Fabrice Du Welz : Noir polar

Vendredi 13 juillet, Fabrice Du Welz vient de terminer le tournage d’un polar musclé et sombre : Colt .45.

Son troisième long métrage promet d’être explosif.

 

 

Lorsque nous avons rencontré Fabrice Du Welz à l’occasion du Fiff namurois, il nous avait expliqué que 2012 allait sans doute être pour lui une année chargée (lien). Et charnière. Après avoir passé du temps à développer des projets à l’invitation de plusieurs producteurs, français et même américains, le cinéaste bruxellois va enchaîner dans les mois à venir deux longs métrages assez différents : Colt 45 et Alleluia.

Si le second est le deuxième volet d’une trilogie ardennaise, une espèce de suite à Calvaire (miam, miam), Colt .45 est un pur polar urbain monté autour d’un jeune acteur encore peu connu Ymanol Perset, épaulé par un trio flamboyant : Gérard Lanvin, Joey Starr et le sensationnel Simon Abkarian (Pigalle La Nuit, Les Beaux Mecs…)

 

 

Fabrice, on le sait (lien), est un grand fan de cinéma de genre: érudit et passionné, il a débuté sa carrière avec un thriller horrifique mais néanmoins bucolique (Calvaire), suivi d’un suspense fantastique aux relents métaphysiques (Vinyan). Le premier a mis sa carrière sur orbite, le second a failli la mettre en danger. Mais aujourd’hui, tout va bien pour le cinéaste qui a pu aborder un autre de ses genres de prédilection : le polar.
Polar urbain dur et tendu comme en tournait dans les années 70 William Friedkin par exemple. Ou plus récemment Michael Mann dont le Heat est resté dans les annales.

Le héros de Colt 45 est Vincent, un jeune armurier,  un « Mozart des armes ». Il travaille pour la police, mais est aussi confronté à de terribles pulsions suicidaires. Petit à petit, c’est ce que raconte le film, il va sombrer vers le côté obscur de la force. Comme dans tout bon polar stylé, le héros est en effet miné par des souvenirs pénibles, liés à son père, un ancien agent du GIGN.

 

Contrairement à Alleluia qu’il a écrit lui-même avec Vincent Tavier, Colt .45 est ce que les Américains appelleraient un film de commande. Mais nous sommes en Europe et Fabrice a eu largement le temps de s’approprier le projet en travaillant sur le scénario avec son auteur, Fathi Beddiar, un ex-journaliste de Mad Movies, lui aussi fan absolu de films en marge.

Colt .45 est produit par un des papes du cinéma français:  Thomas Langmann , fils de Claude Berry : le triomphe de The Artist à travers le monde, c’est lui ! C’est donc La petite Reine qui a fait parvenir le scénario à Fabrice. Un scénario touffu, énorme, aussi qui aurait dû déboucher sur un impossible film de 3 heures.

Ensemble, Fathi  et Fabrice qui se sont rapidement bien entendus ont tout retravaillé de fond en comble. « Pour moi, pas de doute, c’est mon film aussi. J’y ai mis beaucoup de moi dedans, je n’ai pas du tout l’impression de travailler sur l’univers de quelqu’un d’autre ».

Le résultat? Une histoire dense et complexe violente aussi, que Fabrice s’est totalement appropriée et qu’il décrit comme assez différente de ce que le cinéma français propose habituellement.

 

Pour être le plus crédible et réaliste possible, l’équipe s’est adjoint les services de la légende Miick Gould, entraîneur des plus grands acteurs sur des films d’actions comme Heat, Collateral, Miami Vice ou Public Ennemies. Un fidèle de Michael Mann, donc. Ce qui, en l’occurrence représente la caution extrême.

Un peu comme pour le Tahar Rahim d’Un prophète, la production a ici parié sur un acteur encore inconnu du grand public. Le charismatique Ymanol Perset sera bientôt à l’affiche de Le Monde nous appartient, deuxième long métrage de Stephan Streker, où il côtoie Vincent Rothiers et Olivier Gourmet.

Dans Colt .45, il a eu l’occasion de se frotter à trois acteurs  qui affolent généralement la critique : Gérard Lanvin, Simon Abkarian et Joey Starr, respectivement 60, 49 et 45 ans.

 

Lanvin n’est plus à présenter, on peut affirmer que l’acteur a encore pris du volume (de jeu) ces dernières années, n’hésitant jamais à nous offrir des compositions de salaud intégral comme dans A bout portant de Fred Cavayé, par exemple. Dans le cinéma français actuel, c’est sans doute lui qui incarne mieux la veine noire moderne, respectueuse des traditions.

 

Abkarian (ici avec Ymanol Perset) est moins connu du grand public. C’est néanmoins un des meilleurs acteurs actuels. Tout simplement. Aussi à l’aise sur le petit que sur le grand écran, on l’a vu tout simplement phénoménal dans deux séries télévisées ces dernières années : Pigalle La Nuit et les Beaux Mecs, une dérive dans les dédales du 9e arrondissement tout en ambiance et une saga sur l’ascension, la chute et le retour d’un gangster parisien à une époque où le gangstérisme était encore entouré d’une certaine aura (on a failli écrire noblesse). Cet acteur de théâtre n’a pas son pareil pour donner une vraie profondeur à des personnages entre deux eaux. Mais aussi de l’humanité à des types a priori louche set antipathiques. Un phénomène !

 

Joey Starr complète ce triangle surprenant et enthousiasmant.  Ses deux rôles consistants dans Le bal des Actrices et surtout Polisse, les films de son ex-compagne Maïwenn ont prouvé à tous qu’il avait l’étoffe des tout grands. On est donc curieux (c’est même un doux euphémisme) de voir de quoi il va être capable sous la houlette de Fabrice, aux côtés de Lanvin et Abkarian.

 

Et les femmes direz-vous? Dans les rôles principaux, il n’y en a qu’une, Alice Taglioni qu’on a récemment vu dans Sans Arme, ni Haine, ni Violence ou La Proie d’Eric Valette. Autant dire qu’elle n’a pas peur de grand-chose…

 

Colt .45 a été entièrement filmé à Paris durant huit semaines par le Belge Benoît Debie. Le nom du chef op attitré de Fabrice depuis son court métrage Quand on est amoureux, c’est merveilleur, également confirmé à l’affiche de Alleluia, est devenu dans l’inconscient collectif indissociable de celui du réalisateur. Il est aussi le chef opérateur de Gaspard Noe (Irréversible et Enter The Void) et a signé la sublime photo d’Innocence de Lucie Hadzihalilovic .

A l’étranger, on l’a vu sur le plateau de  Joshua (de George Ratiff en 2007) et de l’incroyable Carriers d’Alex et David Pastor (2007) que nous recommandons très chaudement aux fans de road movie post-apocalyptique.  Il vient tout juste de terminer Get The Gringo d’Adrian Grunberg avec Mel Gibson ainsi que  Spring Breakers d’Harmony Korine avec James Franco et… Selena Gomez.

 

Difficile de nier que tous les ingrédients sont ici présents pour obtenir un grand film de genre efficace et décomplexé. Innovant et captivant. On attend avec impatience de découvrir cela sur grand écran.

 

A lire aussi : Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ?

 

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