Mercredi, c’est la Saint-Valentin !
Non, non, nous n’avons pas abusé de substances hallucinogènes. C’est bien cette soirée pas comme les autres qu’évoque Brasserie Romantiek, l’inévitable blockbuster flamand de cette fin d’année. Un long métrage que ses distributeurs ont finalement choisi de lancer dans les salles juste avant les fêtes. Étonnant? Pas tant que cela. Car ce film choral envoûtant va remplir les cinémas pendant les vacances d’hiver et personne ne sera surpris de le retrouver toujours à l’affiche le 14 février. Avec sans doute, en prime, quelques séances spéciales.
Avant même sa sortie officielle, sur la seule base des avant-premières, il a déjà réuni 30.00 spectateurs. On serait très étonné qu’il termine sous la barre des 250.000.
Le décor? Une brasserie. Ou plutôt un resto cosy qui a conservé son nom d’antan, « Brasserie Romantiek ». Ses protagonistes ? Les patrons d’abord. Frère et sœur. Le frérot (Axel Daeseleire) cuisine. Il a une fille, mais s’en occupe peu. C’est la frangine qui s’y colle, agissant comme une maman de substitution.
Dans l’établissement, Pascaline (Sara de Roo) gère le service et les clients, les commandes et les réservations. Elle virevolte, fait la conversation, tente de maintenir l’église au milieu du village, en toutes circonstances. En cuisine, on trouve aussi un jeune garçon et une jeune fille.
Plus un serveur dévergondé (Wouter Hendrickx) qui fait les aller et retour entre la salle et les fourneaux. Et n’hésite pas à entreprendre les convives même s’il clame bien haut qu’il est un célibataire endurci. Par choix. Inexorablement.
Ensuite, il y a les clients. Principalement des couples en ce jour où chacun fête l’amour. Mais pas que: on note également un jeune homme coincé (hilarant Mathijs Scheepers) bien décidé à ne pas finir la soirée seule. Il a fixé rendez-vous à une gente demoiselle croisée sur un site Internet (schizophrène Tine Embrechts). Ce n’est pas gagné…
Il y a aussi une trentenaire dépressive (Ruth Becquart), qui vient commémorer en solitaire sa rencontre avec son mari, aujourd’hui absent. Elle tient un magasin de chocolat et ce détail n’est pas sans importance, car la jolie blondinette fait une drôle d’utilisation des pralines qu’elle vend.
Parmi les couples, on trouve des tourtereaux au début d’une romance et un tandem d’âge mur, autre pivot du récit. Derrière les apparences, on les sent très vite au bord de la rupture. Sera-t-elle consommée dès ce soir? Une chose est certaine : Barbara Sarafian et Filip Peeters décrochent là des rôles parmi les plus marquants de leur carrière.
Et il y a un dernier client. Un quadra brun et ténébreux (le toujours formidable Koen De Bouw). Il n’est pas là par hasard. C’est le premier qui arrive sur les lieux. Il a réservé sous un faux nom, histoire de ne pas éveiller les soupçons. Sa seule présence va bousculer quelques certitudes.
Attention ! Brasserie Romantiek n’est pas une comédie romantique à l’américaine, prévisible et légère. C’est au contraire un enchevêtrement de sentiments antagonistes, un carambolage émotionnel. On sourit, on rit, on grince des dents, on a la gorge serrée. L’écriture est d’une grande efficacité. Les personnages rapidement campés peuvent se révéler, se contredire, s’opposer, se renier. La mise en scène est à la hauteur: dans un lieu clos dont elle ne s’échappe que pour une pause cigarette et une partie de jambes en l’air (on ne dira pas qui s’y adonne), elle étreint tous les personnages avec chaleur et passion. Pas de laissé pour compte ici. Beaucoup d’empathie, d’attention. D’amour?
Joël Vanhoebrouck qui signe le film a fait ses dents sur des séries populaires (Vermist, Code 37, Dubbelleven…). Pas étonnant que la RTBF veuille absolument aborder ce créneau porteur, capable de vivifier tout le cinéma.
Mention spéciale aussi pour le montage efficace d’Alain Dessauvage (Un Magritte pour Rundskop) qui donne à cette soirée un rythme formidable. Pas du tout épileptique. Juste enlevé, vibrant, captivant. Fluide surtout.
Selon une recette à présent bien établie, Brasserie Romantiek a donc convié à la fête une pléiade d’acteurs connus du public flamand. Au nord, on les a tous vus dans des longs métrages à succès ou des séries (décidément…). C’est dire que les spectateurs, attachés à leur patrimoine, prendront un plaisir encore plus intense que nous à les retrouver confrontés aux affres amoureuses lors d’une soirée peut-être décisive pour la plupart d’entre eux.
Naturellement, comme dans tout bon film de ce type qui se respecte, la confection des plats met l’eau à la bouche et le tanin des vins titille nos papilles… sans que nous portions un seul verre à nos lèvres. Parfait si vous faites un régime, en somme.
Bien écrit, réalisé, monté, joué, bien produit aussi (calibré, mais pas trop; clinquant, mais pas trop) Brasserie Romantiek est un divertimento idéal pour les fêtes : chacun y trouvera quelque chose qui l’enchante, l’intrigue, l’émeut.
Et même s’il est loin d’être une compilation romantique à l’eau de rose, le film file la pêche, la patate. Le sourire, quoi.
Mais si, cyniques que vous êtes, vous ne croyez plus à l’amour… hé bien il n’est pas certain que cette soirée vous fasse changer d’avis.
Du bel ouvrage, messieurs, dames, vraiment !