Rencontre avec le cinéaste Christophe Hermans, qui présente ce soir au Festival International du Film de Gand en avant-première belge La Ruche, son premier long métrage de fiction, dévoilé la semaine dernière au prestigieux Festival de Rome. En attendant la sortie du film au printemps prochain, il revient pour nous sur sa genèse…
La Ruche est adapté d’un roman d’Arthur Loustalot. Comment l’avez-vous découvert, et en quoi a-t-il fait écho en vous?
Juste après mon troisième court métrage de fiction, Fancy Fair, j’ai cherché à écrire un premier long métrage. Je voulais y parler d’une mère dysfonctionnelle, pouvoir y traiter de la bipolarité, ou en tous cas d’une défaillance. J’ai longtemps écrit seul, sur mon rapport à ma mère. Et je me rendais compte au fil des années que je n’arrivais pas à construire une histoire.
Un jour, ma productrice Cassandre Warnauts m’a conseillé de lire le roman d’Arthur Loustalot, La Ruche. J’ai fortement accroché dès les premières pages. Un drame s’y jouait dans un appartement où des portes s’ouvraient et se fermaient, où les non-dits prospéraient. J’avais connu ça.Je pense qu’il est très difficile quand on vit avec une mère défaillante de pouvoir l’exprimer à l’extérieur de chez soi, on a besoin de le cacher aux yeux des autres, et on se crée des carapaces. C’est précisément ce que j’essayais d’écrire, et je l’ai trouvé dans le livre d’Arthur.
J’ai dû arrêter de lire le livre avant la fin, car j’avais peur de ce qui allait arriver. J’ai tout fait pour rencontrer Arthur à ce moment-là. Je n’ai lu les dix dernières pages que quelques minutes avant notre rendez-vous, et j’y ai découvert un acte d’amour incroyable, une mère qui parvient à libérer ses enfants du poids qu’elle est devenue pour eux.
J’ai demandé à Arthur d’où venait cette histoire pour lui, et je me suis rendu compte que c’était son histoire. C’est là que j’ai absolument voulu faire ce film. J’ai mis assez longtemps à écrire le scénario, avec Noémie Nicolas. Petit à petit, on s’est éloigné du côté ruche, pour aller vers l’extérieur. Mais un mois avant le tournage, je me suis dit que c’était une fausse route, et qu’il fallait revenir à l’essentiel du livre et de l’histoire, ce drame qui se passe dans un appartement, en plein milieu d’une ville, où un secret est gardé. J’avais envie de travailler sur le secret.
C’est une oeuvre en devenir et une oeuvre qui existe déjà qui se rencontrent, pour une nécessaire prise de recul?
Je pense que pas mal de cinéastes parlent d’eux dans leur premier film, et c’est toujours difficile de trouver la distance par rapport au sujet. Moi, je me rendais bien compte que je n’avais pas cette distance quand j’ai commencé à écrire. Il a fallu que je trouve un autre médium pour y arriver, ce roman, qui m’a permis totalement de me distancer de ma relation singulière avec ma mère, pour essayer de la traduire à travers la vision de trois filles, trois approches psychologiques différentes, dans lesquelles je me reconnais…
On reparlera de La Ruche à l’occasion de sa sortie au printemps prochain, un film incarné par 4 magnifiques actrices, qui portent le film sur leurs épaules, Ludivine Sagnier et Bonnie Duvauchelle, ainsi que deux comédiennes belges ultra-talentueuses, Sophie Breyer et Mara Taquin, que vous pouvez découvrir dans ce premier extrait.