Daphné Patakia: « Mimi n’a pas de filtre, et j’aime bien ça »

Ce mercredi sort Sur la branche de Marie-Garel Weiss, comédie atypique incarnée par Benoît Poelvoorde et la jeune comédienne belge Daphné Patakia, qui nous parle de ce rôle et de cette rencontre, mais aussi de ses projets et ses engagements…

L’histoire? Mimi a presque trente ans et rêve toujours à ce qu’elle pourrait faire quand elle sera grande. Mimi est bipolaire. Sa vie est ponctuée d’attaques de panique, de grandes joies trop intenses et de déprimes abyssales. Alors qu’elle se décide à chercher du travail, elle fait la connaissance de Paul, un avocat sur la touche qui a accumulé les affaires foireuses et qui est menacé de radiation du barreau. Mimi va convaincre Paul de défendre Christophe, un petit arnaqueur au casier judiciaire chargé qui clame son innocence. Si Paul voit dans cette affaire un come-back possible, Mimi y voit, elle, une mission, un chemin tout tracé vers la justice et la vérité.

Pouvez-vous nous parler du film en quelques mots?

C’est l’histoire d’une fille qui va au bout de ses obsessions. Qui va entrainer plein de monde avec elle. Une jeune fille qui sort d’un hôpital psychiatrique, qui veut être avocate. Elle rencontre un avocat déchu, sur le point d’être rayé du barreau, interprété par Benoît Poelvoorde. Elle va l’entrainer avec elle, et ensemble ils vont essayer de mener une enquête.

En termes de genre, c’est entre la comédie romantique, l’enquête policière. J’aime bien ce mélange. Le film parle aussi de la bipolarité de son héroïne, sans pour autant la nommer.

Le film interroge la notion de normalité aussi.

En préparant le film, j’ai vu plusieurs films, dont le documentaire de l’acteur anglais Stephen Fry, The Not So Secret Life of the Manic Depressive: 10 Years On. On y voit bien que les limites entre la folie et la normalité sont très floues. A partir de quel moment cette différence est handicapante? Mimi, on lui ferme toutes les portes, et pourtant elle va toutes les ouvrir et foncer. Elle n’accepte pas qu’on lui dise qu’elle n’est pas dans la « bonne » norme.

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Qu’est-ce qui caractérise votre personnage, où en est-elle au début du film?

On la découvre dans un hôpital psychiatrique. Elle est aux côtés d’un jeune garçon qui partage une vision qu’il vient d’avoir, où il plante un couteau dans la gorge de sa mère « comme dans du beurre », et elle lui répond: « Si jamais tu passes à l’acte, appelle-moi je te défendrai ». Son côté obsessionnel ressort, elle rêve de devenir avocate, c’est son objectif. J’aime bien son franc parler, il est très juste. Elle est très directe, elle regarde les gens dans les yeux quand elle leur parle, ce qui peut vite être perturbant, ou déstabilisant. Elle n’a pas de filtre.

Comment vous êtes-vous mise en condition, aviez-vous des références?

J’ai lu L’Intranquille, de Gérard Garouste, qui y parle très très bien de sa bipolarité. Ca m’a beaucoup aidé à comprendre Mimi. J’ai revu Une femme sous influence de Cassavetes, qui est l’un de mes films de chevet. Silver Linings Playbook de David O. Cooper aussi. Et puis beaucoup de documentaires. Dans le film de Stephen Fry, à un moment, il demande à tous les gens malades qu’il rencontre: si vous aviez la possibilité de vous débarrasser de votre maladie en appuyant sur un bouton, le feriez-vous? Ils répondent tous non, car les phases maniaques leur procurent un extraordinaire qu’on ne peut pas comprendre.

Et puis on a beaucoup travaillé le texte avec ma réalisatrice, pendant presque deux mois, je devais être très précise. Ca a été une vraie expérience ensuite de travailler avec Benoît Poelvoorde, qui lui improvise beaucoup. J’ai dû être très flexible, apprendre à lâcher prise. J’ai adoré travaillé avec lui. D’abord, il a une grande capacité de mémorisation, il regarde le texte une fois, il le retient. Il est très drôle, et et il a l’art d’emmener les scènes dans des endroits inattendus. Ce qui était génial, c’est que ne sachant pas ce qu’il avait proposé, tous mes sens devaient être en éveil, ça m’a beaucoup aidé pour interpréter le personnage de Mimi, qui est elle-même très attentive.

Le duo formé par ces deux personnages est d’ailleurs assez inattendu. 

Ce que je trouve très touchant dans leur duo, c’est que lui s’en fout un peu car il est déprimé, alors que elle s’en fout un peu car elle ne se rend pas compte des conséquences. Ils sont prêts à aller assez loin à cause, ou grâce à ça. Ils s’entraident avec force. Et ce que j’aime aussi, c’est qu’il n’y a pas d’amour entre eux, mais de l’amitié. Ils s’entrainent l’un l’autre dans quelque chose qui les dépasse.

Et puis j’ai aussi eu la chance de jouer avec Agnès Jaoui, on avait peu de jours de tournage ensemble, mais c’était incroyable de travailler avec elle, elle est très concentrée, elle donne beaucoup, c’est une incroyable partenaire de jeu. Raphaël Quenard lui est très très surprenant. J’avais une idée de ce que son personnage allait être en lisant le scénario, et il a proposé quelque chose de complètement. Il a aussi une réelle faculté à improviser, à écrire en jouant. Il a des idées tout le temps.

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Qu’est-ce que vous préférez dans votre personnage?

Son honnêteté, son premier degré. Elle s’en fout des regards extérieurs posés sur elle.

Et le plus grand challenge?

C’est un texte qui peut être drôle, il fallait comprendre ce qui lui arrive sans le surjouer. Il fallait trouver le rythme, il y a un côté Punch-Drunk Love, c’est une comédie mais pas vraiment, avec des choses tragiques qui arrivent au personnage, il fallait faire en sorte que ce ne soit pas pesant.

Quels sont vos projets?

Là je suis en Grèce où je tourne un road trip, sur la jeune grecque, un peu paumée, une jeunesse sacrifiée, un film du jeune réalisateur grec Vassilis Kekatos, qui avait reçu la Palme d’or du court métrage en 2019 pour La distance entre nous et le ciel. 

Vous vous êtes récemment engagée auprès d’autres jeunes comédiennes…

On a créé une association avec Ariane Labed, Zita Hanrot et Suzy Bemba, l’Association Des Acteur·ices. Le but était de faire en sorte qu’il y ait des coordonateur·ices d’intimité sur les tournages. A la fois pour que les choses se passent bien sur les tournages, mais aussi pour ce que cela peut apporter en termes de créativité, la façon dont cela peut changer dans les représentations, les élargir. Allez plus loin que juste dire: « Faites l’amour ». La façon dont on fait l’amour a un sens. Sortons des sentiers battus dans ces scènes d’intimité. On peut aussi raconter des choses sur les personnages comme ça.

On s’est vite rendu compte que les comédiennes sont souvent seules, on nous met en concurrence, et on parle pas de notre quotidien. On voulait ouvrir un espace pour partager nos expériences, et notamment les expériences douloureuses. C’est très dur de briser l’omerta, les gens qui ont parlé se sont retrouvés très seuls. Il y a eu une tribune signée à Cannes, et puis les médias, timidement, commencent à relayer notre parole. La militance peut aussi être un endroit de création.

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