« Escapada », se libérer de l’héritage familial

Sarah Hirtt continue à explorer les relations entre frères et soeurs dans Escapada, son premier long métrage.

Après avoir déjà mis en scène une fratrie en conflit en En attendant le dégel, Sarah Hirtt creuse le sujet avec son premier long, Escapada, qui aborde la question sous l’angle de l’héritage, et pose notamment cette question: c’est quoi, un héritage? De l’argent? Des terres? Une histoire?

Gustave, Jules et Lou peinent à s’accorder sur l’héritage familial : une maison délabrée entourée de vignes, au Sud de l’Espagne. Gustave, transporteur au bord de la faillite, ne parvient pas à sauver l’entreprise familiale. Jules le militant anarchiste, a coupé les ponts avec sa famille, et vit en communauté à l’autre bout de l’Europe. Quant à Lou, la cadette, elle est perdue entre ses deux frères et ses envies d’ailleurs. Chacun a sa vision du monde et des projets pour ce lieu qui va réveiller les contentieux familiaux et mettre un joyeux désordre dans la vie des personnages.

Les équilibres fluctuent dans la fratrie, au gré des moments de complicité et des clash. S’ils partagent le même patrimoine génétique, Gustave, Jules et Lou s’opposent pourtant sur de nombreux points, d’autant qu’ils semblent souvent en lutte avec le rôle que leur place dans la fratrie voudrait leur faire porter: le successeur du patriarche, le rebelle, la petite dernière… Escapada pose donc la question de l’héritage, matériel et immatériel. Si la maison en Espagne cristallise les tensions sous-jacentes entre Gustave, Jules et Lou, elle ne fait que révéler les contradictions et incompréhensions fondamentales qui infusent les rapports qu’ils entretiennent (ou qu’ils n’entretiennent plus d’ailleurs).

Au-delà des relations distendues entre frères et soeur par le temps, les convictions et la vie qui passe, le film interroge aussi nos modes de vie contemporains, la course à la réussite et à la consommation, et confronte différentes visions de la société: individualisme vs force du collectif, propriété privée vs communauté, réussite sociale vs marginalité.

Alors que Gustave veut revendre la maison pour renflouer les caisses de la société familiale, Jules veut y installer un projet social avec son groupe altermondialiste. Lou de son côté semble affronter ses démons intérieurs, et observe l’affrontement entre ses frères en interrogeant leurs visions du monde, nous poussant à la suivre dans ses interrogations: peut-on vivre en marge de la société? Peut-on inventer de nouveaux modèles de collectivité? Peut-on s’affranchir de la propriété privée et du système capitaliste? Cette utopie pas toujours si douce peut-elle survivre aux destins individuels, et est-elle soluble dans la vie de famille?

Dans le rôle de Gustave, on retrouve le comédien François Neycken, qui était déjà du court de Sarah Hirtt sélectionné à Cannes en 2012, En attendant le dégel. Acteur de théâtre et musicien, on l’a vu récemment dans L’Ours Noir ou encore dans  La Trêve et Ennemi Public. Pour compléter le trio, deux nouveaux venus, Raphaëlle Corbisier et Yoann Manca.

Escapada, dévoilé en avant-première ce 1er octobre au FIFF, est produit par Artemis, et devrait être distribué au printemps prochain par Cineart.

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