Lundi matin. Paul Wertret, cinquante ans, se rend à la Banque Internationale de Commerce et de Financement, où il est chargé d’affaires. Un lundi matin comme tous les autres. Vraiment ?
Comme à son habitude, Il arrive à huit heures. Mais au lieu de rejoindre son poste, il pénètre sans frapper dans l’antre du chef de service, sort un revolver et l’abat. Dans le couloir, un de ses jeunes collègues, DRH arrogant, tente de s’enfuir. Paul le tire comme un lapin, puis va s’installer dans son bureau vitré.
Dans l’attente des forces de l’ordre, cet individu, doux et calme, jusque-là sans histoire, revoit des pans de sa vie, les minuscules évènements qui l’on conduit à commettre son acte. Un acte inexcusable, induit par une inexorable succession de brimades qui, prises séparément passeraient presque inaperçues. Mais qui mises bout à bout peuvent détruire l’être humain le plus équilibré.
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Le formidable De Bon Matin de Jean-Marc Moutout s’inscrit dans la lignée des films qui, l’air de rien, dissèquent la vie en entreprise à notre époque peu bénie où beaucoup peinent à trouver une place au milieu du « Système ». À moins de ne pas réfléchir; jamais.On pense à Rien de personnel (déjà avec Jean-Pierre Daroussin, extrêmement sensible à la thématique et un étonnant Bouli Lanners), ou Sauf le respect que je vous dois de Fabienne Godet avec un exceptionnel Olivier Gourmet qui figure aussi dans Le Couperet de Costa-Gavras qu’on peut ranger sur la même étagère. Citons encore Trois huit de Philippe Le Guay , Ressources humaines de Laurent Cantet et Violence des échanges en milieu tempéré, de Moutout déjà, avec Jérémie Renier: on obtient ainsi les bases d’un cycle francophone pour ciné-club clairvoyant. Une thématique forte, très représentative (hélas) de notre époque (im)pitoyable.
« On avait rarement vu Jean-Pierre Darroussin aussi impressionnant que dans « De bon matin » de Jean-Marc Montout. […] Son film laisse un goût amer dans la bouche et une envie de manifester sa rage à l’unisson du héros », explique Caroline Vié dans 20 minutes. On est assez d’accord. D’une impressionnante dignité le personnage qu’il campe ici s’effondre psychologiquement alors qu’il ne soupçonnait même pas qu’il puisse un jour trembler sur ses bases. L’image sympathique, calme et bienveillante que véhicule l’acteur décuple l’impact de ce jeu de massacre.
« Huit ans après « Violence des échanges en milieu tempéré », Jean-Marc Moutout fait preuve, une nouvelle fois, d’une formidable maîtrise dans l’art de raconter comment l’entreprise peut broyer des hommes. », surenchérit Le Parisien. Et il est certain que le metteur en scène français maîtrise totalement son implacable démonstration tout en nuances, mais d’une incroyable puissance aussi.
Contrairement aux oeuvres des frères Dardenne, autres réalisateurs sensibles à cette thématique, Moutout calme le jeu, pose sa caméra, soigne le cadre pour insuffler à son film la glaciale froideur d’un univers d’indifférence. Au bout du compte, De Bon Matin glace le sang et invite à une révolte individuelle qui ne semble pourtant pas prête à naître dans nos sociétés. Le film montre également pourquoi. Sans moraliser le débat, en nous plaçant habilement dans la peau de son quidam éreinté.
Comme tous les longs métrages que nous évoquons ici, De Bon Matin a du sang belge dans les veines : il a été coproduit par Need Productions (Au Cul du Loup), est soutenu par la Fédération Wallonie Bruxelles et a été cofinancé via Inver Invest par le tax shelter fédéral. Mais surtout, on retrouve à l’affiche, un Yannick Renier quasi méconnaissable en jeune DRH tête à claques qui ne l’emportera pas au paradis.
Bref, voilà un très grand film, n’en doutez pas. Qui vous fera passer sinon « un bon moment », au moins une soirée intense propice à une réflexion profonde sur le sens de la vie qu’on nous impose aujourd’hui, réflexion de nature à remettre en cause l’àquoibonisme contemporain.
Dès le lendemain, vous ne regarderez plus vos collègues du même œil, surtout celui-là, placide et d’humeur égale qui vous sourit, mélancolique. Et vous fixe avec un peu trop d’insistance…
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