Le festival du cinéma belge de Moustier propose actuellement une rétrospective de l’année 2011 et quelques coups de zoom sur des films attendus comme Torpedo ou A pas de Loup. Mais il n’y a pas qu’à Jemeppes qu’on parle de nos films. Ni même qu’en Belgique. Loin de là.
Le mois dernier, Travelling Bruxelles a projeté 170 films belges dans la jolie ville de… Rennes. Un vrai succès populaire (39.000 spectateurs) et une succession de rencontres qui ont littéralement sidéré les cinéphiles bretons. Et pour cause: nos plus grands réalisateurs avaient fait le voyage en Bretagne pour tailler une bavette avec les curieux. Surprise : les leçons de cinéma et des discussions se déroulaient devant des salles combles et de nombreuses séances ont dû être ajoutées au programme initial.
Un tel événement méritait un débriefing, mené par notre correspondante sur place, la Marseillaise Maryline Laurin qui a croisé nos vedettes, festoyé avec elles et discuté avec les spectateurs locaux de ce qui, pour les Rennais désormais bien informés, fait l’essence de notre cinéma.
Un bilan en quatre épisodes publiés jusqu’à dimanche et ensuite accessible en un unique dossier sur notre site. Un regard extérieur enrichissant, dépourvu de condescendance, juste ravi et enthousiaste.
Par Maryline Laurin
Mardi 7 février 2012 ouverture de la 23e édition du festival Travelling Bruxelles à Rennes, la salle du Liberté est pleine. Les discours officiels se succèdent. Le public retient celui de Christian Bourgoignie, directeur du Centre Wallonie Bruxelles à Paris, tout en poésie, humour et accent bruxellois, parsemé de quelques vers de chansons, dont « Bruxelles » de Dick Annegarn :
« Bruxelles, attends-moi, j’arrive
Bientôt je prends la dérive
Paris, je te laisse mon lit… » .
Petit clin d’œil involontaire au fait que l’équipe de Clair Obscur, organisatrice du festival, avait pressenti Paris en premier choix. Bruxelles triompha. Notre cœur succomba.
Christian Bourgoignie donna le ton de la fabuleuse édition qui allait se dérouler : « Bruxelles est une ville de dialogue, de regards croisés…Nos différences, cela constitue notre atavisme. Il n’y a pas de différences de civilisations…Chez l’autre il y a toujours quelque chose à trouver ».
Chacun se trouva. Pas forcement où il était attendu, c’est bien ce qui nous plut !
Drôle d’endroit pour une rencontre.
Parlons d’abord d’une rencontre artistique belgo-belge.
Il est bien connu qu’il faut parfois partir loin pour rencontrer son voisin ou son propre pays.
Présentée comme la plus importante rétrospective du cinéma belge jamais montrée en France, Travelling Bruxelles a rassemblé un nombre important d’artistes belges. Ce festival fut donc l’occasion pour eux de faire plus ample connaissance, de profiter du temps donné pour aller vers l’autre, son univers, son travail. Cela engendra un grand Mix de genres, de générations, de formats où jamais l’appartenance cinématographique ou la question linguistique ne fut une barrière; pas plus qu’un sujet de débat.
Enfin une union belge? Oui! En fait un front artistique belge, où prédomina le plaisir d’être ensemble, de représenter son pays, de montrer ses productions, d’aller au-devant de son public et bien sûr de boire une bière ! De vraies et d’étonnantes rencontres se produisirent, des discussions enflammées se poursuivirent tard dans la nuit, lors des soirées Clubbing de l’Ubu par exemple.
Ici, plusieurs se sont retrouvés comme la joyeuse bande de La Parti Production, spécialiste des projets hors norme : Vincent Tavier (énigmatique druide dans la nuit glaciale rennaise), Jérôme Le Maire Le Grand Tour (qui finit par trouver que certains Rennais avaient un humour encore plus trash que les Belges), Vincent Patar et Stéphane Aubier (prolixes sur leur collaboration avec Daniel Pennac dans le cadre de leur nouveau film d’animation Ernest et Célestine). Et bien sûr le presque local Philippe Kauffman, coprogrammateur du célèbre festival rennais Les Tombées de la nuit, qui fut simultanément conseiller bruxellois avisé du festival, fervent animateur d’une soirée « Clips belges » et ambassadeur de ses productions pour La Parti.
[Photo Maryline Laurin]
D’autres se sont redécouverts alors qu’ils pensaient se connaître. Ainsi, beaucoup furent bluffés par l’énergie d’un Noël Godin en grande forme. Tel un enfant, il mimait à ses compatriotes réalisateurs les « Encore ! Encore ! » scandés par un public breton enthousiasmé par son hommage au cinéma Flibustier. Une vraie rock star !
[Photo Gwénael Saliou]
L’agitateur anarcho-humoristique, loin de son image de « bouffon du Roi », força l’admiration de la jeune génération, tant par ses prestations que par son grand art de la séduction.
[Photo Gwénael Saliou]
Pour certains il y eut des révélations. Tel Jaco van Dormael subjugué par An Pierlé en concert solo au piano au Liberté, n’hésitant pas à faire taire les blagueurs pour mieux profiter du timbre de voix ensorcelant de la belle. Y aurait-il du clip dans l’air? Ou pour le jeune Marin Hock, photographe du poignant Photorama Bruxelles, traversée urbaine réalisée par Mirabelle Fréville, qui ne quitta plus le duo féerique Abel et Gordon et leur monde céleste.
On put aussi voir Constantin Beine et Alex Stockman passer du temps ensemble ou Fréderic Sojcher fréquenter assidûment les salles en quête de films non vus en Belgique…
Bref, des contacts se sont noués, des projets ayant eu leurs genèses à Rennes verront peut-être le jour à Bruxelles! Chut! Nous ne pouvons rien vous dire.
Des passerelles se sont également construites entre la Bretagne et la Belgique. À l’issue de la rencontre Petits joueurs proposée par Vivement Lundi !, Jean François Le Corre et Bruno Collet ont embarqué leurs homologues belges Constantin Beine et Rémy Durin (L’Atelier l’Enclume) dans une sympathique et instructive visite guidée de leur studio d’animation. Le cinéma Nova pourrait de même assurer un cycle de projections pendant l’année à Rennes.
Et Éric Gouzannet annonça une After à Bruxelles avant l’été. Il s’agirait d’une reprise d’une partie de la programmation du festival au Nova ainsi que celle du magnifique ciné-concert « Monsieur Fantômas &Cie » (Henri Storck ) par David Euverte (musicien entre autres de Miossec et Dominique A).
Un bouillonnement créatif qui n’est pas prêt de s’éteindre.