Benoit Poelvoorde : Amour, toujours

Une Histoire d’Amour a été présenté en avant-première au Ramdam tournaisien en janvier. De mauvais chiffres en France on fait croire un instant que ce film choc ne sortirait peut-être pas sur nos écrans. Heureusement, le public belge aura le droit de juger sur pièces : le film nous arrivera au printemps.
Petit récap.

 

Courant… 2011, Entre Chien et Loup coproduit le premier long métrage de l’actrice Hélène Fillières. Un film au parfum vénéneux puisque le roman sur lequel il est basé (Sévère, de Régis Jauffret), narre sous couvert de pseudonymes une histoire torride qui a fait grand bruit vers 2005 lorsque le banquier Édouard Stern mourut dans des circonstances pour le moins troubles.

 

 

Pour éviter de se confronter à un procès, Jauffret écrit donc un roman où les personnages ne portent pas de nom. Personne n’est dupe et dès avant sa publication le texte pose problème. Gallimard, l’éditeur attitré de l’écrivain veut élaguer les passages délicats, Jauffret refuse, trouve un accord avec le Seuil qui rachète le manuscrit et le publie. Au final : un court livre de 160 pages sous couverture blanche, mais qui va faire des vagues.

 

Très rapidement, l’auteur et Olivier Betourné, PDG du Seuil, sont attaqués en justice par la famille du banquier qui (re)nie farouchement la version de l’écrivain et crie à l’atteinte à la vie privée. S’en suit un passionnant débat sur la place de la fiction et celle du témoignage dans la littérature, dans l’art en général. Un débat répété l’an dernier avec la sortie d’A Perdre la Raison de Joachim Lafosse. Ici, La procédure durera près de deux ans jusqu’à ce que, le 18 janvier 2012, la famille y renonce par la voix de son avocat.

Non, pas que les enfants et la femme de l’homme d’affaires estiment avoir tort, au contraire : dans un arrêt rendu le 8 décembre 2011, la Cour de Cassation a rappelé que le respect de la vie privée était un principe à valeur constitutionnelle et son régime de protection conforme aux règles fondamentales d’un État de droit.

 

 

Satisfaits qu’on leur donne implicitement raison, mais ne voulant pas apparaître comme des censeurs, les descendants de Stern décident alors de laisser tomber la procédure. Ce qui libéra d’un poids l’éditeur, l’auteur… mais aussi les producteurs du film qui avait été tourné entretemps.

 

Qu’est-ce qui a donc bien pu engendrer toute cette agitation, vous demandez-vous? Tout simplement la nature de la relation contée dans le livre (et le film) entre le banquier (qui ne porte pas d’autre nom) et sa jeune… maîtresse. Une relation sadomasochiste épicée et dangereuse.

 

 

Cette version a bien sûr toujours été contestée par les proches de Stern, mais Jauffret en préambule du roman précisait « La fiction éclaire comme une torche. Un crime demeurera toujours obscur (…) L’imagination est un outil de connaissance (…) Oui, mais la fiction ment. (…) Elle est née de mauvaise foi. (…) Je suis romancier, je mens comme un meurtrier. Je ne respecte ni vivants, ni morts, ni leur réputation, ni la morale. Surtout pas la morale. »

Une distanciation intelligente, mais ambiguë qui n’a donc finalement pas servi son immunité. Quoique…

 

Les affaires légales réglées, le titre changé, on attend dorénavant le film avec une impatience exacerbée. Ne fût-ce que parce que le rôle du banquier sera tenu par Benoit Poelvoorde officiant dans un registre grave et déroutant, en décalage avec cette image d’amuseur public… dont il s’écarte de plus en plus régulièrement. Face à lui, Laetitia Casta et Richard Bohringer complètent le trio infernal de ce drame qui fait abstraction d’autres personnages importants qui parasiteraient le propos.

 

 

Le pitch? Simple, efficace, implacable donc : la jeune femme vit avec son vieux mari (qui ne l’est d’ailleurs pas vraiment) et monnaie plus ou moins ses charmes. Jusqu’au moment où on la présente au Banquier, un homme charismatique, froid, riche et qui a tellement de pouvoir qu’il ne conçoit sa sexualité que dans l’humiliation. Une relation complexe va se mettre en place entre un homme qui ne parvient jamais vraiment à se laisser dominer même s’il y aspire et une femme qui n’a pas la force et l’énergie de jouer constamment son rôle de maîtresse. Qui humilie qui? Et jusqu’où?

 

Mal reçu en France où il a été peu promotionné et visiblement mal compris par beaucoup, Une Histoire d’Amour nous arrivera donc dans deux mois. Philippe Bourgueil qui l’a monté nous expliquait récemment combien il avait trouvé son ami Benoit Poelvoorde exceptionnel dans ce rôle atypique, grave et tendu.
Rien que pour cela, le film devrait trouver bien plus facilement son public chez nous.

 

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