David Murgia
Comédien engagé,
homme engageant

Il a un agenda de ministre. Mais pas de chauffeur ,ni de jet privé. David Murgia est un Acteur. Un Comédien. Notez les majuscules.

Ceux qui découvriront La Tête la Première, le premier film d’Amélie van Elmbt n’auront aucun mal à l’admettre : le jeune homme bouclé, sorte de Louis Bertignac jeune, le charme en plus, est doté d’un insolent talent. À 24 ans, il est déjà une des personnalités culturelles belges qui comptent. Et si nous élargissons d’emblée le champ de nos louanges bien au-delà du cinéma, c’est parce que tous les aficionados de théâtre savent que cette grenade dégoupillée, grande gueule, drôle et irrévérencieux, secoue les planches depuis quelques années. Un phénomène, oui !

 

 » David est le meilleur acteur belge de sa génération. Aucun doute là-dessus » (Stephan Streker)

 

Quand nous l’avons interviewé (merci Skype), David Murgia se trouvait en Normandie où il s’apprêtait à jouer Le Chagrin des Ogres créé par son frère Fabrice. Le lendemain, il sautera dès 6 heures dans un train. Direction Paris pour quelques filages matinaux avant d’interpréter deux fois Le Signal du Promeneur au théâtre de l’Odéon parisien. À 15 et 20h. Il sera temps ensuite de prendre la direction de… Gans où il tourne dimanche aux abords du stade de foot, quelques scènes du premier long métrage réalisé par Riton Liebman Je suis Supporter du Standard dans lequel il a un second rôle engageant.

 

[Le Signal du Promeneur – David deuxième à partir de la gauche]

 

Ce qui l’anime? La passion, la folle envie de dévorer la vie à pleines dents.

L’argent? Pensez-vous ! Si l’intégrité avait un autre nom, ce serait sans doute « David Murgia ». Mais cette absence de calcul, cette volonté de découvrir et d’avancer peuvent paradoxalement s’avérer très payantes sur le long terme.

David a participé à La Tête la Première par pur plaisir, mais aujourd’hui le film est sélectionné au Festival de Cannes et il y est tellement bouleversant que, finalement, ce tournage est un excellent… investissement (pour rester dans la métaphore financière, juste histoire de le titiller un peu).

 

 

« Amélie est venue au Conservatoire de Liège pour repérer de jeunes acteurs pour un film de Jacques Doillon avec lequel elle collabore depuis quelques années. Le directeur m’a appelé et j’ai débarqué avec ma mobylette. On s’est mis à discuter pendant des heures et de fil en aiguille elle m’a parlé de son propre projet »

Ces deux-là s’étaient trouvés !

« Aujourd’hui ce film existe. On a réussi. C’est juste incroyable. Incroyable qu’Amélie soit parvenue à réunir autour d’elle une équipe de bénévoles aussi talentueux et suffisamment motivés pour travailler à l’arrache pendant 30 jours;  incroyable qu’elle ait ensuite réussi à faire un vrai film avec tout cela, le film qu’elle avait à l’esprit.

La première fois que nous en avons discuté, elle n’avait qu’une idée, même pas vraiment un synopsis et nous avons discuté longuement. Je suis ensuite parti en Grèce où j’ai fait de la randonnée pendant quelques semaines pour décompresser d’une année très chargée et c’est là-bas qu’elle m’a envoyé le scénario qu’elle avait écrit en trois semaines. Quand je suis revenu, on a tourné presque immédiatement. Tout m’intéressait dans ce projet fou, mais je voulais surtout chercher à savoir si j’étais capable d’assumer un premier rôle, une performance de tous les jours pendant un mois. C’était un vrai test. »

Réussi. Haut la main.

 

 

« C’était une expérience fabuleuse. Nous étions une petite équipe, très professionnelle, une dizaine de personnes concernées, mais totalement libres aussi. Nous étions nos propres maîtres, nous continuions à travailler jusqu’à ce qu’on ait en boîte tout ce qu’il nous fallait, sans entrave. On se levait tôt, on se couchait tard. On fonçait d’un endroit à l’autre parce qu’il fallait qu’on le fasse ce film. En un mois. Et on a tourné dans plein de lieux différents, avec quand même une échéance à respecter. Il y avait une énergie redoutable, une envie, de l’enthousiasme. Ça nous portait. »

Cette urgence se retrouve dans chaque plan du film (nous y reviendrons), c’est sa force et son identité. Pourtant rien n’a été laissé au hasard. Pas question de s’arrêter à une prise qui semblait imparfaite.

« Amélie tourne énormément de prises. La plupart du temps, deux appareils filmaient la scène. Un fixe et un mobile. On était guidé par cette écriture fraîche et moderne, mais on avait aussi l’espace pour improviser, essayer des choses, varier le rythme. On n’avait pas de barrières.  »

La qualité de l’interprétation est une des forces de La Tête la première. Tout le monde y est juste et puissant. Pour preuve une scène assez inoubliable dans un petit bar de la campagne française. Le duo phare du film se plonge dans un environnement non professionnel : des habitués de l’endroit, la patronne. Le moment est juste succulent…

 

 

« Ha oui « , s’enthousiasme David. « La scène du café, c’est un des plus formidables moments de ma vie lié au jeu. On était là avec les gens du village. Ca bouillonnait dans ma tête et dès qu’Amélie criait moteur, je partais en vrille. On essayait constamment de les déstabiliser et eux ils marchaient dans la combine, ils jouaient magnifiquement le jeu. On a vraiment créé des liens. Du coup, chaque fois qu’on avait un moment on allait boire une bière dans ce bar. »

Aujourd’hui, quelques privilégiés ont découvert le film à Bruxelles grâce au soutien bienvenu d’Éric Franssen et la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a organisé une projection au cinéma Aventure. Accueil enthousiaste entre étonnement un peu béat et jubilation de voir un projet aussi fou, aussi abouti.

 

« J’ai vu le film pour la première fois il y a trois jours, à la projection d’équipe, serrés dans un canapé d’appartement, » confie David. « Je n’ai quasiment aucun recul. Mais c’était drôle à regarder avec tout le monde. J’ai reçu quelques messages très gentils et encourageants depuis la projection à Bruxelles. Je ne m’attendais pas du tout à ça.  »

Et pourtant… Comment pourrait-il en être autrement?

David attend maintenant impatiemment que le film soit vu. À Cannes d’abord. Et puis? Qui sait…

 

[David Murgia, effrayant  dans Rundskop – photo Maarten Vanden Abeele]

 

« Je ne veux pas me disperser. Je refuse toutes les pubs par exemple. J’ai envie de faire du cinéma, mais pas seulement. Et pas à n’importe quel prix. J’adore les plateaux: j’y ai fait de formidables rencontres comme Michael Roskam, Frédéric Fonteyne (David est dans  Tango Libre où il se définit comme « un figurant de luxe » puisqu’il a tourné 20 jours dans les arrières plans) ou Bernard Bellefroid. Je serai dans son prochain film Match over. Il se pourrait qu’il en réalise un autre avant, on verra… mais je ne veux pas me couper du théâtre; ça jamais.  Je viens d’enchaîner quelques spectacles qui me portent et à la rentrée je serai au théâtre National dans « Discours à la Nation ».

C’est Ascanio Celestini, un dramaturge italien dans la veine de Dario Fo qui m’écrit ce spectacle. C’est incroyable et j’ai hâte d’y être. C’est un nouveau défi formidable, car ma seule conviction aujourd’hui c’est de tenter d’avoir un impact sur le public. Et pour cela le théâtre est idéal. Mais l’avantage du cinéma est sa diffusion beaucoup plus large. On peut toucher énormément de monde. Et il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas raconter des histoires au grand public et en même temps lui faire passer un message fort. J’y crois ! »

Nous aussi, on y croit. Et pas qu’un peu !

 

 

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