« Coureur », la course dans le sang

C’est aujourd’hui que sort dans les salles belges Coureur, premier long métrage de l’ancien coureur cycliste Kenneth Mercken. Quelques mois après Un ange de Koen Mortier, qui se penchait sur la fin brutale d’une star du vélo, ce premier long emprunte un chemin de traverse pour examiner à la loupe l’itinéraire tragique et souvent sordide d’un jeune champion dépassé par la résistance de son corps, les attentes disproportionnées de son père et la masculinité toxique qui règne dans le milieu impitoyable du cyclisme professionnel. 

Un père et son fils font du vélo en forêt. La route est hostile et le chemin et long. Quand le jeune garçon chute, le père s’arrête mais ne se retourne pas…

Coureur raconte l’histoire de Felix Vereecke, un jeune coureur cycliste flamand, qui met sa propre vie en danger pour devenir champion. Derrière son obstination pour réussir à tout prix, se cache son désir de gagner le respect de son père Mathieu, qui espère, par l’entremise de son fils, de réaliser ses propres rêves de gloire envolés dans l’échec et l’alcool. Le film est basé en partie sur le passé mouvementé du coureur cycliste Kenneth Mercken. En 2000, il devint champion national de cyclisme chez les coureurs Élite sans contrat. Mais alors qu’il est embauché comme professionnel dans une équipe italienne, il comprend que son corps ne convient pas à ce sport éreintant. Il tourne alors le dos à son rêve d’adolescent et se lance dans des études de cinéma…

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Coureur prend par moment l’allure d’un manuel d’anatomie du corps du cycliste, un corps maltraité, abîmé, torturé, violenté, entre la bête de somme et le corps mécanique. On le pique comme un animal (on pense au corps aux hormones de Rundskop). Un corps rebelle dont  l’athlète, secondé par la chimie, tenterait de prendre le contrôle, de mater la résistance, pour l’amener vers une hybridation idéale, en faire une machine. Le corps de Felix se révolte. Sa croissance stoppe. Sa sur-sollicitation mène à l’épuisement des ressources naturelles. Alors Felix s’injecte toute sorte de substances, jusqu’au sang du père. Ce sang de cycliste qui croient-ils, l’un et l’autre, coule inexorablement dans ses veines.

Car au-delà du défi physique et sportif, de la réalité du cyclisme professionnel, ce qui se joue ici n’est parfois rien d’autre que la tragédie éternelle d’un fils qui ne sera jamais assez bien aux yeux de son père. La relation qui unit les deux, sans cesse distendue puis resserrée, est au coeur de la narration. Loin d’un film sportif traditionnel, de l’hagiographie d’une discipline exaltant les capacités d’humains qui se dépassent, Coureur dresse en creux le portrait d’une masculinité toxique, qui se vit autant dans les vestiaires que dans le foyer familial, qui détruit les rêves et réduit au néant les espoirs. Si les scènes de course, ou plutôt d’entrainement sur les routes italiennes magnifient le sport, elles sont néanmoins vite assombries par l’envers du décor, la réalité d’un sport qui à l’aube de l’an 2000 brillait par sa corruption généralisée et le dopage en série qui mena à tant de drames humains.

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Felix est incarné par le jeune débutant Niels Willaert, qui dresse le portrait d’un jeune homme terriblement endurci, dépossédé de ses sentiments, et fatalement opiniâtre. Face à lui, Koen de Graeve incarne avec la puissance qu’on lui connaît depuis La Merditude des Choses un père abusif, dévoré par sa frustration. Ce premier film, autobiographie assumée mais largement romancée, place assurément Kenneth Mercken comme un réalisateur à suivre. Koen Mortier, réalisateur de Un Ange, et qui produit le film pour Czar Film, ne s’y est pas trompé.

Le film sort ce 13 mars dans les salles belges.

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