Avec son nouveau film, Bye Bye Germany, Sam Garbarski s’empare d’un sujet grave et peu connu des livres d’histoires, pour livrer une comédie douce-amère, souvent mélancolique, dans une Allemagne post-guerre ravagée mais avide d’un avenir meilleur. Venez le découvrir en exclusivité samedi prochain à l’occasion d’un Cinevox Happening exceptionnel!
David Bermann a tout perdu pendant la guerre. Seul survivant alors que ses parents et ses frères sont morts à Auschwitz, son entreprise familiale a été saisie par les Allemands, et au sortir du camp, on lui refuse la licence commerciale qui lui permettrait de reprendre son activité. Mais comme il le clame à ses collègues d’infortune, « Hitler est mort, et pas nous! » Alors que tous ses camarades de camp juifs ne rêvent que d’exil en Amérique, il parvient à convaincre une poignée d’entre eux de s’associer pour monter une petite entreprise de vente de draps itinérante, afin de renflouer leurs caisses pour mener à bien leurs rêves d’expatriation.
Dans les rues dévastées du camp américain pour les personnes déplacées, qui font ressembler le pays a une grande plaie ouverte, cette bande de pieds nickelés va exploiter sans vergogne la culpabilité de leurs clients allemands, leur crédulité et leur soif d’avenir pour leur vendre des draps « de Paris », quitte à mentir légèrement et magouiller un peu. Mais au coeur du récit se déploie une intrigue parallèle. On comprend que si David n’obtient pas sa licence, c’est parce qu’il est sous le coup d’une enquête des services secrets américains qui le soupçonne d’avoir collaboré avec les Nazis alors qu’il était dans les camps. Et pour cause… Au coeur de l’enfer, David s’est vu confié une mission un peu particulière. Lui, le commerçant juif, s’est retrouvé chargé d’apprendre des blagues au Führer, qui voulait faire bonne figure face à Mussolini. Rarement a-t-on vu ironie dramatique plus littérale.
Ainsi le juif bouffon malgré lui des dignitaires nazis dirige sa troupe de bras cassés, autant d’hommes entravés par leurs souvenirs et les fantômes de leur passé, qui tentent tant bien que mal de donner un sens à leur survie. Car c’est bien ce qui surprend et accroche dans Bye Bye Germany, cette capacité à développer non pas tant une comédie noire qu’une comédie grave. Un art de l’oxymore qui invite à rire et sourire en abordant des thématiques aussi lourdes que la chasse aux collabos, les affabulateurs de guerre, les stigmates de la défaite, et plus que tout encore, la culpabilité des survivants.
Servi par une reconstitution historique soignée et souvent poignante – comme le travail spectral sur le magasin dévasté de la famille Bermann -, le récit alterne entre les aventures rocambolesques et pleines de l’énergie des VRP baratineurs, et l’enquête sur le passé de David, qui fait remonter ses souvenirs dans les camps. Le film est parsemé de motifs cinématographiques classiques, de l’humour juif au western, en passant par le film de bande, où un groupe d’individus que tout oppose est réuni par un objectif commun, et dont les différences servent de moteur à la comédie, que ce soit des films comme Full Monty ou Ocean’s Eleven. Le casting est au diapason, et Moritz Bleibtreu, déjà vu dans le précédent opus du réalisateur Vijay & I, compose un David Bermann à la fois désinvolte et tourmenté, entrainant avec lui aussi bien sa troupe que les spectateurs.
Cette trajectoire presque littéralement incroyable est inspirée d’une histoire vraie, matière du roman Die Teilacher de Michel Bergmann, qui a d’ailleurs collaboré au scénario. Avec Bye Bye Germany, Sam Garbarski livre une comédie souvent savoureuse et mélancolique sur un pan d’histoire méconnu et fascinant du siècle dernier.