Avec son premier long métrage, Aya, Simon Coulibaly Gillard propose un coming of age à la fois classique et atypique, une histoire d’adolescence aux échos mystiques et océaniques, qui emprunte au documentaire sa méthode et à la fiction sa puissance. Il clôture ce soir la sélection 2021 de l’ACID.
Aya est née et a grandi sur l’île de Lahou, à une cinquantaine de kilomètres d’Abidjan. Elle y vit avec sa mère et son petit frère, au rythme de la mer, celui des vagues, qui bercent et qui effacent. Car la mer peu à peu grignote la terre. Sa plage disparait. De la ville qu’ont connue ses aînés ne restent que des miettes, tout juste un village, quelques bateaux de pêche, et un cimetière, dont on vide jour après jour les tombes.
Aya voudrait résister à cette lente érosion. Alors elle s’oublie dans son quotidien, fait de travaux et de jeux. Elle aide sa mère, prend soin de son frère, grimpe au cocotier, et rêve sur le sable. Elle ne rêve pas tant d’un ailleurs, que d’un autre temps, un avant joyeux et apaisé, où la mer était une alliée. Réfugiée dans l’enfance rieuse de ses jours à Lahou, Aya va pourtant devoir grandir, et quitter le monde de l’enfance, aussi littéralement que métaphoriquement.
Aya, c’est l’histoire d’un passage à l’âge adulte doublée d’une histoire d’exil. Un double mouvement de départ forcé plus que de fuite, d’arrachement plus que d’abandon, induisant une perte de repères et d’identité d’autant plus douloureuse.
Le film de Simon Coulibaly Gillard convainc tant par la contagieuse vitalité d’Aya, que par la beauté de l’image, le souffle de l’océan, un océan aussi versatile que volubile, qui semble murmurer à l’oreille des habitants. Un océan démiurge, qui se charge de réécrire leur destin.
Une beauté formelle d’autant plus précieuse quand on sait que le film a été tourné avec une micro-équipe, ce que jamais l’on ne devine à l’écran. Le réalisateur assure l’image, le son, la continuité, et la direction artistique, tandis que deux assistants réalisateurs assurent les traductions comme les contacts avec les habitants de l’île, acteurs amateurs rejouant leur présent. Tout comme la mer, antagoniste principal, les paysages s’inscrivent dans le récit, racontent leurs grandes et petites histoires.
Et l’on retient les scènes nocturnes où l’on voit des hommes ouvrir en silence des tombes pour transférer dans des boîtes de plastique les restes des ancêtres morts sur l’île, comme autant de gardiens impuissants de l’histoire, qui tentent vaille que vaille de retenir la mémoire qui file comme du sable entre leurs doigts.
Les qualités immersives de la mise en scène nous plonge dans un réel lointain qui brasse des thématiques universelles, et scelle le destin d’une Afrique occidentale rongée par l’exode rurale. Aya finira par devoir partir, comme tant d’autres avant elle. Elle partira, mais jamais n’oubliera. Bousculée par la vie nocturne d’une jungle citadine qu’elle affronte avec courage, soif de vivre et détermination, Aya, passe un cap, comme elle peut. Aya fille d’Abidjan, à jamais de Lahou.
Aya est le premier long métrage de Simon Coulibaly Gillard. Il a été réalisé avec le soutien du fonds d’aide aux productions légères lancé il y a quelques années par la Fédération Wallonie Bruxelles, et dont sont également issus des films comme Fils de Plouc ou Une vie démente. A la production, on retrouve Michigan Films (Belgique) et Kidam (France).