À Perdre la Raison : revue de presse

Sur la Croisette, À Perdre la Raison est un véritable événement. Un événement un peu hors-norme pour un film projeté dans la section Un certain Regard, plus habituée aux films d’auteur plus discrets ou « pointus ». Mais n’est-ce pas finalement ce qu’est ce film de Joachim Lafosse? Sans son sujet délicat et son casting de stars aux cannoises réminiscences (tout le monde a encore en tête la sélection d’Un Prophète), A Perdre la Raison serait très légitimement considéré comme un film puissant très étudié, stylé et sans concessions. Un film… d’auteur donc.  Qui dépasse le cadre de sa polémique potentielle.

 

 » Quand Joachim Lafosse a annoncé en 2010 son intention d’en faire un film, beaucoup ont crié au scandale : il était alors trop tôt après le massacre, tout était trop frais dans les mémoires », rappelle Déborah Laurent sur le site web de 7/7.  » Pourtant, ce film, le voilà. Avec Émilie Dequenne dans le rôle de Murielle, la mère infanticide, Tahar Rahim (qu’on a découvert à Cannes avec Le Prophète de Jacques Audiard) dans le rôle de Bouchaïd Moqadem et Niels Arestrup (également dans Le Prophète) dans celui du docteur Schaar. Tous sont fabuleux.  »

 

 

Dans ce concert de louanges qui volent jusqu’aux acteurs, Émilie Dequenne est celle qui reçoit les fleurs les plus capiteuses.

La rédaction d’Evene dissèque son effondrement et notamment les deux séquences-clés qui stigmatisent sa démission:  » Deux séquences magnifiques témoignent, dans À perdre la raison, de ce basculement. Dans la première, Murielle revêt une djellaba offerte par la mère marocaine de Mounir. Elle se déshabille, laissant vibrer une dernière fois son corps épanoui. C’est là un rite de transmission, de passation : la jeune Française endosse avec une ardeur quasi mystique le rôle de la femme arabe, de la femme soumise. À partir de ce moment, elle ne sera plus qu’un fantôme  blême, drapé d’une tunique bleue, errant avec un sourire imbécile sous le soleil indifférent. Dans la seconde, Murielle s’effondre en larmes au volant alors que, dans l’autoradio, Julien Clerc chante : Femmes, je vous aime (cette chanson détestable). La scène est d’une cruauté infinie : parce qu’elle ne trouve pas d’autre issue, parce que les hommes autour d’elle ne lui proposent pas d’autre image de la femme,  Murielle finit par se résigner à l’idée que la véritable féminité réside dans le sacrifice de soi. La fin du film montre les conséquences tragiques de cette abdication. Un film bouleversant.  »

La volonté de Joachim Lafosse n’a jamais été de jouer la carte de l’émotion, ni celle du suspense, dévoilant ses cartes dès les deux premières scènes du film. Mais au contraire de chercher à comprendre le cheminement psychologique qui peut mener une mère à perpétrer un acte abominable.

Pour Fabienne Bradfer dans le Soir, c’est mission accomplie : « Au final, on a l’impression d’avoir compris le cheminement humain qui conduit au drame mais résonne ce titre « A perdre la raison » comme une bouée de sauvetage, quelque chose de rassurant pour éviter de sombrer dans le gouffre de l’évidence que l’énigme reste entière et qu’elle nous dépasse. Avec « A perdre la raison », qui fait penser aux traitements cinématographiques de l’affaire Romand traitée par Nicole Garcia et Laurent Cantet, Joachim Lafosse signe sans doute son film le plus humain. »

Et le plus formidable?

C’est ce que prétend l’hebdomadaire Moustique qui revient sur le contexte et la carrière du réalisateur : « Au delà des polémiques autour de l’adaptation du fait divers atroce qui a traumatisé la Belgique en 2007, il faut dire que Joachim Lafosse signe son meilleur film et livre l’un des chocs du festival. Après Nue propriété et Elève libre (qui traitaient aussi de la perversion et de la manipulation), l’un des plus talentueux réalisateurs belges est enfin arrivé à maturité pour s’emparer d’un sujet aussi difficile que l’infanticide. Un choc émotionnel et moral, une magistrale leçon de mise en scène, une oeuvre quasi mythique dont on ne ressort pas indemne »

 

 

Et Nicolas Gilson de conclure sur le Site Un Grand Moment de cinéma en se focalisant sur la dimension cinématographique du film : « En privilégiant un cadre serré, le réalisateur nous fond à l’intimité de la relation. Mais au-delà, l’approche photographique laisse transparaître une impression d’étouffement en nous conduisant à ressentir la fermeture de l’espace comme si les protagonistes étaient eux-mêmes enfermés au sein de celui-ci – les rares ouvertures de champs marquant dès lors l’impression de liberté. Si la tension est soulignée visuellement, elle est aussi palpable par le biais d’un leitmotiv musical et s’avère virulente dans les échanges dialogiques. Les mots sont des gifles qui deviennent torture… »

Dont acte…

 

[Toutes les photos par Marylin Laurin]

[une autre revue de presse, complémentaire est disponible sur le site de Wallimage]

 

PS. Les plus bilingues d’entre vous seront intéressés de savoir ce qu’on pense du film au Nord de la frontière linguistique. Que du bien…

Le correspondant cannois du site modernfilmcanon lui octroie la plus haute note du festival :

« Enfin, gisterenavond werd dan toch mijn eerste 18/20 van dit festival geserveerd. De Belgen hebben het ‘m weer geflikt: Joachim Lafosse serveerde met À PERDRE LA RAISON (Un Certain Regard) de emotionele knockout van dit festival. (…) Ook een werkelijk superbe cast, met schitterende hoofdrollen van Emilie Duquenne (bekend van de Dardennes), Niels Arestrup en Tahar Rahim (beiden bekend uit UN PROPHÈTE). Niet geschikt voor jonge moeders deze film, maar my o my, wat een keelafknijpend meesterwerk. Toen de aftiteling begon te rollen, klonk een zwak applausje, maar waarschijnlijk zat iedereen nog even op adem te komen cq de tranen weg te vegen, want nadat de laatste klanken van Haydns Stabat Mater waren weggestorven, barstte een minutenlange staande ovatie los. »

Dans Het Laatste Nieuws, on peut lire :  » ‘A perdre la raison’ (Engelse titel: ‘Love without reason’) is geen docudrama, wel een tragedie waarin Lafosse een disfunctioneel gezin psychisch tracht te duiden. Er wordt gefocust op de angstwekkende driehoeksrelatie tussen een vrouw, haar echtgenoot en de mysterieuze dokter waarbij het gezin inwoont.  »

Et  le Standaard, de conclure : « In Cannes, waar de film een van de aandachtstrekkers is in de sectie Un certain regard, werd hij gisteren enthousiast onthaald. ‘Een erg knappe film,’ zegt ook onze filmmedewerker Niels Ruëll, ‘met een intellectuele luciditeit die aan de films van Michael Haneke doet denken.’ Succes verzekerd dus in de betere bioscopen. »

 

 

 

 

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