Diana Elbaum: « offrir au public une comédie trans-générationnelle pour son retour au cinéma »

Rencontre avec Diana Elbaum, à quelques jours de la sortie d’Adorables, la comédie familiale de Solange Cicurel, premier long métrage belge produit par sa nouvelle société Beluga Tree, qui prend également en charge la distribution du film. On fait un point sur ce triple défi: sortir une comédie, en plein été, et en période post-confinement!

Comment vous sentez-vous à quelques jours de la sortie?

Je suis très impatiente! C’est une sortie importante, les enjeux sont grands, pile au moment où le public va renouer avec les salles. On est impatients aussi car le film est fini depuis près d’un an. Cette date du 29 juillet, c’est une date qu’on projette avec UGC France depuis un an déjà! On n’a pas changé la date, mais c’est peu de dire que la situation a changé…

Adorables Nicolas Schul

Ca n’a rien changé en termes de calendrier mais j’imagine que la stratégie de sortie a changé…

Effectivement, si on a gardé les dates, on a dû réinventer des pratiques. L’inconnu du confinement de mars a fait qu’on a dû arrêter net toute la préparation marketing et la communication, et on a dû tout mettre en place dans l’urgence quand les choses se sont éclaircies mi-mai. Au final, je crois qu’on a travaillé mieux, et plus vite! L’avantage, c’est qu’il y a moins de sorties, et que les équipes en place ont eu plus de temps, notamment chez UGC en France, qui doit d’habitude gérer une sortie par semaine. 

Côté Belgique ça s’est avéré un tout petit peu plus compliqué, puisque comme les cinémas ne rouvrent que cette semaine, les équipes ne sont pas encore en place, et on a dû attendre un peu plus pour travailler avec les salles.

On sait que l’écho médiatique français est très important pour la sortie d’un film en Belgique. UGC semble avoir mis en place un gros dispositif pour la France, et présente Adorables comme la comédie familiale de l’été?

Oui, on a la chance d’être distribué par UGC, qui travaille sur ce concept de comédie familiale estivale depuis quelques années, et qui a accompagné des cartons comme Ma Reum ou C’est quoi cette mamie?! Ils ont su profiter de ces huit semaines d’été où le nombre de sorties baisse en général, et où l’on suppose depuis des années que les gens ne vont pas au cinéma puisque ce sont les vacances. Alors qu’on s’aperçoit que pas du tout! Dès juin 2019 en fait, UGC a positionné le film comme comédie familiale de l’été. Il faut dire que les séances de projection test ont donné d’excellents résultats, et des retours très enthousiastes du public. C’est un film trans-générationnel, et très fédérateur auprès des familles, ce qui est rare. Le film résonne aussi bien auprès des ados que des parents. 

Espérons que l’absence de gros blockbusters américains cet été offrira de nouvelles fenêtres d’opportunité au film, grâce au désengorgement du nombre de sorties. Le film sort en France sur 600 copies, du jamais vu pour une comédie belge. C’est une opportunité énorme. Evidemment, on s’interroge sur l’envie de cinéma qu’auront les gens, et leur peur du Covid, mais c’est une belle opportunité qui s’offre au film.

Quelle est la stratégie en Belgique, vous avez choisi de sortir le film vous-mêmes?

On a décidé de sortir le film nous-mêmes car on a vu dès le premier montage que le film sortait des créneaux habituels des distributeurs ici. C’est une comédie, belge qui plus est, ET un film familial, un genre qu’on voit peu. Et puis c’est une manière pour nous de travailler sur l’univers du film, et de bénéficier de l’apport du travail fourni par UGC. On croit que le film peut trouver sa place en Belgique. On avait eu une très belle expérience avec Faut pas lui dire, on croit à la comédie. 

On a aussi la chance d’ouvrir le Pop-Up Mills pour l’avant-première du film dans une belle salle aménagée spécialement, et conforme aux règles de sécurité. On profite aussi que toutes les fêtes extérieures soient annulées le 21 juillet pour faire une avant-première simultanée dans une trentaine de salles dans tout le pays, de la côte aux Ardennes. On espère pouvoir proposer aux familles quelque chose de joyeux et festif. Le cinéma peut aussi être spectacle et évènement, et la séance sera précédée d’un jeu animé par Solange Cicurel et Kody. Tous ces rendez-vous permettront de préparer la sortie nationale le 29 juillet. Dans cette période étrange, on essaie de trouver d’autres manières de ramener du public dans les salles.

On est vraiment contents d’avoir réussi à convaincre des exploitants en Flandre, sur la côte. Covid oblige, les Belges vont moins bouger cet été, rester en Belgique, et auront envie d’expériences collectives tout en respectant les règles du gouvernement. Rien ne remplace l’expérience collective. Le faire avec un film qui fait sourire, et qui propose une introspection à propos des rapports que l’on entretient avec nos enfants, quelle belle occasion. Après avoir vécu confinés pendant des mois, autant en rire!

Vous aurez des invitées particulières pour l’avant-première?

Oui, la Première Ministre Sophie Wilmès a répondu positivement à notre invitation, elle viendra découvrir le film avec ses filles. Nous accueillerons également la Ministre de la Culture Bénédicte Linard. Le fait qu’elles nous honorent de leur présence est aussi un signal. Les rapports entre le monde de la culture et le politique ont été complexes pendant le confinement, je veux y voir un signal qu’on peut aller plus loin. La consommation de la culture a été prédominante pendant le confinement, elle a certainement contribué à préserver la santé mentale de la population, et à continuer à créer du lien. Il faut reconnaître les ouvriers de cette culture pour pouvoir reconstruire le monde d’après.

Comment voyez-vous la suite pour le secteur.

Ca s’annonce très intéressant. Je ne sais pas quand va revenir la normalité, les tournages vont reprendre bientôt grâce au fonds de garantie, mais les problématiques de circulation des équipes vont perdurer. Là on devait faire des repérages au Kazakhstan qui vient de refermer ses frontières, ça risque de nous arriver encore quelque temps. L’absence du cinéma américain va aussi peser lourd sur la capacité des salles à résister. La culture doit être refinancée à 100%. Aujourd’hui, le financement du marché, c’est celui des plateformes. C’est formidable, les plateformes, ça permet à certains de vivre, mais cela ne génère pas spécialement du contenu local, cela génère un contenu basé sur les datas.

L’explosion des plateformes va nous permettre de vivre, mais est-ce que cela ne pas pas appauvrir la diversité des expressions? Il faut s’interroger politiquement. Il y a une place à prendre pour les plateformes,  mais il faut renforcer la culture et ses auteurs et autrices pour ne pas perdre de talents en route.

En même temps, je pense qu’il y a énormément d’opportunités pour réinventer le monde ou même inventer le monde d’après. Comment nos jeunes (et moins jeunes) talents vont imaginer de nouveaux récits, de nouveaux modes de narration? J’ai hâte de voir ça…

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