« Elles » ont de 20 à 65 ans. Elles sont “femmes de ménage” comme on le dit encore trop souvent. Tous les matins elles s’en vont travailler chez les autres. Certaines d’entre elles n’ont pas fait d’études : elles ont connu le travail en usine, ou au noir. D’autres encore ont été vendeuses, éducatrices, enseignantes ou aides-soignantes…
Et puis il y a eu les basculements de la vie: un homme qu’on quitte ou qui s’en va, les gosses qui attendent, des horaires qui rendent impossible la vie de famille dans un travail qu’on aimait, et on plonge dans le travail ménager, ce travail dont personne ne veut et qui depuis la nuit des temps est réservé aux femmes. Un travail qui à en croire une opinion encore très largement répandue, n’exigerait aucune qualification.
Aujourd’hui elles sont plus de 165 000 employées dans le secteur des “Titres-Services”. Ce chant choral inédit dessine le contour de la condition de ces femmes courageuses et lumineuses qui font le pari d’écrire une nouvelle page de leur travail…
A travers ce documentaire puissamment incarné par une dizaine de femmes qui partagent un quotidien fait d’hésitations, de souffrances, de complexes, mais aussi parfois de complicité et de chaleur humaine, Gaëlle Hardy et Agnès Lejeune nous donnent à voir celles dont on ne parle jamais, celles auxquelles on laisse nos clés, celles sur lesquelles on referme les portes de nos foyers, et qui pourtant oeuvrent au jour le jour au plus près de notre intimité. « Ils ont besoin de moi, je leur rends service ». Si certaines, comme Christel, ont fait la paix avec leur statut, et ont trouvé l’équilibre indispensable à une relation sereine avec l’employeur, d’autres sont encore victimes du comportement cavalier voire humiliant des particuliers qui requièrent leurs services.
Souvent complexées par une reconnaissance sociale quasi-nulle, qui tend à assimiler leur travail à un manque systématique d’éducation et de culture, Béatrice, Christelle, Rosalie, Nermina, Sabine et les autres tentent chacune à leur manière de se réconcilier avec ce métier qui ne sera surement jamais une carrière. Car le film lève le voile sur la crise sanitaire urgente qui terrasse le milieu, touché par un absentéisme record. Au bout de quelques années, la souffrance s’impose, les problèmes ergonomiques et respiratoires provoquent incapacités et pathologies. Autant de maladies professionnelles et d’accidents du travail qui sont pourtant trop peu souvent reconnus comme tels. Elles souffrent deux fois, dans leur corps, et dans l’absence de reconnaissance de leur souffrance par l’administration, victimes d’un sexisme dont on ne dit le mot.
Au bonheur des dames? dépeint un secteur récent mais conséquent de l’économie belge, qui s’apparente parfois à une nouvelle exploitation de la classe ouvrière féminine, à l’image de celle des employées des grands magasins de l’époque de Zola, auquel les réalisatrices empruntent leur titre.
Le film sort demain mercredi 24 octobre dans les salles belges.