Ben Stassen et Benjamin Mousquet: « On aime imaginer que le film s’adresse aux enfants de 3 à 90 ans »

Rencontre avec le duo derrière Hopper et le Hamster des Ténèbres, l’ébouriffant nouveau film des studios nWave, co-réalisé par Benjamin Mousquet, et par l’incontournable Ben Stassen, qui tire sa révérence avec ce dernier film!

Comment est né le projet?

Ben Stassen

Il s’agit d’un scénario que l’on a racheté à Sony Pictures Columbia. Je l’avais lu et le trouvais génial, j’ai donc contacté Sony. Ils connaissaient un peu notre réputation, et nous avons conclu un deal. Ca a mis pas mal de temps à se concrétiser, mais c’est vraiment un projet dont je suis très fier.

Qu’est-ce qui vous a tout de suite parlé dans cette histoire?

Ben Stassen

Ce n’est pas si compliqué que ça en fait de trouver une bonne histoire, il y en a plein. Mais passer d’une belle histoire à un beau scénario, c’est là qu’est le défi. J’aimais bien ce personnage de Hopper, le développement personnel qu’on trouve chez lui. Il faut des personnages intéressants, multidimensionnels, pour avoir un bon film. et plein d’aventure, bien sûr!

Benjamin Mousquet

Ce scénario m’a fait rire, m’a ému, mais surtout, dès la lecture, je voyais déjà certaines scènes. C’était vraiment très enthousiasmant, cela nous emmenait ailleurs.

Ce film offre son lot de décors inspirants, de scènes de foule. C’était un défi?

Ben Stassen

Nos derniers films étaient fortement ancrés dans la réalité, Bigfoot Junior bien sûr, qui parlait d’écologie au Texas, mais aussi Royal Corgi, qui se passait chez la Reine d’Angleterre! Ici, on était face à un monde fantastique et complètement imaginaire en lisant le scénario, et j’ai adoré ça. Il y a évidemment des éléments à rattacher à la réalité, comme le marché nord-africain dans lequel nos personnages font escale, mais de manière très hétéroclite. 

Cela m’a vraiment séduit, cette incursion dans l’imaginaire. Et puis c’est vrai qu’entre la description de la scène des cochons guimauves par exemple (ndlr: des murs de cochons empilés comme des cubes façon Tetris se déplacent à toutes vitesse pour piéger les personnages), et sa mise en scène, il y a un monde. Les scènes d’action, ce sont souvent une demie page de description, mais 6 mois de travail après en animation! Je pense que c’était le scénario le plus abouti qu’on ait eu, mais aussi celui qui laissait le plus de place à l’imagination.

Benjamin Mousquet

C’est exactement ça. Je me souviens que quand on a découvert la scène du mur d’épreuves, on était très excités, et très impressionnés. Dans le script, ce parcours d’obstacle n’est pas articulé, les obstacles sont fixes. Mais au fil des discussions, on s’est mis en tête de l’animer encore plus en l’articulant. J’avais envie de donner vie au décor, d’en faire un organisme vivant contre lequel Hopper doit se battre. 

Notre travail en réalisation tient beaucoup à dynamiser les choses, à retranscrire de façon vivante le plaisir pris à lire le scénario. Après, chaque département y apporte sa touche. Et si le scénario est bon, en général, les idées viennent très vite. 

Il y a aussi beaucoup de références cinématographiques qui doivent représenter un vrai challenge, à Indiana Jones en particulier, aux films d’aventure et de chevaliers en général?

Benjamin Mousquet

Cela faisait partie du plaisir. Les clins d’oeil étaient déjà là dans le scénario., Hopper y avait la veste d’Indiana Jones par exemple. Ensuite, il fallait transcrire tout ça à l’écran. C’est aussi amusant pour nous de pouvoir jouer sur la fibre de la nostalgie.

Quels étaient les plus grands défis sur ce film?

Ben Stassen

Et terme de production, face à ce genre de scénario, il faut contrôler la dépense d’énergie, de temps, et de budget bien sûr. Le budget est un peu plus élevé que sur nos films précédents, mais ce n’était pas le double non plus. C’était un vrai défi, de pouvoir s’amuser, sans devoir couper constamment dans le scénario. 

Benjamin Mousquet

En plus il y a beaucoup de personnages, beaucoup de décors, de gestion des foules. On a même reconstitué une ville, ce que nous n’avions jamais fait. Chaque nouvelle séquence amenait un nouveau challenge. On a essayé de mener des tests le plus vite possible, pour voir ce qui était faisable, dès le storyboard. 

Le storyboarder a d’ailleurs très vite eu l’idée par exemple de faire de la foule des hamsters tueurs une sorte d’entité rappelant un Golem. Un sacré défi! On a toute de suite demandé son avis au technicien animateur, qui nous a donné son feu vert, et on a pu avancer sur cette idée dès le début. Les hamsters étaient une présence dans le scénario, il fallait décider comment la mettre en scène. Et évidemment, avoir une entité plutôt qu’une armée de soldats, ça redessine les contour de la scène d’action finale par exemple.

Ben Stassen

L’un des défis de la production, c’était la succession de scènes de foule. Quand on lit la description des cochons dans le scénario, c’est impossible d’avoir en tête ce qu’on en a fait finalement!

Comment travaillez-vous à deux?

Ben Stassen

Historiquement, j’écrivais, je produisais, et je réalisais. Mais depuis Sammy 2, je travaille avec un co-réalisateur. Ici, c’est Benjamin qui fait tout le travail, et moi qui parle (rires). Non, sérieusement, ici j’ai trouvé le scénario et mené les négociations. J’ai pris en charge l’enregistrement des voix à Los Angeles, ce qui donne une identité au film et aux personnages. Benjamin a géré toutes les animatics, pris beaucoup de décisions de réalisation. Moi je suis plutôt en supervision. J’ai un regard plus distant. Benjamin et moi sommes co-architectes, et Benjamin était vraiment l’entrepreneur.

Mais c’est un processus tellement long, l’animation, que c’est parfois difficile de prendre de la distance, surtout pour Benjamin qui a le nez dedans constamment. Ma distance me permet de voir les choses différemment, de façon plus globale. On constate d’ailleurs qu’il y a souvent plusieurs réalisateurs sur les gros films d’animation américain, c’est bien pour une raison. C’est tellement fragmenté. Un animateur produit 30 images par jour, 1,25 secondes de film! 

Comment avez-vous eu envie de positionner le film, c’est un grand film d’aventure familial?

Ben Stassen

Historiquement, on a toujours visé une cible d’âge un peu en dessous de celle visée par les studios américains. Eux visent des publics très larges. Au tout début, on visait carrément les 4-8 ans, mais on a quand même élargi depuis, même si on n’est pas encore parfaitement tous publics. Mais on a vraiment une cible plus large, le scénario nous le permettait. 

Benjamin Mousquet

J’aime imaginer que le film s’adresse aux enfants de 3 à 90 ans, on a tous encore une âme d’enfant, et les films d’animation aident à la cultiver. Si les propos sont cohérents et si les messages sont universels, on peut toucher tout le monde. 

Quels sont vos projets?

Ben Stassen

On a un projet en production maintenant, Don, réalisé par Jérémie Degruson. Le film raconte les aventures de Don Quichotte, aujourd’hui à New York. Mais pour moi, l’aventure est finie, j’arrête, j’ai vendu nWave, et Hopper sera mon dernier film.

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