Après avoir accompagné deux jeunes hommes en plein questionnement dans leur passage contrarié voire douloureux à l’âge adulte dans Mobile Home, François Pirot revient avec Ailleurs si j’y suis, comédie dramatique polyphonique sur 5 personnages en quête de sens, entre réinvention et acceptation.
Mathieu est une sorte de bon élève de la vie. Au premier abord, il a tout bon. Un bon travail, une belle maison, une belle famille. Sauf qu’à l’intérieur, tout se fissure: le chantier qu’il dirige prend l’eau, et son couple boit la tasse. Jusqu’à ce qu’un jour, il aperçoive un cerf, là-bas, à l’orée de la forêt… Mû par une pulsion incontrôlable, Mathieu s’enfonce dans les bois, et pénètre dans un univers merveilleux, comme déconnecté du rythme infernal de la modernité, et reconnecté à l’ici et maintenant, entièrement présent à la nature. Pour quelques jours et quelques nuits, il élit domicile dans ce cocon merveilleux.
Sidérés autant par cette fuite que par le calme visiblement retrouvé par Mathieu, ses proches s’interrogent. Catherine, sa femme qui rêve de départ, quitter son couple et quitter sa vie quotidienne, touche du doigt la possible réinvention, et va comprendre qu’il n’est pas nécessaire de partir au bout du monde pour se trouver. Stéphane, son meilleur ami, phobique de l’engagement, comprend quant à lui ce que lui coûte sa liberté. Son boss Guy remet bien malgré lui en question la valeur fondamentale du travail, tandis que Jean-Marie, le père de Mathieu, entrevoit mieux le besoin de souffler de ce dernier.
Ce sont autant de trajectoires qui se déploient, partant de la fugue initiale de Mathieu, sans jamais vraiment se croiser tout en se répondant, l’une faisant écho à l’autre. En toile de fond, la course effrénée de nos vies modernes, le besoin forcené de réussir sa vie, avant même de la vivre.
Si les proches de Mathieu sont (très bien) interprétés par Suzanne Clément, Samir Guesmi, Jacky Berroyer et Jean-Luc Bideau, on retrouve également dans les rôles secondaires les excellentes comédiennes belges Gwen Berrou et Bérangère Mc Neese.
Complainte des temps modernes, de nos vies pressées, Ailleurs si j’y suis est aussi un conte forestier, une sorte d’ode à la présence, à la possibilité, un instant, de cesser momentanément de faire pour être à la nature. Cette aspiration est incarnée par Jérémie Renier, corps présent dans la forêt, en prise directe avec son environnement. Ces scènes sylvestres sont rêvées dans un format resserré, plus intime, aux couleurs plus franches, à la lumière plus chaude. Hors du conte, ses proches se débattent pour trouver leur vérité, aidés par leurs incursions dans la forêt, lieu réflexif, parfois malgré eux. Si la forêt n’est pas nécessairement un but en soi, elle est une étape, une halte sur le chemin d’une vie apaisée, et l’acceptation d’une vie normale, allégée des contraintes de performance à tout va.