Brabançonne : la vie est très très belge !

Sur le tournage de Brabançonne, Vincent Bal déclarait que son film n’était pas vraiment un pari très risqué. Le cinéaste étant un homme intelligent, on suppose qu’il s’agissait là de second degré ou d’une manière de conjurer le sort.

Car si son projet n’est pas un défi, plus aucun film, jamais, n’en sera un.

 

Créer la première grande comédie musicale belge (oups!) en se plongeant dans l’univers des harmonies locales (gasp!), le tout servi avec un joyeux mélange d’acteurs flamands et francophones (amai!) ressemblait au contraire à une entreprise à la limite de l’inconscience 😉

Trois axes improbables, aucune référence sur laquelle s’appuyer…
Pas un défi, vraiment?

 

 

 

Oui, mais voilà: derrière Brabançonne on trouve un réalisateur très talentueux (Vincent Bal, donc), mais aussi un coscénariste avisé (Pierre De Clercq) et, surtout, un producteur virtuose (Peter Bouckaert pour Eyeworks, un homme qui fait des films POUR le public, soutenu ici par Entre chien et loup pour la partie francophone du pays).

 

Avec cette équipe aux commandes, le danger de voir Brabançonne sombrer dans l’autisme arty ou la pochade embarrassante devenait inexistant : on avait au contraire les garanties d’être confronté à un grand film populaire, coloré, joyeux. Un projet qui ne craignait pas de se faire secouer par la critique (comme Marina), mais qui espérait faire le bonheur du public.

Le résultat est conforme aux promesses. Totalement improbable, absolument jouissif.

Et plus encore…

Brabançonne est une friandise délicieuse qui se savoure avec un sourire béat au milieu d’une salle bien pleine, un vrai spectacle idéal pour les fêtes qui s’annoncent. Un grand bol d’air frais aussi, qui revigore pour la semaine.

 

 

L’intrigue d’abord.

L’Harmonie Royale Sint-Cecilia de Staaikerke et l’harmonie En Avant F.O.C. (Fanfare ouvrière combattante) de Vierlemont en Wallonie participent aux présélections du Meilleur Orchestre d’Harmonie de la Communauté européenne. L’ultime vainqueur de cette confrontation pourra représenter l’Europe durant un an à l’occasion d’une grande tournée mondiale.

 

Les Wallons répondent au défi de la finale avec Hughes leur jeune soliste, beau garçon au talent extraordinaire. Sous la direction du bourgmestre et chef de l’orchestre Jozef, l’harmonie flamande s’en sort bien, mais Willy son trompettiste meurt juste après avoir soufflé la dernière note.

 

Normalement, rien ne pourra plus empêcher le triomphe des Wallons… sauf l’ego de Hughes et la puissance de l’amûûûr.

 

 

Volontairement cousue de fil blanc, surfant sur les clichés, l’intrigue fonctionne au premier degré… et surtout au deuxième.

Le premier se focalise sur la compétition, l’opposition des communautés, la trahison fratricide et ses conséquences.

Le second opère sur le constant décalage qu’apportent les chansons populaires 100% belges, serinées par les protagonistes : les paroles des vieux hits choisis ont naturellement toujours un rapport avec le contexte et le fossé qui sépare le sérieux (la conviction) des acteurs et la naïveté vintage des mélodies entêtantes fait merveille.

 

 

 

Vous vous croyez allergique aux comédies musicales? Pas de crainte: les extraits sont courts et le côté karaoké du jeu est tellement ludique que, passée la surprise (qui dure dix minutes max), on accroche au procédé. Sans arrière-pensée.

Le temps file trop vite. Jamais on ne s’ennuie une seconde.
Mieux: pour avoir vu le film deux fois en deux jours, piégé à la deuxième vision par le rythme, l’humour, les clins d’œil complices, la foultitude de détails croquignolesques, on peut vous dire que, comme pour beaucoup de choses, c’est encore plus excitant la deuxième fois.

Et qu’à l’issue du générique, on a même envie d’en reprendre une bonne rasade vite fait. Excellent pour le box-office, ça! La production se frotte les mains.

 


Techniquement, les acteurs ont tous enregistré leurs chansonnettes avant le tournage, et sans être des pros du pot (à part Amaryllis Uitterlinden, grande révélation du film) tous s’en sortent sinon avec un contrat en poche pour le Cirque Royal, au moins avec les honneurs. Que demande le peuple?

 

 

 

Au-delà de sa tonalité légère, au-delà du décalage amusant provoqué par les ritournelles, au-delà de sa facture technique irréprochable (mention une fois encore à la photo léchée de l’immense Danny Elsen, chef op de La Marche, Dead Man Talking, De Zaak Alzheimer, … ), l’atout de Brabançonne repose sur un casting homogène de visages familiers, mais sans énormes stars.

 

 

 

Côté francophone, le Français Arthur Dupont déjà vu chez nous dans Mobile home fait le job.
Son physique avenant, son charisme lunaire assurent au film un charme immédiat. On n’a aucun mal à comprendre les dégâts psychologiques qu’il est capable de susciter auprès de la gent féminine.

En fait, ce type est trop beau et trop talentueux. C’est un peu écœurant pour les autres représentants de la gent masculine…

 

 

Autour de lui, TOUT le cast est formidable: Marc Weiss (Esprits de Famille, voix française du onzième Dr Who), Philippe Résimont (Je Suis Supporter du Standard, Nono the ZigZag Kid, voix française du… douzième Dr Who ), Erika Sainte (Elle ne pleure pas, elle chante), Frederik Haùgness (Illégal), Joel Delsaut (Sous le figuier), la Luxembourgeoise Claudine Pelletier (déjà maman d’Arthur dans Mobile Home) ou Fabrice Boutique (Erased, Image) sont tous impeccables… et excellemment dirigés ce qui n’est pas forcément évident pour un réalisateur évoluant avec des acteurs qui parlent une langue qui n’est pas sa propre langue maternelle.

Mais ici, no problemo : ça pétille, ça pétarade, ça module. Avec cette distance subtilement mutine qui fait le sel du film.
Il est d’ailleurs un peu frustrant de constater que tous ces excellents comédiens héritent dans Brabançonne de rôles plus consistants que ceux qu’on leur propose au sud du pays. Mais bon: leur performance dans cette comédie musicale va peut-être donner des idées à quelques autres cinéastes. Il y a du potentiel, un sacré potentiel !

 

 

Chez les Flamands, le réservoir des acteurs popularisés dans des séries est forcément plus important et là aussi, les prestations sont sans faute: autour d’Amaryllis Uitterlinden, chanteuse connue en Flandre qui débute ici sur grand écran, Jos Verbist (Halfweg), le toujours exceptionnel Tom Audenaert (Hasta La Vista, les Rayures du Zèbre), Marc Peeters (82 dagen in April), Koen Van Impe (les séries Salamander, Aspe), Rilke Eyckermans (série De Zonnen van van As), la pétaradante Liesa Naert (Offline), Michel Van Dousselaere (Tot Altijd), Veerle Eyckermans (Paola dans la minisérie Albert II), Ivan Pecnik (Labyrinthus), Tiny Bertels (Groenten uit Balen) et Kobe Van Herwegen (la série Spring) cassent la baraque !
Un régal.

 

Pour vous faire une idée globale du cast, rendez-vous ICI sur le site officiel du film qui vient d’être mis en ligne. Chaque personnalité est présentée avec une courte illustration sonore. Super démarche !

 

 

Pour national qu’il soit, Brabançonne est sans doute sur l’écran un peu plus flamand que francophone.
À vue de nez, environ 65,84 % du film est joué dans la langue de Matthias Schoenaerts. Il vaut mieux le savoir avant d’y emmener de jeunes enfants qui seront confrontés aux inévitables sous-titres. Car, bien sûr, il est hors de question de traduire les dialogues. Ca n’aurait aucun sens.

 

 

Cela dit, dans la plupart des scènes tournées dans la partie nordique de l’intrigue, le personnage d’Arthur Dupont ajoute constamment une touche familière aussi bienvenue que décalée. Au troisième degré, le voir faire semblant de comprendre des remarques en flamand alors qu’il n’en baragouine pas un mot, est carrément jouissif.

Pour les chansons c’est du 50/50 et le public wallon va découvrir un univers de hits flamands qu’il ignore totalement… mais également être confronté à des mélodies du patrimoine belge francophone qu’il n’a peut-être jamais entendues. L’expérience est amusante, un peu déroutante aussi.

 

 

Comme si ce menu très parfumé et enivrant n’était pas suffisant, Vincent Bal n’hésite pas ajouter à son film des tonalités jazzy qui lui confèrent de temps à autres une touche mélancolique bienvenue.  Que du bonheur !

 

Idéal pour les fêtes, pétillant et taquin comme un bon verre de champagne, Brabançonne tient toutes ses promesses : il n’a pas d’autres ambitions que de vous divertir et malgré un sujet qui reste d’une brûlante actualité, il y parvient avec un brio consommé.

Santé ! Gezondheid!

 

Check Also

Poelvoorde et Liberski nous enseignent « L’Art d’être heureux »

Ce samedi sera projeté en avant-première belge au Festival International du Film de Comédie de …