Le comédien belge Arieh Worthalter est à l’affiche du très beau film de Keren Ben Rafael, A coeur battant, qui sort ce mercredi dans les salles belges.
Ca commence par une scène d’amour, rien que du très classique. Un couple en toute intimité se parle, s’écoute. Se touche. Soudain, le bébé pleure. Qui pour aller le chercher? Ce sera elle. Ce sera elle, car elle est restée à Paris, avec l’enfant, alors qu’il a dû retourner en Israël refaire son visa. Ils s’aiment à distance, par écrans interposés, le temps de cette pause administrative.
Du jour au lendemain, le couple fusionnel formé par Julie et Yuval doit faire face à une séparation forcée, et vivre par procuration le couple, la famille, la parentalité, et puis très vite, les doutes et les questionnements.
Le cadre est posé et ne déviera pas. Le récit est fait de la succession de leurs appels, complices et joyeux au début, de plus en plus saccadés avec les contretemps et les contrariétés. Les plans sont de fait souvent fixes, les regards face caméra. Mais le petit cocon amoureux et familial bientôt vole en éclat. L’intrusion des proches de Julie et Yuval dans le cadre (le baby-sitter, la famille nombreuse de Yuval, la mère de Julie) sont autant d’intrusions dans leur intimité.
Malgré un dispositif fragile, le fil ténu d’une conversation Skype où se joue l’avenir d’un couple, Keren Ben Rafael parvient à raconter l’amour, sa complexité et son mystère, la façon dont le quotidien contrarié peut parfois l’étouffer, raréfier son oxygène. Qu’est-ce qui éloigne, est-ce vraiment la distance? Ou bien cela se joue-t-il ailleurs, dans les traumas, les espoirs déçus, les ambitions ratées?
Elle parvient aussi à raconter aussi la difficulté de s’aimer à distance, et de s’aimer dans deux langues, comme dans deux visions du monde. Le film est servi par l’interprétation somptueuse bien qu’acrobatique de Judith Chemla et Arieh Worhalter, séparé·es par la force des choses, qui livrent deux magnifiques performances et donnent chair à leurs personnages malgré le double écran qui les sépare de nous.
A voir dès demain à Flagey.