Des racines et des ailes (à propos des « oiseaux de passage »)

C’est sans doute le long métrage belge le plus primé cette année et pourtant peu de spectateurs l’ont vu chez nous :  Les Oiseaux de passage, réalisé par le Bruxellois Olivier Ringer sur un scénario coécrit comme d’habitude avec son frère Yves est un joli film un peu fragile, qui porte en lui un message d’une vraie noblesse.

On le (re)découvrira avec plaisir lors du Be Film Festival, dimanche 27 décembre à 14h45

 

 

En Belgique, on a les frères Dardenne, les frères Malandrin… et les frères Ringer.

Cette troisième fratrie œuvre dans le cinéma depuis une dizaine d’années avec une spécificité : ses productions sont essentiellement destinées aux enfants. Un parti pris assez radical et fort rare qu’Yves et Olivier assument avec une belle constance. Et sans mièvrerie.
Quand on parle d’enfants, on devrait plutôt évoquer des films « familiaux » dans une optique qu’on a un peu perdue de vue aujourd’hui, mais qui fut très en vogue jusqu’aux années 70 environ. Des œuvres qui mettent en scène des kids, développent des sentiments nobles, évitent soigneusement les clichés du moment (la violence, le cynisme…) et posent des questions finalement fondamentales.

Réactionnaire? En aucun cas. C’est même tout le contraire !

 


Pom le Poulain (photo) fut le long métrage qui révéla les frères. La recette est efficace : un récit simple dans des décors magnifiques, des scènes clés qui font couler les larmes des enfants; et aussi de quelques adultes. Un joli petit succès.

 

Les frères viennent déjà de définir le schéma qu’ils vont ensuite développer: schéma scénaristique, schéma de production et de travail : l’histoire est signée par les deux frères qui (co)produisent également leurs longs métrages, mais c’est Olivier qui réalise.

 

 

À Pas de loup (photo) est d’ailleurs une démarche encore un peu plus familiale puisque la jeune héroïne du film s’appelle Winona… Ringer. La petite fille, ignorée de ses parents, va disparaître au moment où ceux-ci quittent leur maison de vacances. Seule, égarée volontaire dans la nature, elle va vivre une aventure extraordinaire.
Moins classique dans sa mise en scène que Pom le Poulain, A Pas de Loup se situe à un improbable carrefour entre le film familial et le film d’auteur pur et dur. Un parti pris étrange qui lui coûte sans doute une belle carrière en salles, mais lui offre un tour du monde des festivals de cinéma réservés aux plus jeunes et la possibilité d’empocher au passage quelques prix gratinés.

 

En 2012, A Pas de Loup décroche même le ECFA Award ((European Children’s Film Association), trophée prestigieux qui a pour but de récompenser le meilleur film pour la jeunesse sur toute une année. Le mécanisme est simple, calqué sur celui du Mélies d’or mis en place pour les films « de genre » : pendant douze mois, neuf festivals de cinéma pour la jeunesse octroient des Awards. Les œuvres primées dans ces différentes manifestations forment la short list de l’ECFA.

À l’issue de cette présélection naturelle, 60 membres de l’association, tous des professionnels, sont invités à voter. Cette année-là, A Pas de Loup l’emporte… face à Tomboy de Céline Sciamma. C’est dire le niveau de la compétition.

 

 

Constamment en train d’écrire ou de tourner, les frères travaillent ensuite sur un film « différent », L’homme de la montagne (inédit), puis reviennent à leur style de prédilection pour Les oiseaux de passage, en quelque sort, une synthèse de Pom, le Poulain et d’A pas de loup.

 

Dans cette ode à la liberté et à l’émancipation, on retrouve pêle-mêle l’amour inconditionnel du duo pour les animaux, une acerbe critique des parents trop occupés à « autre chose » pour s’occuper de leurs enfants, une quête, une fillette déchirée entre les adultes qui sont censés veiller sur elle et une sourde solitude…

 

 

Cathy a tout juste dix ans. Pour son anniversaire, elle reçoit … un œuf. Fécondé. Et une couveuse. À charge pour elle d’assister à l’éclosion afin que l’oisillon la choisisse comme maman. Son papa a toujours de drôles d’idées : il n’a pas de voiture, se déplace en vélo et en barque, évolue en électron libre, un peu à la marge. Mais Cathy ne le voit pas très souvent. Comme de bien entendu, c’est avec sa maman qu’elle vit, une femme charmante et dynamique, bien intégrée dans la vie… mais très absente. Un adulte moderne qui a « autre chose à faire ». Un peu comme les parents de la fillette d’A pas de loup.

Quand le caneton sort de la coquille, Cathy est dans une autre pièce et c’est sa meilleure amie Margaux, qui assiste à l’événement. Du coup, monsieur canard est définitivement persuadé que la petite fille est sa maman (oui, le thème rappelle L’Envolée sauvage, on est d’accord).
Ce qui aurait pu être le début d’une histoire charmante se révèle vite être une impasse, car Margaux est coincée sur un fauteuil roulant et elle doit bientôt partir vivre en institution. Ses parents qui décident de tout, décrètent qu’elle n’est pas en état de s’occuper d’un oisillon et s’en débarrassent.  Au grand dam des fillettes qui ne comptent pas renoncer aussi facilement.

 

 

Film d’aventures « à l’ancienne » pour les jeunes, Les Oiseaux de passage est ancré dans la réalité plutôt que dans le fantastique onirique et virtuel. Sous ses allures de « petit » film un rien naïf, c’est surtout un récit initiatique pour les enfants, enthousiasmant malgré sa simplicité.

Ne le cachons pas, le film n’est pas parfait: le jeu des enfants est un peu hésitant, les attitudes parfois déconcertantes de quelques personnages semblent surtout dictées par la nécessité de faire avancer le scénario, MAIS, au bout du compte, on sort du film ému et on a vraiment envie de le montrer aux plus jeunes qui s’y nourriront, au-delà de l’aventure qu’ils risquent de beaucoup apprécier, de sentiments forts et d’une ouverture d’esprit qui n’est pas forcément au menu de productions plus commerciales.

 

 

À côté des deux fillettes omniprésentes, campées par Camille Djuroski et Lea Warny, les frères ont réuni beaucoup de comédiens de chez nous, plutôt connus pour leur prestation sur les planches, mais vus aussi au cinéma.

Parmi eux Alain Eloy (Le photographe des Corps étrangers), Jeanne Dandoy (Rundskop), Renaud Rutten (à qui il serait temps d’offrir un grand rôle dramatique, car il en a l’étoffe), Morgan Marinne (Pom le poulain et Le fils bien sûr) et dans des plus petits rôles Erico Salamone, Achile Ridolfi (peu servi par le montage) ou… Marc Herman. Un casting efficace qui agit en contrepoint des deux fillettes de plus en plus isolées dans leur petit monde.
Marchant déjà sur les traces d’A Pas de Loup, Les oiseaux de passage, a été sacré « Meilleur long métrage » de la compétition au Festival des Films pour Enfants de Montréal où il était présenté en première mondiale.
Le jury international lui a décerné le Grand Prix de Montréal, saluant un “magnifique film, tout en finesse”.

Au  Schlingel International Children Film Festival (Allemagne) , il s’est vu couronné de deux prix : le Prix MDR (télévision régionale) du Jury international ainsi que le Prix Spécial du Jury de l’ECFA (European Children’s Film Association).

Lors de la remise des prix du Buster international Film Festival de Copenhague, il a reçu le Prix spécial du jury.

le prestigieux festival tchèque de Zlin lui a remis le Golden Slipper, grand prix du festival, ainsi que le prix de la European Children Film Association (ECFA).

Enfin, lors de la cérémonie de clôture du festival jeune public « Mon premier Festival », en octobre, il  a remporté le Prix du public.

 

Ca donne envie de le découvrir, non?

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