Henri de Gerlache est un des patrons d’Alizé Production, réalisateur nombreux docus, producteur d’Une chanson pour ma mère. Entre autres.
Il a souhaité publier une carte blanche sur Cinevox après que son nouveau documentaire « La belge histoire de Cannes » qui met en valeur notre patrimoine cinématographique ait été recalé par la commission du film.
Cette section de notre site ouverte à tous les professionnels du cinéma belge pour exprimer une opinion, polémique ou pas, mais polie et argumentée, liée au cinéma d’ici ou aux métiers du cinéma.
Toute carte blanche implique la publication éventuelle d’un droit de réponse de la personne ou institution mise en cause ou une prolongation par tout autre professionnel qui aurait un avis sur le sujet
Après avoir essuyé un énième refus (je n’irai plus promis !) du centre du cinéma et de l’audiovisuel (CCA) de la fédération Wallonie Bruxelles, et, même si ça sent légèrement l’animal blessé, je crois qu’il ne serait pas totalement dénué d’intérêt de faire savoir en quelques lignes au plus grand nombre comment fonctionne ce service public, qui en bénéficie et pourquoi – à mon sens – il est devenu obsolète depuis son existence.
Malgré les initiatives en tout genre, du « osons le cinéma belge » jusqu’aux fêtes entre nous des Magritte, le bilan du centre du cinéma en fédération Wallonie Bruxelles est dramatique. C’est un constat sans appel, avec ou sans tunnel, piétonnier ou pas, lockdown ou victoire des diables rouges, rien n’y fait – personne ne s’intéresse au cinéma belge francophone et encore moins à celui soutenu par ceux chargés de le financer et de le faire rayonner.
Les chiffres de 2015 sont sortis dernièrement, si un film belge francophone sort clairement du lot grâce à Poelvoorde & Van Dormael (le tout nouveau testament), la moyenne des autres films (30 films) nous donne à peu près l’idée de l’engouement du public pour notre cinéma. En moyenne cela doit tourner autour de 5000 spectateurs par film, soit à peu près et sans avoir fait math sup, un cout pour le CCA de plus 10.000 euros par spectateur qui aura payé sa place (même si si je vous jure il y a dans ce chiffre de 5000 spectateurs, un bon millier de places gratuites !).
Alors j’entends l’artiste incompris me dire qu’il ne faut pas cracher dans la soupe, que le cinéma doit élever et que les gens doivent être éduqués à l’apprécier, que c’est un travail de longue haleine, que ce n’est pas le nombre qui fait la qualité, qu’il faut faire un travail de promotion etc. etc… . Oui mais bon… j’en reviens à mes petites histoires mais tout de même. Cela fait longtemps que je fais ce métier de réalisateur et le système n’a pratiquement pas bougé d’un iota en 20 ans et toujours personne à l’horizon… !
Par chance, j’ai pu travailler avec des grandes chaines européennes, d’être souvent soutenu par le CNC français, beaucoup par le système de tax shelter mais jamais un euro du centre du cinéma pour un total de plus de 30 films documentaires diffusés dans le monde entier…
Je ne suis pas à plaindre, je vais continuer à travailler avec Arte, la RTBF et d’autres qui voudront encore bien … et sans le centre du cinéma (un peu comme avec les ogm, peut-être y a t’il un label de qualité à inventer : un film produit sans l’aide la fédération wallonie bruxelles 🙂. Sans rire, sans cesse, j’entends des cinéastes Belges ne même plus vouloir essayer d’obtenir la moindre aide du CCA parce qu’ils savent que c’est peine perdue. Il savent que la condescendance du milieu autorisé empêche toute écoute sans étiquettes et que la règle tacite veut que le peu d’argent qu’il y a, aille aux films difficiles où en quête d’une palme mais… horreur, surtout pas du public.
A force d’être snobés par les antis-snobs, ils s’en vont voir ailleurs où abandonnent.
Certains vous expliqueront que le désamour de notre cinéma est la faute à notre grand frère français trop fort, qu’il n’y a pas de moyens chez nous alors c’est mieux de continuer à faire des petits films que personne ne voit parce que peut-être qu’un jour… qui sait… cela marchera?
Mais plutôt que de saupoudrer le peu d’argent que personne ne goûte (tout de même 60 millions !!), ne vaut il pas mieux investir en force sur des projets d’envergures ? Ne vaut il pas mieux s’atteler à donner de vrais moyens à l’écriture d’un film qui rencontre un public? Ne faut il pas enfin adopter des règles d’octrois un peu objectives et transparentes plutôt que ces réunions entre autorisés dans des bureaux inopérants?
Oui les Frères Dardenne sont unanimement salués, les films de Jaco merveilleux, le travail de Thierry Michel de haute qualité et nos acteurs qui s’exportent toujours mieux tant la France s’amuse (encore) d’avoir dans ses rangs quelques trublions à l’accent bizarre … mais où est le reste du cinéma de chez nous? Où sont les comédies ? Les thrillers ? Où sont passés les documentaires qui font les meilleures audiences en prime time sur les télévisions étrangères ? Où est le cinéma neuf, en recherche permanente ? En Flandre, en France, à la télévision parfois mais surement pas au centre de l’audiovisuel et du cinéma… du coup, pas d’argent non plus pour l’année qui vient.
Des artistes (flamands) le criaient pourtant encore il y a peu : la seule identité valable des talents de chez nous, c’est leur diversité.
Prétendre à autre chose, c’est se cloisonner et accepter sous les paillettes éphémères du mois de mai, le jeu politique de la division au risque de ne plus exister du tout.
Le système d’octroi de subsides en fédération Wallonie Bruxelles est à réformer en profondeur.
Ras le bol de ce complexe d’infériorité qui empêche toute incursion dans le box-office. Il ne faut pas avoir peur de se montrer avec les plus forts quand on a tant de talents sur le terrain : Allez les Diables !