Dans Mexico 86, le nouveau film de Cesar Díaz, Berenice Bejo est de tous les plans ou presque. Elle incarne Maria, mère courage, engagée à la vie à la mort dans la lutte révolutionnaire pour libérer son pays, le Guatemala, et en passant, offrir un monde meilleur, à son fils et autre aux autres. Alors elle continue la lutte, en exil au Mexique, quitte à vivre loin de son fils. Jusqu’à ce qu’elle n’ait plus le choix, et doive reprendre la garde de son fils. L’actrice franco-argentine revient pour nous sur ce rôle et cette expérience.
Comment présenteriez-vous Mexico 86 en quelques mots?
C’est un film qui parle d’engagement et de résistance. Un film féministe qui donne la possibilité d’imaginer que tout le monde est capable de s’engager. Que les femmes ont le droit de s’engager. C’est vraiment un film important là-dessus. Raconter des histories qui permettent d’imaginer que c’est possible. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai accepté le film

Qu’est-ce qui caractérise votre personnage Maria?
Son engagement, plus fort que tout, pour offrir un monde meilleur à son fils Marco, c’est pour ça qu’elle continue, par pour le plaisir de se battre. Cesar comme moi, on sait dans notre chair, dans notre histoire familiale ce que ça veut dire. Mes parents on fui une dictature quand ils sont venus s’installer en France. Ils se sont exilés pour offrir un monde meilleur à leurs enfants. L’amant de Maria à un moment lui dit: « Viens, on arrête tout, on reprend une vie normale. » Mais elle s’y oppose, pour elle ce n’est pas possible. La vie normale ne peut avoir lieu que parce que des gens comme elles se battent. Heureusement qu’il y a des gens comme Maria qui ont le courage de mettre leur vie intime et personnelle derrière l’engagement collectif. Tout le monde n’est pas capable de le faire. Et elle le fait avec beaucoup d’amour et de respect pour son fils, même si elle ne peut être la mère qu’elle rêverait d’être pour lui. Le sacrifice qu’ils décident de faire ensemble est extraordinaire. Pour que le monde, pour tous et toutes, soit meilleur. C’est une héroïne, une vraie. Je pense qu’il faut raconter ces histoires aujourd’hui, on vit dans un monde en pleine mutation, et où on a tendance à se dire égoïstement qu’on trouvera bien une solution pour soi, qu’on se mettra à l’abri. Mais si tout le monde se cache, tout s’effondre.
Maria mène un double combat contre la dictature et contre ses collègues. On questionne son engagement à cause de son statut de mère.
On lui demande de renvoyer son fils, elle refuse. Ses compagnons ne le comprennent pas, c’est trop dangereux, pour eux, son fils est sa faiblesse. On voit jusqu’où il faut pousser les sacrifices sous une dictature. Maria est impliquée corps et âme. J’écoutais récemment un podcast sur Cléôpatre, qui expliquait qu’elle avait préféré se suicider que se rendre à Octave, prendre son destin en mains, à sa façon. Etre maîtresse de sa propre mort plutôt que de laisser un autre en décider. Maria a cette façon de penser.
Les enjeux moraux et politiques sont énormes, mais c’est aussi un film d’espionnage. DouCesar a avant tout voulu raconter une histoire, faire un vrai film, haletant, divertissant. C’est un vrai thriller. Et puis le film joue aussi le jeu de l’agent secret, qui s’invente des identités, doit faire passer des secrets, se met en danger. Ca permet de raconter quelque chose de plus profond à côté, en donnant une forme de film policier.
C’est l’histoire d’une héroïne qui fait un choix très douloureux, qui résonne fort aujourd’hui.
Quand on a commencé le film il y a quatre ans, on ne pensait pas qu’il serait d’une telle actualité aujourd’hui. Quand on a tourné, l’invasion de l’Ukraine venait de débuter, et pour certaines scènes, on se disait: c’est fou, ce que dit Maria, on pourrait encore le dire aujourd’hui. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’aujourd’hui, l’engagement et la résistance en Ukraine sont aux mains des hommes comme des femmes. Il y a eu des femmes résistantes pendant la seconde guerre mondiale, mais souvent sous d’autres registres. Ce film permet de se projeter. L’homme ne doit pas se sentir non viril s’il ne va pas à la guerre, et les femmes ne doivent pas s’interdire d’y aller. Il faut arrêter de penser que les hommes n’en n’ont rien à faire de partir faire la guerre, de quitter leurs enfants. J’ai lu beaucoup de choses sur l’Ukraine, les hommes pleurent, sont tout aussi terrorisés que les femmes. Il y a beaucoup de femmes engagées en Ukraine.