Doubleplusungood, expérience filmique à part, suit les pas, en 2018 dans un pays qui n’existe pas, de Dago Cassandra, petit truand qui revient dans son royaume après 15 ans d’exil investi d’une mission divine: tuer les 12 apôtres de Lucifer représentés par la pyramide du pouvoir… Son sacrifice l’entraînera dans une spirale meurtrière sans fin.
Dago a du boulot. Il s’est donné pour mission d’éliminer l’un après l’autre les 12 bâtards de Lucifer. Une tâche pour le moins ardue, mais à laquelle Dago se consacre corps et âme. Littéralement. 12 salopards à éliminer, banquiers margoulins, traders insolents, avocats véreux, 12 hommes qui n’ont de respectable que le costume, et encore. Pour ce qui est de la colère, Dago s’en charge. Sa mission l’entraîne aux quatre coins d’un territoire fantasmé, une Amérique travestie, celle qui n’existe plus que dans les vieux films noirs et les romans policiers d’occasion. Une Amérique aussi vaste qu’anxiogène, qui sent bon le noir et blanc et la fumée des Camel de Philip Marlowe. Une Amérique du verbe aussi, un goût du dialogue et des mots que l’on retrouve dans les déclamations tout en flegme de Dago, et les flash à la radio qui égrène le compte des victimes.
Doubleplusungood tient à la fois du film hommage, du film objet, et possiblement du film culte. Fourmillant de références élégamment mises en scène, on y sent l’amour chevillé au corps de Marco Laguna pour une certaine idée de l’Amérique, du polar, du antihéros. Un amour sublimé en super 16 des belles bagnoles, des losers magnifiques, des gueules cabossés, et des corps qui souffrent. Au fil des 12 meurtres comme 12 vignettes qui composent le film, Marco Laguna filme la Belgique comme s’il était en Californie, emboîtant le pas de son héros (incarné par le musicien Wild Dee), sorte de croisement hyper cinégénique entre un De Niro qui aurait un peu morflé et un private eye sixties passé du côté obscur de la force.
La mission de Cassandra se révèle le prétexte idéal pour dérouler une succession de scènes épiques, où le héros se délecte de la mise en scène toujours très spectaculaire de la déchéance de ses victimes. Avec une mention spéciale pour les tentatives de fuite et courses poursuites de ses cibles mouvantes, l’une à pied, en mode La Mort aux Trousses, l’autre en voiture, avec en passant le plaisir de croiser Bouli Lanners, la dernière au fond des bois, en mode stroboscopique.
Baroque, épique, psychédélique, fétichiste, gore, punk, Doublelusungood est tout ça à la fois et plus encore. Marco Laguna est connu de beaucoup comme chanteur du groupe radical La Muerte. Passionné d’images et de cinéma, devenu d’ailleurs réalisateur et producteur de clips depuis quelques années, il a mis 5 ans à tourner Doubleplusungood, 5 ans de bouts de ficelle et de passion, pour un résultat hors du temps, servi par une bande originale impeccable, un film à la marge, qui pourrait bien rencontrer le public qui voue justement un culte aux marginaux qui osent tout.
Doubleplusungood sera présenté ce soir à 21h30 à l’UGC dans le cadre du Brussels International Film Festival en Compétition National, et sera rediffusé demain mardi 26 à 19h au Cinéma Galeries.