« Chasser les dragons », ré-humaniser l’addiction

"Chasser les dragons"

Avec Chasser les dragons, Alexandra Kady Longuet (à qui l’on devait déjà le très beau Vacancy), ouvre avec sobriété et délicatesse une fenêtre sur le quotidien d’une salle de consommation de stupéfiants à Liège, la seule en Belgique, dressant une collection de portraits d’usagers bouleversants de franchise.

En anglais, « chasing the dragon », expression d’argot, fait référence au fait d’inhaler de la drogue, opium, héroïne, ou autre. Un terme technique, relatif à un mode de consommation de stupéfiants, mais qui charrie un imaginaire chargé de symboles, évoquant tout autant une quête chimérique d’un combat acharné et inégal.

Refuge inespéré fait de préfabriqués au cœur d’une cité ardente, la salle de consommation est ouverte chaque jour de l’année. Car il en est de certaines choses qui ne connaissent ni répit, ni repos, ni trépas. On y revient encore et encore, car ici, enfin, on est quelqu’un.

Et ce n’est pas un hasard si là-bas, on est quelqu’un. La salle de consommation accueille bien plus que la consommation, et bien plus que des usagers. Elle accueille des hommes, dans la grande majorité, chargés de parcours semés d’embûches, parfois depuis leur plus tendre enfance, parfois au détour de l’un des accidents de la vie qui nous pend tous au nez, et qui entraine sur une pente raide des citoyens qui semblaient pourtant bien intégrés.

Un conflit familial, une vie à la rue, une perte d’emploi, un parcours mouvementé depuis l’enfance, quelques dettes, une tendance à l’addiction. On observe avec pudeur autant d’histoires que de personnes, avec pour lien ténu mais destructeur l’addiction.

Ces hommes viennent à la salle pour consommer en sécurité, mais ils y viennent aussi et peut-être surtout pour être écoutés, accompagnés, pour qu’on les voit et qu’on se soucie d’eux, le temps d’une pause dans leur quotidien souvent fait d’errance. Les employés de la salle sont autant d’oreilles attentives, de compagnons de route prêts à emprunter les sentiers cabossés d’une éventuelle réinsertion, d’un possible sevrage, ou à tout le moins, d’un quotidien plus encadré. A la salle, on prend soin de leur consommation, on s’assure qu’elle se passe dans des conditions sanitaires surveillés, mais on prend soin aussi de leurs corps, et de leurs âmes.

Un accompagnement social et sanitaire salutaire, mais surtout humain.

Le film est à découvrir aujourd’hui en Compétition Nationale au BRIFF.

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