Le cinéaste belge Raoul Servais, pionnier du cinéma d’animation mondial est décédé à l’âge de 94 ans.
Première Palme d’Or du cinéma belge, Lion d’Or à Venise, inventeur de la servaisgraphie… Raoul Servais a marqué de son empreinte le cinéma d’animation belge et mondial.
Raoul Servais est né en 1928 à Ostende. Son enfant s’écoule, heureuse, dans cette grandiose ville victorienne, tout à la joie de jouer avec ses crayons de couleur, et à la fascination de découvrir les petits dessins animés de Felix le Chat et les films de Charlie Chaplin projetés par son père dans la résidence familiale sur un petit projecteur de table. Mais cette félicité est brutalement interrompue par la guerre, qui le fait passer de l’opulence à la peur et la misère, et qui viendra hanter son oeuvre avec la régularité d’un métronome.
Après la guerre, il intègre les Beaux-Arts de Gand, et sa spécialisation en peinture monumentale l’emmène sur les pas de René Magritte, qu’il accompagne lors de la réalisation de sa fresque géante, Le Domaine Enchanté, pour le casino de Knokke. Avec son ami le peintre Maurice Boel, il relance le Ciné-Club d’Ostende, une véritable institution créée avant la guerre par le cinéaste Henri Storck et le peintre surréaliste Félix Labisse. Il réalise son premier film, Les Lumières du Port en 1953, avec l’aide financière et logistique de sa famille et de ses amis. Le film remporte le Grand Prix du Festival du Film Belge, lui confirmant ainsi que là est bien sa voie…
Il enchaîne alors les oeuvres et les prix. Tout au long de sa carrière, il remet sans cesse en question son art, développant de nouvelles techniques (les éléments découpés de Fausse Note, l’hommage à la peinture expressionniste flamande dans Pegasus), jusqu’à l’invention de la servaisgraphie, « un système de trucage permettant d’une part l’incrustation de personnages filmés en vues réelles dans des décors de création graphique et, d’autre part, un système augmentant la qualité de ces décors », lors de la réalisation d’Harpya, court métrage qui lui valut sa Palme d’or en 1979.
Il développa ensuite la technique avec son seul long métrage Taxandria, film devenu culte sorti en 1994, qu’il perfectionna pour l’amour de l’art dans Papillon de Nuit.
L’éternel jeune homme apparaissait récemment dans le documentaire La belge histoire du Festival de Cannes, chevauchant son scooter à trois roues sur les routes de Flandres, et y présentant sa Palme d’Or précieusement conservée. Son film, Harpya, avait d’ailleurs l’insigne honneur d’être à nouveau programmé sur la Croisette en 2017 à l’occasion des 70 ans du Festival de Cannes. Dans Raoul Servais, mémoires d’un artisan, il se confie sur son « passage » au digital, qui le fait redevenir débutant, et s’en remettre avec curiosité et bienveillance à la maîtrise de ses assistants. Alors qu’il travaillait encore il y a quelques années sur une série de films pour la télévision, il y confiait regretter néanmoins l’odeur et le toucher de ses vieilles feuilles de cellophane.
En 2015, son avant-dernier film en date, Tank, était primé au Festival de Valladolid. En 2019, l’Académie André Delvaux lui décernait un Magritte d’honneur, afin de saluer l’incroyable richesse de sa carrière et de son apport au cinéma mondial. Son dernier film, Le Grand Gaillard, co-réalisé avec Rudy Pinceel, d’après un scénario original de Raoul Servais, était dévoilé au festival de Gand en octobre dernier.