Drôles de zèbres !

Les carrières des Namurois Benoit Mariage (né à Virton,certes) et Benoît Poelvoorde semblent étroitement liées depuis leur origine. Leur nouveau film en commun nous arrive le 5 févier.

 

Tous les cinéphiles s’en souviennent : Benoît Poelvoorde (flanqué d’Olivier Gourmet) était déjà présent sur un des courts métrages belges les plus populaires du cinéma belge, le mythique Le Signaleur, deuxième film du réalisateur de Lustin. Il a ensuite tenu le rôle principal des Convoyeurs Attendent (photo ci-dessous), poignante comédie sociale qui définit la ligne claire de Benoît Mariage : une grande gueule flamboyante, mais au fond totalement paumée, tente de se frayer un chemin dans la société sans se rendre compte qu’il détruit ceux qui gravitent autour de lui et qu’il pense rendre heureux. Mis à part la parenthèse de L’Autre où le cinéaste a momentanément voulu aborder un autre thème sur un autre ton, les deux Benoît ne se sont jamais quittés.

 

 

On les retrouve ensemble sur Cow-Boy (photo ci-dessous) où Benoit Mariage révèle François Damiens en comédien de composition et réunit le temps d’une scène mythique Benoit Poelvoorde et Olivier Gourmet. Hélas, le film ne remporte pas vraiment le succès public escompté. La faute à un positionnement peu clair, à cheval entre comédie franche et comédie sociale douce-amère. La faute, dit-on, à une divergence de vues entre le réalisateur et son producteur. L’élan de Benoit est brisé.

 

 

Huit ans après Cow-Boy, le réalisateur s’est déniché un nouveau duo de producteurs pour le soutenir : Michael Goldberg et Boris Van Gils. « Nouveau » n’est d’ailleurs pas le terme adapté puisque Boris était assistant de Benoit Mariage sur Les Convoyeurs attendent, L’Autre et Cow-Boy et qu’on aperçoit Michael Goldberg dans l’Autre et en journaliste d’une télé locale dans Cow-Boy.

 

Depuis, le duo a notamment produit Michael Blanco et le Monde nous appartient de Stephan Streker, mais aussi l’atypique et multi-récompensé Viva Riva. Ils sont chacun à la tête d’une cellule de production : MG à Bruxelles pour l’un, Formosa à Paris pour l’autre et ont même créé une structure de distribution belge : l’audacieux Bardafeu a sorti Le Monde nous appartient au printemps dernier et amènera Les Rayures du zèbre dans les salles le 5 février 2014. Pour cette seconde expérience, le duo a carrément engagé Jean-Paul Bertin pour manager Bardafeu. Vu la très longue expérience de ce ténor de la distribution, patron de UIP pendant de très nombreuses années, on peut imaginer que le sort du nouveau long métrage de Benoit Mariage est entre de bonnes mains.

 

 

Tant mieux , car Les Rayures du Zèbre aura bien besoin de cet apport stratégique pour se frayer un chemin à travers un circuit de distribution de plus en plus compliqué à aborder pour les films de moyenne envergure financière avec une vraie personnalité. Qu’ils soient belges ou étrangers d’ailleurs, là n’est plus le problème.  Ceux qui pensent qu’il s’agit d’une malédiction concernant la seule production belge francophone se trompent lourdement, un coup d’œil aux récents box-offices le démontre aisément.

 

 

Pour lancer leur film, les producteurs ont choisi de s’appuyer sur une campagne de promotion courte, mais intense, ce qui explique que nous n’avons pu aller sur le tournage pour un Cinevox qui aurait eu toute sa place sur les écrans de cinéma. La bande-annonce vient tout juste de sortir (voir ici) et il faudra attendre janvier pour assister aux premières avant-premières du film qui nous arrivera donc début février dans la foulée des Magritte.

Vu le nombre de personnes qui se sont ruées sur la bande-annonce diffusée sur notre site, on peut déjà dire qu’il y a de la curiosité autour de cette nouvelle rencontre entre les Benoit namurois. Mais cela se traduira-t-il par un succès en salle? C’est difficile à prévoir, car de nombreux accès d’enthousiasme ne se transforment pas forcément en envie d’aller découvrir le film en salles dès sa sortie.

Or, l’espérance de vie d’une œuvre comme celle-ci est d’environ deux semaines si le public ne suit pas massivement dès le départ. Ces derniers mois, des films au profil similaire ont sombré corps et biens dans l’indifférence. La panique est telle que certains longs métrages avec un réel potentiel ne sont même plus placés en salles par des distributeurs qui les auraient sortis avec fierté il y a quelques années encore. Méfiance donc.

 

 

Mis en production sous le titre Akwaba, Les Rayures du Zèbre, raconte l’histoire de José, 45 ans, manager de footballeurs africains. Cette grande gueule à l’accent prononcé qui évoque la gouaille de feu Raymond Goethals  a fait des quartiers populaires d’Abidjan son terrain de chasse favori. Là, pour survivre, les filles vendent leur charme pendant que les mecs, tous accros au ballon, caressent le même rêve insensé de conquérir l’Europe et ses salaires faramineux.  C’est dans ce contexte que José découvre Yaya, jeune surdoué, à qui il promet un brillant avenir footballistique. Il l’embarque dans ses bagages et le ramène pour un test au Sporting de Charleroi.

 

 

Si nous évoquions plus haut Raymond Goethals, il faut préciser que le film a été inspiré à Benoit Mariage par le manager de football, Serge Trimpont (voir ici une interview de Benoit réalisée il y a deux ans déjà). C’est l’ex-journaliste du Soir qui lui a dévoilé les coulisses du métier d’agent.

 

 

Outre Benoit Poelvoorde, Benoit Mariage a, à nouveau, fait appel à une galerie d’acteurs essentiellement belges. Il a eu le culot de donner au jeune Marc Zinga, qu’il a découvert à l’IAD, un premier rôle très en vue.  Le chanteur de The Peas Project a déjà été aperçu dans des petits rôles à la télé et au cinéma; il a même réalisé Grand Garçon, un court métrage dans lequel il joue et qu’on a vu au FIFF namurois. Tous ceux qui le connaissent sont d’accord: c’est un immense talent. Le troisième personnage clef de l’histoire est Tom Audenaert, un des trois zigotos de Hasta La Vista, qui interprète ici un autre cadre du football belge en vadrouille en Côte d’Ivoire.

 

 

Tourné en partie en Afrique, puis en Belgique, Les Rayures du Zèbre est moins un film sur le foot qu’une nouvelle comédie douce-amère qui permet à Benoit de traiter ses thèmes de prédilection : la paternité et la relation filiale. Il y aborde aussi les rapports complexes entre Europe et Afrique faites d’admiration, de mépris et d’un colonialisme latent qui a la vie dure. Autant d’ingrédients qui augurent d’un film capital pour replacer Benoit Mariage sur la carte des réalisateurs qui comptent.

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