de leur faire vivre l’enfer! C’est forcément en résonance avec mon vécu.

Votre cinéma n’a pas peur des grandes émotions.

Ce n’est pas une tactique, je n’ai pas de technique particulière. L’idée n’est pas d’être trop sentimental, mais si on s’en éloigne trop, ça n’a plus d’intérêt. Je n’ai pas peur d’aller au bout des émotions, ni à l’écriture, ni pendant le tournage, ni pendant le montage. On est toujours un peu sur la corde raide, quand on veut montrer des émotions très fortes, sans tomber dans un sentimentalisme gratuit.

La musique a toujours eu beaucoup d’importance dans vos films, via des bandes originales très fortes. Là, vous travaillez uniquement avec des chanson pré-existantes: Neil Young, Nirvana, John Lennon, Sigur Ros…

La musique a toujours eu beaucoup d’importance dans la vie de Nick et David Sheff, ele les a souvent réunis, alors j’ai eu envie de partager moi aussi leurs musiques. Et au montage, mon monteur, Nico Leunen, m’a vraiment encouragé à envisager ces chansons intradiégétiques comme une bande originale, et à travailler la BO en ce sens. Et puis il faut dire que si en Belgique, on n’a pas vraiment les moyens de se payer les droits de ces chansons, qu’on doit toujours avoir cette question budgétaire à l’esprit, ici soudain, le champ des possibles s’ouvrait complètement! On a même pu utiliser les chansons sur la longueur, sans s’embarrasser des questions de budget, ce qui nous a apporté une vraie liberté artistique, du moins à ce niveau. Avec la chanson de Sigur Ros, qui dure 7mn, on l’a vraiment utilisée pour accompagner le personnage dans son trajet, et raconter toute une séquence d’espoir, et de rechute.

Votre casting, Steve Carell et Timothée Chalamet, ça fait aussi partie du luxe de l’aventure américaine?

Oui, évidemment. Steve Carell, c’est un génie. Il peut tout faire, c’est évident un comique incroyable, mais il a une force dramatique tellement profonde aussi. Quant à Timothée Chalamet, son génie, c’est qu’il n’a peur de rien, et évidemment, il a un talent fou.

Comment avez-vous vécu cette expérience américaine?

C a été une expérience très forte pour moi. J’ai vécu presque un an et demi aux Etats-Unis, et si je n’ai pas du tout l’intention de m’installer là-bas, ce projet a été très fort en sensations. Aujourd’hui j’ai plusieurs projets sur le feu, mais je ne sais pas encore où je vais aller. Un film, c’est quand même deux ou trois ans de ta vie. Je suis devenu père pour la première fois il y a peu, et je crois que j’ai besoin de me ressourcer un peu ici avant de décider de l’inflexion que prendront les 2 ou 3 prochaines années de ma vie!

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